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Le secteur des télécommunications, que T.Breton connaît bien, plaide pour qu’en fait de politique industrielle naissante, l’UE agisse en faveur de la modernisation des réseaux et de la couverture haut débit de tout le continent.
Le secteur des télécommunications, que T.Breton connaît bien, plaide pour qu’en fait de politique industrielle naissante, l’UE agisse en faveur de la modernisation des réseaux et de la couverture haut débit de tout le continent.
©KENZO TRIBOUILLARD / POOL / AFP

Industrie

L’industrie est redevenue une priorité. Au sein de l’Union européenne, le Commissaire à l’industrie, Thierry Breton, est à la pointe de ce combat, qu’un État membre plus que d’autres a fait sien depuis plus de vingt ans : la France.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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L’industrie est redevenue une priorité. Au sein de l’Union européenne, le Commissaire à l’industrie, Thierry Breton, est à la pointe de ce combat, qu’un État membre plus que d’autres a fait sien depuis plus de vingt ans : la France. C’est aussi, de tous les États membres, celui dont la part de l’industrie rapportée au PIB est la plus faible et s’est le plus contractée depuis 2000 (9% France, 19% Allemagne, 15% Italie, 15% UE). La désindustrialisation mine la compétitivité, réduit l’indépendance, et nuit à l’aménagement du territoire.

Dans un tel contexte, la mise sur pied d’une politique industrielle européenne forte est jugée prioritaire, alors que les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, sont sans complexes en la matière.

Il est une raison essentielle qui explique la singularité européenne : l’UE, depuis 1957, a renoncé au principe même d’une politique industrielle, jugeant suffisante une politique de concurrence. C’est un point essentiel inscrit au cœur des Traités. Alors que la politique de la concurrence est une compétence fédérale en vertu de l’article 3 du TFUE, l’industrie est reléguée à l’article 6 parmi les domaines dans lesquels « l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres ». L’industrie, pour les Traités, n’est pas plus un sujet pour l’UE que le tourisme !

Dans cette perspective, et alors que les partenaires de la France se méfient de ses desseins industriels, la définition d’une politique industrielle européenne est un enjeu majeur. En la matière, si l’on fait fi des contraintes politiques, placer le curseur entre l’interventionnisme et le marché est difficile. Deux secteurs sous le feu de l’actualité l’illustrent. 

Le secteur énergétique est sans doute l’un de ceux dans lequel une politique industrielle fait sens. Pour une raison simple : l’existence de failles de marché, dans lesquelles l’initiative privée n’apporte pas de réponses aux besoins existants. Ce sont ces failles qui justifient, pour faire écho débat actuel sur la réforme du contrôle européen des aides d’États, que le public supplée aux carences du privé. Encore faut-il que les fonds publics soient utilisés de manière fine, qu’ils soient destinés à des acteurs dynamiques, et qu’ils n’empêchent pas la concurrence de faire son travail de sélection. A cet égard, l’utilisation récente des dispositions du Traité en matière de projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) est d’intérêt. Dans l’hydrogène ou dans les batteries, des moyens publics de plusieurs États ont ainsi été dégagés. La capacité d’innovation des acteurs concernés et l’existence d’une carence de marché ne font pas vraiment de doute. Pour autant, les aides n’ont pas été destinée à un seul acteur, mais pensées pour créer ex nihilo un marché complet, et laisser dans un second temps les nouveaux acteurs de livrer à une concurrence par les mérites.

Le secteur des télécommunications, que T.Breton connaît bien, plaide pour qu’en fait de politique industrielle naissante, l’UE agisse en faveur de la modernisation des réseaux et de la couverture haut débit de tout le continent. Il milite à l’UE pour que le fardeau financier d’une telle modernisation ne lui échoie pas seul, au travers d’une série de propositions : création d’un péage, mise à contribution des fournisseurs de contenu, fiscalité etc. Rien de choquant. Pour autant, y a-t-il, en la matière, faille de marché, et le secteur des télécommunications est-il vraiment innovant ? Sur ce dernier point, le doute peut être permis. Si l’on prend l’exemple du cloud, prolongement logique de leur activité, les opérateurs téléphoniques n’ont pas su monter dans ce train d’innovation pour lequel ils avaient beaucoup de cartes en main. Si les opérateurs de télécommunications ont raison de vouloir restaurer leurs marges, une politique industrielle aurait pour but de concourir à une modernisation des réseaux, que rien ne garantirait vraiment, ainsi que le gouvernement des Pays-Bas vient de le rappeler. Et les débats actuels sur la 5G -qui font écho à de semblables débats il y a plus de dix ans - pourraient être à nouveau sur la table à propos de la 6G. 

Au total, tout est question de mesure. En fait d’énergie, les défis rencontrés par la filière hydrogène naissante, et notamment l’absence d’une demande solvable du marché qui seule garantit la viabilité de la filière, l’attestent. En fait de télécommunications, l’UE a de moins en moins de raisons de refuser aux opérateurs une consolidation du marché – que le Commissaire Breton a d’ailleurs réclamée à mots couverts dans son discours du 27 février au Mobile World Congress- qu’ils demandent avec force depuis des années et qui concourrait à solidifier un secteur atomisé. Si la puissance publique peut et doit faire plus pour l’industrie, le plus dur sera de choisir ses combats, dans un contexte d’érosion des marges financières publiques.

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