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Un projet de directive de l’Union européenne vise à assimiler les chauffeurs VTC ou Uber à des salariés.
Un projet de directive de l’Union européenne vise à assimiler les chauffeurs VTC ou Uber à des salariés.
©Anthony WALLACE / AFP

Hausse des prix en vue

C’est en tous cas ce que dénonce l’un des dirigeants d’Uber à propos des projets de l’UE visant à assimiler les conducteurs de VTC à des salariés.

Google et Yahoo, internet

Julien Boutiron

Julien Boutiron  est avocat au barreau de Paris. Il pratique le droit du travail au quotidien depuis plus de dix ans.

Il a écrit Le droit du travail pour les nuls, et tient un site internet.

 

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Atlantico : Un projet de directive de l’Union européenne vise à assimiler les chauffeurs VTC ou Uber à des salariés. Quelles seront les conséquences de cette directive ?

Julien Boutiron : Cette directive ne concerne pas uniquement les chauffeurs mais l’ensemble des travailleurs plateformes qui mettent en relation des clients et des prestataires qui ne sont pas actuellement considérés comme des salariés. Elle crée une présomption de salariat.  Les plateformes devront démontrer que leurs "prestataires" ne sont pas salariés. Actuellement, ces « prestataires » peuvent obtenir devant la justice la requalification de cette relation en contrat de travail en fonction des contraintes qui leur sont imposées. Pour cela, il faut qu’il démontre l’existence d’un lien de subordination qui ne suppose pas seulement que le prestataire soit rémunéré en contrepartie de son activité mais l’existence d’un lien de subordination avec la plate-platefome qui exerce un pouvoir de direction et de contrôle et les rémunère en contrepartie de l’activité qu’ils génèrent. La définition de ce lien de subordination résulte en France d’une jurisprudence de 1996 qui concernait la Société Générale. Elle est le critère du contrat de travail. Elle suppose l’exécution d’un travail effectué sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements.

Compte tenu des contraintes qui pesaient sur les chauffeurs Uber ou sur les livreurs de Deliveroo, ils peuvent être assimilés à des salariés.

Un certain nombre de critères avaient été proposés par la Commission européenne. Sept critères ont finalement été retenus.  Lorsque la directive sera transposée dans le droit national, les Chauffeurs Uber ou les livreurs Deliveroo seront considérés comme des salariés sauf si la plate-forme démontre que plus de trois des sept critères ne sont pas remplis. Cela sera certainement très compliquée pour elle ou elles devront changer leur organisation.

Cette décision de l’UE en assimilant les chauffeurs à des salariés va-t-elle bouleverser profondément et faire imploser le marché des VTC, de Uber, des plateformes… ?

Cela va être une réelle contrainte supplémentaire sur un secteur de l’économie qui fonctionnait, malgré ses défauts. Si des personnes travaillaient pour des plateformes, en période actuelle où il y a une tension pour de la main-d’œuvre et dans certains secteurs d’activité, c’est qu'elles y trouvaient leur compte via ce modèle alternatif. Certaines personnes sont allergiques au modèle de salariat traditionnel.

Le business model des VTC, des plateformes et de Uber est-il encore viable ?

Il s’agit d’une question majeure. Les chauffeurs au lieu de payer eux-mêmes leurs charges sociales en étant inscrits souvent comme auto-entrepreneurs (avec des charges à taux réduits) vont changer de modèle. Leurs employeurs, les plateformes devront payer ces charges sociales. Cela pose un certain nombre de problèmes.

Cela est déjà arrivé. Une décision du Conseil des Prud’hommes de Lyon a condamné la société Uber à verser 17 millions d’euros à 139 chauffeurs de VTC. La société Uber a fait appel de cette décision. Cela pose un vrai problème sur le modèle économique de ces plateformes.

Les charges sociales vont être beaucoup plus importantes. Avec ce type de requalification, le montant perçu par le chauffeur est considéré comme du net alors que sur ce montant il payait l’intégralité de ses charges sociales et des charges liées à son véhicule. Cette évolution peut donc mettre en faillite des plateformes.

Les prix payés par les consommateurs vont-ils augmenter ? Les plateformes ne font-elles pas une forme de chantage ?

Il est difficile de faire un pronostic mais il y a fort à parier que les prix vont augmenter. Il est possible que les plateformes aient mené un lobbying auprès du gouvernement et de l’Union européenne pour essayer d’éviter l’adoption de cette directive, mais leur cause n’est pas très "tendance" Les chauffeurs Uber, qui avaient moins de contraintes et qui n’avaient pas de licence comme les taxis, vont se retrouver avec des charges sociales plus élevées que celles des taxis, qui sont des travailleurs indépendants.  

N’y a-t-il pas un intérêt réel pour ces travailleurs en question de bénéficier enfin du statut de salarié ?

En termes de protection sociale, ces travailleurs bénéficieront d’une meilleure retraite. S’ils bénéficient d’une mutuelle d’entreprise, ils peuvent également être protégés contre le licenciement percevoir un salaire minimum et bénéficier des allocations pôle emploi. Cette évolution va changer totalement leur modèle économique et leur cadre juridique.

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