Une nouvelle menace terroriste venue d’Iran et du Hamas plane sur l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats français de l'opération Sentinelle, patrouillent sur l'esplanade du Trocadéro, devant la tour Eiffel, le 25 juin 2017, à Paris. Photo d'illustration
Des soldats français de l'opération Sentinelle, patrouillent sur l'esplanade du Trocadéro, devant la tour Eiffel, le 25 juin 2017, à Paris. Photo d'illustration
©LUDOVIC MARIN / AFP

Services de renseignement

Les autorités européennes affirment avoir déjoué plusieurs complots terroristes, dont un certain nombre impliquant des suspects se faisant passer pour des réfugiés

Emmanuel Razavi

Emmanuel Razavi est Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient. Diplômé de sciences Politiques, il collabore avec les rédactions de Paris Match, Politique Internationale, Le Spectacle du Monde, Franc-Tireur et a réalisé plusieurs Grands reportages et documentaires d’actualités pour Arte, France 3, M6, Planète...  Il a notamment vécu et travaillé en tant que journaliste en Afghanistan, dans le Golfe persique, en Espagne …

Il s’est fait remarquer pour ses grands reportages sur les Talibans (Paris Match), les Jihadistes d’Al Qaida (M6), l’organisation égyptienne des Frères Musulmans (Le Figaro Magazine, Arte).

Depuis le mois de septembre 2022, il a réalisé plusieurs reportages sur la vague de contestation qui traverse l’Iran. Il est notamment l'auteur d'un scoop sur l’or caché des Gardiens de la révolution publié par Paris Match, ainsi que d’un grand reportage sur les Kurdes Iraniennes qui font la guerre aux Mollahs, également publié Paris Match. Auteur de plusieurs documentaires et livres sur le Moyen-Orient, il a publié le 15 juin 2023 un nouveau roman avec Chems Akrouf, « Les coalitions de l’ombre » (éditions Sixièmes), qui traite de la guerre secrète menée par le Corps des Gardiens de la Révolution contre les grandes démocraties. Il aussi publié en 2023 « les guerriers oubliés, histoire des Indiens dans l’armée américaine » (L’Artilleur).

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Atlantico : Les autorités européennes affirment avoir déjoué plusieurs attentats terroristes depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. Quel est l’état de la menace en Europe depuis le début de la guerre à Gaza ?

Emmanuel Razavi : Elle est à prendre au sérieux, car bien réelle. Dès le 17 octobre, je l’avais d’ailleurs évoqué dans l’une de mes enquêtes pour Paris Match. Des spécialistes européens et américains que j’avais interviewés avaient mis en garde contre cette menace, émanant de l’Iran et de ses relais. Je citais aussi une source iranienne, proche du régime.  Selon ces sources qui se recoupaient, des cibles juives, notamment des associations, étaient ciblée. L’une d’entre elles racontait qu’une nébuleuse d’individus et de cellules islamistes, y compris en France, manipulés par Téhéran, pouvaient être activés à tout moment ». 

Les services de renseignement européens ont d’ailleurs déjoué plusieurs projets d’attaques terroristes sur le sol européen. Des sympathisants du Hamas qui étaient soupçonnés de planifier des attaques ont été interpellés dans plusieurs pays ces derniers mois. Il y a eu des arrestations au Danemark, en Allemagne.  Encore un exemple ces derniers jours : La police italienne vient d’arrêter trois ressortissants palestiniens soupçonnés d'avoir planifié des attentats. Ils sont suspectés d'avoir préparé des attaques-suicides contre des objectifs militaires et civils. Ils seraient liés aux Brigades des martyrs d'Al Aqsa, qui figurent sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne. Il y a en réalité une importation du conflit entre Israël et Gaza en Europe, et même aux États-Unis. Il est évident que la République islamique d’Iran souffle sur les braises du conflit, et que cela fait son jeu, du fait de son influence sur les réseaux islamistes palestiniens. Elle joue constamment la carte de l’intimidation et du chantage au terrorisme en Europe et les utilise à cette fin.

Est-ce que le regain de tension au Moyen-Orient est un terrain propice aux recrutements et à la recherche de financement pour les cellules terroristes, y compris en Europe ?

Clairement, Oui ! Les relais de l’organisation terroriste Hamas, branche palestinienne de l’organisation des Frères musulmans, et le Hezbollah libanais, qui est une émanation des Gardiens de la Révolution aux ordres du régime iranien, via des associations ou des groupes installés en Europe, utilisent le conflit pour diffuser leur propagande et récupérer de l’argent par divers moyens. J’ai largement évoqué cette menace iranienne dans mon livre « La Face cachée des Mollahs » qui vient de sortir, ainsi que ses réseaux financiers. J’explique notamment comment l’Iran active ses réseaux en Europe, via ses ambassades, mais aussi des cercles culturels et des agents d’influence, ou encore via des associations. Cela dit, l’Iran est confronté à d’énormes problèmes économiques, qui touchent même le Corps des Gardiens de la révolution. Il lui devient moins facile de financer ses proxies.

Quelle est la réalité du soutien de l’Iran à la menace terroriste en Europe ? 

Depuis 1979, l’Iran a mis en place un réseau d’espions et d’informateurs via ses ambassades en Europe, ou via des sociétés. Ces gens sont liés aux services de renseignements de la République islamique et aux Gardiens de la Révolution, dont ils sont souvent issus. Selon d’anciens membres de cette organisation que j’ai interviewés, ils ont des bases de données très complètes sur les opposants iraniens en Europe, mais aussi sur des journalistes qui les dérangent et qui peuvent être des cibles potentielles. Amir Hamidi, un ancien agent infiltré américano-iranien de la DEA, qui est l’un des meilleurs spécialistes des Gardiens de la révolution, me l’a confirmé. Je livre son témoignage dans mon livre. Ce qu’il raconte, et que j’ai pu recouper, est glaçant. Il mentionne notamment le fait que l’Iran est aussi en capacité d’activer des jihadistes d’Al Qaida. 

Il n’est pas le seul à le dire parmi les spécialistes du renseignement que j’ai interrogés.

Quelle influence l’Iran et des organisations qui lui sont affiliés tels que le Hamas exercent aujourd’hui en Europe ? 

L’Iran a tout un réseau d’agents d’influence et de lobbyistes au sein de l’Europe. La République islamique pratique par ailleurs en permanence, depuis 1979, le chantage au terrorisme. Via des associations culturelles et cultuelles, elle diffuse parallèlement un discours clairement anti-occidental, antisémite et anti-démocratique qui impacte les esprits les plus faibles, y compris dans les milieux universitaires ou dans certains cercles intellectuels d’extrême gauche. Ce que font aussi les relais du Hamas, dont l’Iran est l’un des parrains. Leurs éléments de langage, y compris dans les manifestations publiques, sont ceux de la République islamique d’Iran ou du Hamas. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que l’on voit en ce moment dans certaines universités. Mes enquêtes et mon livre montrent très clairement le niveau de menace élevé que la République islamique faite peser, bien sûr au Moyen-Orient, mais aussi en Europe. 

Le régime iranien est cependant à bout de souffle, en raison des crises et de la contestation qui touchent le pays. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci va s’effondrer du jour au lendemain. Pour se maintenir, les durs du régime multiplient les pressions et les menaces tant sur le plan intérieur qu’extérieur, sans parler de leur chantage au nucléaire. Pour eux, le Hamas n’est qu’un outil de leur stratégie. Mais il ne faut pas se leurrer. Lors de mon enquête, en interviewant des proches du régime ou d’anciens membres des Gardiens de la Révolution, je me suis rendu compte à quel point ils craignaient l’Europe, et notamment la France. En effet, la France dispose de bases au Moyen-Orient, qui sont de très haut niveau, comme celle d’Abu Dhabi, ainsi que de frégates de haute technologie qui naviguent dans le détroit d’Ormuz et en mer rouge. Les Mollahs sont aussi très craintifs du maillage diplomatique français, qui permet d’obtenir du renseignement de qualité dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. Ils considèrent enfin que c’est la France qui a eu les positions les plus contraignantes sur le nucléaire iranien. Pour le dire autrement, plus les Mollahs craignent la France et l’Europe, plus ils mettent la pression. La réalité, c’est qu’à part le terrorisme et leurs réseaux d’influence, qui représentent une menace importante, ils n’ont pas vraiment d’autres moyens de nous faire face. C’est d’autant plus dangereux (…). La France, notamment sa diplomatie, doit dès lors prendre en compte le fait que l’Iran, où la moyenne d’âge est de 32 ans, vit une transformation générationnelle profonde. Dans leur majorité, les Iraniens ne veulent plus des Mollahs. Donc, il est temps que les occidentaux soutiennent davantage les oppositions démocratiques iraniennes, qui ramèneront la stabilité au Moyen Orient. Ces oppositions, laïques, dont j’ai interviewé plusieurs dirigeants, sont le meilleur rempart contre le terrorisme et l’islamisme qui nous menacent. 

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