Réforme des institutions : Monsieur, le président, osez le référendum <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Réforme des institutions : Monsieur, le président, osez le référendum
©Frederick FLORIN / POOL / AFP

Appel d'élus de la Nation

On nous annonçait un grand chantier constitutionnel et nous voilà avec un catalogue de bricolage.

Alain Dufaut

Alain Dufaut

Alain Dufaut est sénateur du Vaucluse.

Voir la bio »
Julien  Aubert

Julien Aubert

Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains

Voir la bio »

Ecrite par Julien Aubert, député de Vaucluse, président d’Oser la France et Alain Dufaut, sénateur de Vaucluse.

Cosignée par Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président d’Oser la France ; Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes ; Bernard Fournier, sénateur de la Loire ; Bernard Carayon, maire LR de Lavaur et conseiller régional d’Occitanie, vice-président d’Oser la France ; Stéphane de Sallier Dupin, conseiller régional de Bretagne ; Stéphane Sauvageon, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte D’Azur ; Thierry Hory, conseiller régional Grand Est & maire de Marl ; Marie-Hélène Herry, conseillère départementale du Morbihan et maire de Saint-Malo-de-Beignon ;Pierre Laget, adjoint au maire des 11ème& 12ème arrondissements de Marseille chargé des Finances.

On nous annonçait un grand chantier constitutionnel et nous voilà avec un catalogue de bricolage. En effet, on trouve pêle-mêle et en désordre dans la proposition de réforme constitutionnelle : l’inscription de la spécificité Corse dans la Constitution, la suppression de la Cour de Justice de la République, la disparition des ex-présidents de la République du Conseil Constitutionnel, la transformation du Conseil Economique et Social et même l’impératif de la lutte contre le changement climatique. L’erreur serait de croire pourtant qu’il s’agit d’une réforme cosmétique et inoffensive alors qu’Emmanuel Macron entend revoir les grands équilibres de 1958. Il n’entend pas refaire la décoration intérieure au goût du jour mais est bien en train d’attaquer de fait les murs porteurs de la Vème République, au risque de faire écrouler l’ensemble.

Les sénateurs ont très précisément défini ce que sont ces murs porteurs aujourd’hui attaqués : un Parlement qui marche sur deux jambes, l’Assemblée nationale et le Sénat ; une bonne représentativité des territoires ; la possibilité de dégager de vraies majorités pour que notre pays puisse être gouverné.

Malheureusement, le Sénat n’a été que très partiellement écouté.

Premier poison de la réforme : la « miniaturisation » de la représentation nationale. Le président de la République veut réduire la représentation nationale à 404 députés au lieu de 577, et 244 sénateurs au lieu de 348. Qu’on puisse revenir aux fondamentaux de 1958, où il y avait 100 députés de moins, nous ne nions pas, mais là la baisse est drastique : 30% d’occasions en moins pour les représentants du Peuple souverain de s’exprimer, de contrôler, d’approuver ou de contester. 40% de députés élus sur leur nom en moins, en comptant la proportionnelle. La République n'aura jamais compté autant de citoyens et si peu de parlementaires. Qu’on en juge : les Français seront demain moins bien représentés que les Allemands, les Britanniques et les Italiens ! Même en 1958, le Général de Gaulle, tout auréolé qu’il fut par l’Histoire, n’imaginait pas tout décider en lieu et place du Parlement car il savait qu’il n’était pas le seul détenteur de la légitimité démocratique.

Comme le dit d’ailleurs fort justement Vincent TREMOLET de VILLERS dans le Figaro : on se trompe de combat. Ce n’est en effet pas le nombre de parlementaires qui dévitalise la politique, mais leur impuissance face à la technostructure, à la paralysie budgétaire liée à une dette qui ne se résorbe pas, et - nous serions tentés d’ajouter - à la perte de souveraineté face au poids des normes européennes actées par les exécutifs et la Commission.

Cent sénateurs de moins n’y changeront rien, bien au contraire. Ils manqueront à la représentation des territoires et à leur défense. Quant aux députés, rappelons que leur nombre a varié jusqu’ici de 482 à 577 de 1958 à 2018. Sous la IVème République, les députés ont été 627, en 1871, 634. Il faut revenir aux 1er et 2nd Empire pour compter si peu de députés. 15% des départements français - essentiellement ruraux - ne seront représentés que par un seul député. Où est ce goût de l’équilibre qui singularise la constitution gaullienne ? Qu’est-ce que cette coupe sombre dissimule ?

Lorsque les vieux réflexes antiparlementaires sont flattés à ce point, c’est que les auteurs de cette réforme ont perdu le goût de la démocratie ou alors qu’ils conçoivent les institutions de la Nation comme l’organisation d’une multinationale qui dégraisse ou délocalise ses unités de production comme bon lui chante.

La fameuse dose de proportionnelle, morphine censée apaiser la douleur du patient, est aussi une fausse bonne idée. La proportionnelle n’a jamais porté chance à la France. Il y a un siècle, en 1917, la IIIème République essayait désespérément de s’en débarrasser au profit d’un scrutin plus stable, uninominal. Elle a été ensuite le mode de scrutin de la IVème République qui nous a amenés à son naufrage lors de la guerre d’Algérie. Elle a été instaurée en 1986 pour permettre l’entrée du Front national à l’Assemblée nationale.

L'Italie et l'Allemagne viennent de faire la preuve une nouvelle fois que la proportionnelle amenait à l'instabilité. L'Allemagne a voté le 24 septembre 2017, elle a trouvé un Gouvernement stable 6 mois plus tard. L'Italie a voté le 4 mars 2018, elle n'a toujours pas de Gouvernement issu de cette élection. La France n'a pas besoin de problèmes supplémentaires.

Au surplus, élire 60 députés (15 %), élus à la proportionnelle sur 404, comme le propose le Gouvernement, est ridicule car la majorité des sièges distribuée à la proportionnelle le sera aux représentants politiques des grands partis et certainement pas aux minorités. On peut comprendre la légitime colère de François BAYROU qui s’est littéralement fait « cocufier » dans cette affaire.

Troisième poison : la limitation des mandats dans le temps. La représentation nationale est déjà très fragilisée par la fin du cumul des mandats qui a exclu du Parlement beaucoup d’élus locaux de terrain. Mais comment peut-on retirer aux citoyens le droit de choisir tel élu, sous le seul prétexte qu’il aurait bénéficié trois fois de leur confiance pour les représenter ? En l’occurrence, un élu qui devient maire à 25 ans et qui consacre trois mandats au service de sa commune, serait bon à jeter aux orties à 43 ans ? Nous aurions des élus à « obsolescence programmée ». C’est la culture du déchet ou l’on jette ce qui est utile parce qu’il n’est pas nouveau.

C’est au suffrage universel et à lui seul de décider de la fin d’un mandat. Limiter le cumul des mandats dans le temps, c’est tout simplement amputer le citoyen de l’un de ses droits les plus fondamentaux, celui de choisir ses représentants en toute liberté.

On nous parle aussi de différenciation. Ce texte risque de compliquer encore plus une décentralisation qui a du mal à trouver sa place après les multiples réformes, parfois contradictoires, de ces dernières années. Cessons de torturer les collectivités à coups de textes législatifs souvent peu réfléchis. Laissons les élus locaux travailler en paix et donnons-leur un peu de stabilité dans la durée.  La décentralisation, oui, mais pas n'importe comment ! Les mêmes facultés pour tous, y compris celle d'expérimenter comme le permet la réforme constitutionnelle de 2003. N'est-ce pas finalement là qu'est la différenciation ?

Enfin, dernier gadget, est-il vraiment utile de nommer les régions dans la Constitution ? Pire, de nommer certaines régions plutôt que d'autres ! Il ne nous viendrait pas à l'idée de nommer tous les départements.

Toutes ces mesures, si elles étaient appliquées en l’état, auraient un impact corrosif sur l’équilibre des trois piliers fondamentaux de la République, avec pour effet, comme le dit fort justement le Président de la Commission des Lois du Sénat, Philippe BAS : « un Président fort, un Gouvernement subordonné et une Assemblée déférente ».

Surfant sur la défiance à l’égard du parlementarisme, l’auteur de cette réforme propose un bouleversement qui est au mieux du bricolage insensé, au pire une tentative délibérée de priver les territoires et le Parlement de tout poids politique. Nous, élus attachés à la Nation, n’acceptons pas ce coup de force et demandons solennellement au président Macron qu’il soumette au peuple souverain par référendum ce texte indigne. Nous n’avons pas peur du peuple qui comprendra l’enjeu. Nous combattrons, et si la République doit basculer dans le passé et renier les pères fondateurs, que ce soit parce que le peuple l’a choisi et non dans les coulisses des bureaux parisiens.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !