Qui veut une CRISPR-salade ? L’édition génomique se développe pour améliorer le goût des aliments sains <!-- --> | Atlantico.fr
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Cette salade est un peu épicée, riche en vitamines et minéraux et le but de l'utilisation de CRISPR est de faire qu’elle plaise davantage au goût des consommateurs.
Cette salade est un peu épicée, riche en vitamines et minéraux et le but de l'utilisation de CRISPR est de faire qu’elle plaise davantage au goût des consommateurs.
©Guillem Sartorio / AFP

Plus appétissant ?

Une start-up a utilisé l'édition génétique pour rendre les feuilles de moutarde plus appétissantes pour les consommateurs.

Catherine Regnault-Roger

Catherine Regnault-Roger

Catherine Regnault-Roger est professeur des Universités émérite à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (E2S UPPA) et membre de l'Académie d'agriculture de France et de Académie nationale de Pharmacie.

 
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Atlantico : Une startup a utilisé le système CRISPR sur une salade, qu’en savons-nous ?

Catherine Regnault-Roger : Ce que je sais de cette innovation, c'est qu'ils se sont attachés à la création d'une nouvelle catégorie de salade. Apparemment, cette salade est un peu épicée, riche en vitamines et minéraux et le but de l'utilisation de CRISPR est de faire qu’elle plaise davantage au goût des consommateurs. C'est un peu comme la tomate GABA, c'est une tomate japonaise qui a été commercialisée en 2020 et les premières tomates ont été consommées devant les caméras de télévision japonaise en janvier 2023. Cette tomate contient un acide aminé relaxant appelé le GABA, qui agit contre l'hypertension artérielle, entre autres bienfaits. C'est donc considéré comme un "alicament". Dans le cas de la salade, l’objectif est juste, semble-t-il de la rendre moins amère.

Est-ce une nouvelle pratique qui va se développer d’utiliser l'édition génomique pour rendre les produits sains plus attractifs ?

Je pense que l’on commence avec ces produits car ils sont facilement modifiables, sans ajout de d'ADN étranger. Donc ça veut dire que d'abord pour la réglementation de l'USDA, elle est dispensée de réglementation et n’est pas considérée comme OGM. Vu la modification qui a été faite, c'est une modification qui peut intervenir dans la nature ou qui peut intervenir par sélection classique, mais ça va plus vite et plus précisément avec CRISPR.

Dans le domaine de l'édition du génome, on utilise généralement ce qu'on appelle la mutagénèse ciblée, qui se divise en trois types. Le premier type consiste à supprimer une base ou à désactiver un gène, ce qui est relativement simple à réaliser et entraîne un changement minimal dans le génome. Ensuite, on peut ajouter très peu de paires de bases, ce qu'on appelle le SDN 2 et cela peut provenir du même pool génétique de la plante, ce qui rend également le processus assez simple. Enfin, le SDN 3 permet l'ajout d'un allèle étranger, et on considère que les produits d'édition du génome utilisant le SDN 3 sont similaires à l'obtention de transgénèse, mais de manière plus précise, plus rapide et avec moins d'incidents non désirés.

CRISPR pourrait-il rassurer une partie de la population quant aux OGM ?

De toute façon, en tant qu'Européens, la compétitivité mondiale est un enjeu crucial pour nous. Actuellement, comme vous le savez peut-être, la Commission européenne réfléchit à la réglementation à appliquer aux produits de l'édition du génome. Cette discussion est en cours et une décision communautaire est attendue d'ici le mois de juillet, c'est imminent. Les questions qui se posent sont les suivantes : faut-il adopter une réglementation similaire à celle de nombreux autres pays dans le monde qui exemptent les SDN 1 et les SDN 2 de réglementation OGM ? En France, nous sommes en faveur du principe de précaution et plus encore.

Peut-on imaginer dans un futur plus ou moins proche un développement plus massif de produits qui qui auraient été modifiés par CRISPR ?

De toute façon, la plupart des brevets sont déjà détenus par les États-Unis et la Chine. Donc si nous ne nous réveillons pas, nous risquons donc de consommer demain une baguette française avec du blé sous licence chinoise. Il est donc urgent de procéder à une révision réglementaire, car ces techniques d'édition du génome sont rapides, précises et moins coûteuses que les autres méthodes de modification génétique. Elles offrent également une réponse rapide aux défis tels que le changement climatique, en permettant le développement de nouvelles variétés adaptées. Actuellement, de nombreux projets de recherche et développement sont en cours dans le domaine de l'édition du génome, mais très peu de produits ont déjà été homologués, moins d'une dizaine pour être précis. Cependant, le développement se poursuit et de nombreux nouveaux projets sont attendus avec des demandes de mise sur le marché imminentes. J’en parle dans mon livre Enjeux biotechnologiques.

Il faut souligner que le processus de mise au point d'une variété et son homologation prennent quelques années. Même après l'homologation, la commercialisation peut être retardée en raison de considérations économiques. Par exemple, un champignon de Paris résistant au brunissement a été homologué en 2017, mais n'était pas encore commercialisé au moment où j'ai rédigé mon ouvrage il y a deux ans, car la société attendait le bon moment pour le lancer sur le marché.

Il est donc important de noter que l'homologation par les autorités réglementaires, comme la FDA aux États-Unis, n'est pas forcement suivie d'une commercialisation immédiate. Cependant, vous avez raison de souligner que le processus s'accélère, avec de plus en plus de projets qui aboutissent. Sur le plan médical, en particulier, les avancées vont être significatives, avec de nombreux produits destinés au traitement de maladies. Cependant, il convient également de mentionner que les essais cliniques peuvent être longs en raison des impératifs de sécurité et des différentes phases d'étude, comme nous l'avons constaté avec la pandémie de COVID-19, où de nombreux produits sont soumis à trois phases d'essais cliniques avant d'être homologués. Nous en sommes donc encore à l'étape en phases expérimentales pour de nombreux produits. Que ce soit en médecine ou en agriculture, d'ici 2025 à 2030, nous pouvons nous attendre à une explosion de ces avancées technologiques !

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