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Quelles ambitions reste-t-il à la France en matière de défense ?
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Mais que fait l'armée ?

Le gouvernement a présenté mercredi à l'Assemblée un projet de budget de la défense de 31,4 milliards d'euros pour 2013, quasiment stable par rapport à 2012, dans l'attente du Livre blanc qui définira dans quelques mois les nouvelles priorités stratégiques de la France.

Etienne  de Durand

Etienne de Durand

Etienne de Durand est directeur depuis 2006 du Centre des études de sécurité de l'IFRI.

Il traite régulièrement des questions liées aux politiques de défense française et américaine, ainsi qu’aux interventions militaires récentes.

Il écrit par ailleurs pour le blog Ultima ratio.

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Atlantico : Au nom de la "stabilisation des ressources", le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a été chargé de réduire les dépenses de son ministère. L'amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées, a averti l'Assemblée nationale des "impacts stratégiques, opérationnels et industriels irréversibles" que pourraient provoquer de telles coupes. La France revoit-elle aujourd'hui ses ambitions géopolitiques à la baisse ?

Etienne de Durand : Il y a pour moi deux façons de considérer les coupes budgétaires : il y a un premier seuil, proche du budget actuel, en deçà duquel les ambitions françaises devront être temporairement revues à la baisse, notamment parce que des commandes d’équipements devront être étalées et que notre budget d’intervention extérieure sera moindre. Il y a ensuite un deuxième seuil, plus grave s’il est atteint, en deçà duquel un déclassement stratégique serait en effet « irréversible ». Le risque serait alors que la France devienne une sorte de « Hongrie avec la Bombe ». Si les réductions budgétaires qui frappent la Défense restent raisonnables, il n’est pas impossible que la France se remette de ce « passage à vide » budgétaire pour reprendre la place qui est aujourd’hui la sienne. De même, des coupes modérées ne menacent pas trop gravement notre capacité technologique, tant qu’elles sont maintenues sur quelques années seulement. A l’inverse, une politique de reports prolongées ou d’annulations brutales de commandes risque fort, hélas, de déboucher sur des fermetures de sites industriels, ce qui aurait des conséquences pour notre défense, mais aussi en termes d’emplois.

A terme la France serait-elle tentée de renforcer ses politiques de coopération avec ses alliés traditionnels (Europe et Etats-Unis) pour soulager ses dépenses nationales ? 

Le gouvernement actuel semble privilégier pour l’instant l’option européenne. Néanmoins, l’appel à une « Europe de la défense », pourtant souhaité par tous en Occident, Etats-Unis compris désormais, s’apparente aujourd’hui plus à un vœu pieux qu’a une réalité. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les budgets de la défense des pays européens, en particulier des petits pays, qui sont tous revus à la baisse depuis plusieurs années. Sachant que l’Europe se tourne vers la France et le Royaume-Uni pour assurer le gros des efforts de défense, il serait pour le moins paradoxal que nous comptions sur ces mêmes pays pour soulager nos propres dépenses dans ce domaine.

Il est vrai que des opportunités existent en matière de « partage capacitaire » européen et peuvent être envisagées. La France a ainsi passé un accord bilatéral (Lancaster House 2010) avec l’Angleterre ouvrant la voie à de telles initiatives. Il faut cependant être bien conscient du fait que ces accords de partage capacitaire fonctionnent toujours sur un principe « donnant-donnant » (échange de technologies ou de capacités militaires par exemple NDLR), ce qui suppose d’abord d’avoir quelque chose à partager..

Si ces options ne s’avèrent pas concluantes et que l’Europe désarme massivement dans les années qui viennent, il faudra en effet se placer de facto sous la protection américaine. Il y a déjà aujourd’hui une certaine hypocrisie politique, de droite comme de gauche, qui consiste à affirmer haut et fort l’indépendance stratégique et militaire de la France, alors même que nous sommes dépendants des Américains pour certaines capacités, comme les opérations contre la Libye l’ont rappelé. Cette ligne politique sera demain intenable si nous sabrons aujourd’hui les budgets de Défense.

Les trois grandes puissances militaires (Chine, Russie et Etats-Unis) sont entrées dans une phase de réarmement depuis une dizaine d’année. La France n'est-elle pas en train de « baisser la garde » au plus mauvais moment ? 

Il faudrait préciser que la Chine ne « réarme » pas mais est dans une logique de modernisation de sa défense depuis très longtemps. On observe cependant bien une accélération des dépenses de la défense chinoise sur les dernières années (+189% entre 2000 et 2010). Pour le reste, on peut en effet affirmer que le monde est dans une phase de réarmement alors que l’Europe désarme.

Tant que l’on ne connaît pas l’ampleur de ces coupes, il est trop tôt pour sombrer dans un pessimisme radical : une réduction modérée et limitée dans le temps du budget de la Défense paraît de toute façon inévitable au vu de nos difficultés économiques. Il faut cependant veiller à ce que cette baisse du budget se fasse de manière temporaire et intelligente, de façon à pouvoir organiser d’ici 3 ans, le plus rapidement possible en l’occurrence, une véritable remontée en puissance.

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