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Quand les experts déclaraient qu'Emile Louis n'était "pas dangereux"
©REUTERS/Eric Gaillard

Bonnes feuilles

Décryptage des affaires les plus emblématiques de l’année 2014, par Marcel Gay et Frédéric Crotta. Extrait de "Les dessous des affaires judiciaires", publié chez Max Milo.

Marcel Gay et Frédéric Crotta

Marcel Gay et Frédéric Crotta

Marcel Gay est un ancien grand-reporter de l'Est Républicain (Nancy) plus particulièrement chargé de la chronique judiciaire. Il a publié, notamment : Enquête chez les notaires (Stock, 1995), L'affaire Jeanne d'Arc avec Roger Senzig (Florent Massot 2007) et Le coup de Tarnac (Florent Massot 2008).

Frédéric Crotta est grand-reporter à France 2. Il est notamment chargé des affaires judiciaires au sein de la chaine.

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La prise en compte de l’ensemble de ces éléments (dans une échelle actuarielle) permet de donner un score, c’est-à-dire une évaluation affinée du risque de récidive d’un individu. Une évaluation considérée par beaucoup comme supérieure au simple hasard. Pour de nombreux spécialistes, cette technique utilisée depuis longtemps outre-Atlantique permet à l’institution judiciaire d’être mieux informée et préparée aux risques de récidive liés à la criminalité.

En France, beaucoup de médecins psychiatres « modernistes » estiment que l’expertise est encore trop influencée par la psychanalyse. Tout le monde, ou à peu près, s’accorde pourtant à dire que la criminalité n’est pas totalement liée à la psychiatrie. Pour montrer à quel point le travail des experts est difficile voire aléatoire, voici les résultats d’un rapport inédit réalisé par un expert considéré comme une « pointure » dans la profession. Un document qu’une source judiciaire a bien voulu nous confier.

C’est une note extrêmement inquiétante et dérangeante. Elle concerne un personnage qui a défrayé la chronique pendant des dizaines d’années : Émile Louis. Le chauffeur de car le plus célèbre de France, aujourd’hui disparu, avait été condamné à de multiples reprises pour des attentats à la pudeur, des viols sur mineurs sans oublier, bien sûr, une dizaine d’assassinats. Sa dernière condamnation date de juin 2006 : en appel, la cour d’assises de Paris inflige au serial killer de l’Yonne la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de dix-huit ans.

Sept ans plus tard, en août 2013, un expert est nommé par un juge d’application des peines de la cour d’appel de Colmar. Sa mission : « Dire si un suivi psychiatrique ou médico-psychologique est actuellement utile [à Émile Louis] en détention et lui sera nécessaire après sa libération, et si l’intéressé est susceptible d’être soumis à un traitement. » Les conclusions sont édifiantes. L’expert reprend des analyses faites par plusieurs de ses confrères tout au long du parcours criminel et judiciaire d’Émile Louis. Voici le résultat d’une évaluation pré-sentencielle (avant jugement) faite en mai 1982 par les docteurs S. et S.

– Absence de troubles psychiques patents.

– Sujet parfaitement intégré sur le plan social.

– Absence de dangerosité.

– Sujet considéré comme curable et réadaptable. Deux mois avant d’être condamné à cinq ans de prison ferme pour de multiples attentats à la pudeur sur mineurs, voici, daté de septembre 1989, le fruit du travail de l’expert, le docteur C. :

– Absence d’anomalie mentale.

– Absence de psychopathie, état psychique satisfaisant.

– Bonne intégration sociale, absence d’impulsivité.

– Caractère pathologique de type pervers masochiste.

– Absence de dangerosité. – Sujet peu curable ou réadaptable en raison de son âge.

Libéré sous condition en 1992, Émile Louis ne sera rattrapé définitivement par la justice que quatorze ans plus tard. Alors, la science et la technologie pourraient-elles venir au secours de l’homme et de ses faiblesses ? Un jugement pourrait le laisser supposer. En juin dernier, aux assises du Rhône, Sébastien Culas, accusé d’avoir porté des coups mortels, a été déclaré irresponsable de son acte. L’expert n’avait rien décelé d’anormal dans le comportement de l’accusé. La défense a tout simplement sorti son joker : un scanner montrant l’ablation d’une tumeur au cerveau il y a vingt-sept ans. Résultat : le prévenu a écopé d’une simple amende. La neuroscience fait ainsi une entrée fracassante dans les prétoires. « Je ne connais aucun précédent en France. Mais ces moyens d’investigation devraient se développer dans les prochaines années » estime Gérard Rossinelli. Cette affaire a en tout cas le mérite de poser une question essentielle : quelle est la part du psychologique et du biologique dans la criminalité ?

Extrait de Les dessous des affaires judiciaires, de Marcel Gay et Frédéric Crotta, publié chez Max Milo. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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