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Internet : quand Marine Le Pen tente d'imiter Barack Obama
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Yes, she can

Journées d'été du Front national ce week-end. L'occasion de se pencher sur la stratégie web du parti...

Alban Martin

Alban Martin

Alban Martin est maître de conférence associé au Celsa Paris IV Sorbonne.

Co-fondateur et vice-président du Social media Club Paris, il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l'univers d'Internet dont notamment Egocratie et Démocratie : la nécessité de Nouvelles Technologies Politiques (Fyp éditions, 2010).

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Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la communication de l’extrême droite emprunte au candidat Barack Obama certains aspects. On sait notamment à quel point la mobilisation de terrain a joué un rôle important pendant la campagne démocrate : La discussion, que ce soit via du porte-à-porte, via le téléphone ou des rencontres organisées par les militants, a permis de modifier les comportements de vote plus en profondeur que le simple tractage anonyme sur la place du marché.

A Perpignan, le candidat FN aux cantonales Louis Aliot a appliqué en quelque sorte cette méthode : il a demandé aux militants locaux de lui organiser une série de dîners avec à chaque fois un maximum d’une dizaine de personnes qu’on pourrait qualifier de « meneuses de discussions » : le boulanger du coin, le facteur du coin, le barman, le boucher, le responsable du tabac au bout de la rue1. Après, le principe bien connu des réunions tupperware s’applique : vous vous assurez qu’au moins un ou deux sympathisants d’extrême droite se trouve au tour de la table pour témoigner de leur intérêt pour ces idées. Les autres seront alors plus enclines à « basculer » en voyant que des têtes plus ou moins connues y adhèrent. Même si l’opération séduction échoue le soir même, les personnes ayant dîner avec Louis Aliot en parleront le lendemain aux nombreuses personnes qu’elles croiseront. Un dîner étant en général un moment convivial de part sa nature sociale, ces invités d’un soir relateront un moment qui n’aura pas été désagréable. Multipliez l’opération par 10, 20 ou 30 dîners, et l’impact est profond sur le territoire concerné qui est alors complètement maillé.

Par ailleurs, l’extrême droite semble mieux maîtriser les codes du web, tel qu’ils ont fait le succès de Barack Obama. Ainsi Marine Le Pen a bien compris les différences d’impact d’un message en fonction de son format2. Une image est toujours mieux mémorisée qu’un long discours : elle n’hésitera pas à montrer à la télé la photo de l’ambassadeur de France en Tunisie en slip3, tirée du site copaindavant.fr. Le même passage télé sans la photo n’aurait sans doute pas fait 35 000 vues sur youtube. Le compteur censé représenter l’agrandissement du déficit français à chaque seconde, régulièrement en home page du site http://www.frontnational.com/ relève du même artifice communicationnel. De plus, l’opportunisme de certaines actions de communication en ligne pourrait faire rougir de jalousie Chris Hughes, cofondateur de facebook et responsable de mybarackobama.com. Ainsi lors de la grande médiatisation de plusieurs « apéro facebook », un « apéro géant saucisson pinard » prévu dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris a fait parler de lui dans la foulée. Derrière la mystérieuse créatrice de l’évènement facebook Sylvie François se cachent en fait deux mouvement d’extrême-droite, Bloc Identitaire et Riposte Laïque4. Les retombées médias seront importantes, le coup sera réussi.

Enfin avec le site contributif fdesouche.com en vaisseau amiral, l’extrême droite est particulièrement bien outillée pour distiller des messages ou informations censées alimenter ensuite les débats et autres argumentaires radicaux. Il s’agit d’une sorte de http://www.fightthesmears.com/ inversée. Les sympatisants du Front national sur la toile fonctionnent comme un réseau de vigies silencieuses, capables de repérer aux quatre coins du web des éléments abondants dans leur sens, pour mieux les amplifier. Les histoires du quick halal, des agressions dans un bus, l’étude sur l’insertion plus ou moins réussie des enfants d’immigrés etc, sont autant de sujets5 subtilement distillés dans l’actualité, parfois en les exposant directement auprès de leader d’opinions en ligne ou dans les commentaires d’articles de journaux, parfois lus par les journalistes. La campagne d’influence pour les présidentielles 2012 a bel et bien débuté, à bon entendeur…

1 « Je construis mon réseau en faisant des petites réunions au domicile des habitants avec une dizaine d’invités en moyenne, rétorque le candidat. Ce sont des prescripteurs d’opinion, comme des commerçants, des membres d’associations et des artisans. C’est plus efficace que d’aller sur un marché ». Propos de Louis Aliot recueillis par Olivier Beaumont, source Aujourd’hui en France, « les gens en ont ras le bol alors, ils votent FN », 22 mars 2011.

2 Voir Edgar Dales : cone of learning, http://www.willatworklearning.com/2006/05/people_remember.html

3 http://www.youtube.com/watch?v=RAcE4ayvG_A

4 Source : Mémoire de Master II MISC CELSA-Sorbonne Paris IV, par Erwan Le Gall

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