Pro et anti-nucléaire… en même temps : mais pourquoi le gouvernement veut-il à nouveau consulter les Français sur la stratégie énergie et climat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'une visite au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) à Meyrin près de Genève, le 16 novembre 2023.
Emmanuel Macron lors d'une visite au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) à Meyrin près de Genève, le 16 novembre 2023.
©Bertrand GUAY / AFP

Tout ça pour ça ?

Le gouvernement a annoncé une nouvelle consultation sur la politique énergétique du pays.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : Le gouvernement a annoncé une nouvelle consultation sur la politique énergétique du pays. Une position qu'on a du mal à comprendre puisque les principes en la matière avaient déjà été fixés par le président de la République. Comment analysez-vous ça ?
Fabien Bouglé : Le souci, c'est qu'Emmanuel Macron, dans les annonces de Belfort en mars 2022, avait annoncé à la fois une relance du nucléaire, avec six réacteurs nucléaires et huit en option, et à la fois le déploiement des énergies intermittentes panneaux solaires et éoliennes. Cette politique, de "en même temps", ne convient à personne, ni aux antinucléaires ni aux personnes qui luttent contre la pollution éolienne. Il y a une ligne de fracture et de tension extrêmement forte entre ceux qui souhaitent l'abandon des énergies intermittentes pour consacrer un mix énergétique basé sur le nucléaire et les barrages hydroélectriques et un peu de gaz, pour les pics de consommation, et les ONG prétendument écologistes qui font pression pour que le gouvernement de Gabriel Attal et Emmanuel Macron continuent les éoliennes intermittentes et les panneaux solaires au service d'intérêts étrangers. Donc le gouvernement est pris dans cette tension entre ces deux mouvements, et je dirais que c'est ni plus ni moins la conséquence du en même temps énergétique d'Emmanuel Macron, c'est-à-dire qu'il est à la fois dans tous les développements possibles, et donc ça devient inextricable. D'autant que le déploiement des énergies intermittentes, panneaux solaires et éoliens, nécessitent, selon des chiffres annoncés par Xavier Piechaczyk, le patron de RTE, plus de 100 milliards d'euros de frais de raccordement, et Enedis a annoncé 100 milliards d'euros de frais de distribution. Donc on le voit, le sujet est tout à fait tendu, et c'est la raison pour laquelle c'est une énième consultation supplémentaire sur ce sujet, et pas sûr qu'il s'en sorte.

Pensez-vous qu’Emmanuel Macron est soumis à une certaine pression pour renoncer au nucléaire ? 

Oui, c'est tout à fait exact. Emmanuel Macron a fait une vraie volte-face politique sur le sujet du nucléaire, à la fois sur le fait qu'il relançait les petits réacteurs modulaires et à la fois sur le déploiement du nucléaire. Ce qui a étonné beaucoup de gens, car il était jusqu'alors dans une optique hostile au nucléaire avec la fermeture de Fessenheim, et la suppression du projet Astrid. Et effectivement, cette volte-face n'a pas plu à tout le monde, à la fois aux personnes issues des ONG prétendument écologistes qui sont aujourd'hui au cœur du pouvoir, avec effectivement des conseillers énergie comme Benoît Faraco, qui est un ancien de l'officine antinucléaire Réseau Action Climat, et un ensemble de personnes qui sont partout dans l'État profond, au cœur de l'État profond de l'énergie, qui sont antinucléaires. Et cette volte-face s'est confirmée avec l'alliance du nucléaire créée au niveau de l'Europe, qui a vu l'émergence d'une alliance du nucléaire face à l'alliance des énergies intermittentes pilotées par l'Allemagne. Et donc effectivement, les ONG et tous les gens qui étaient antinucléaires qui ont été installés au cœur de l'État, freinent des cas de fer par rapport à cette relance du nucléaire. Donc c'est une tension extrêmement forte, que j'ai pu décrire d'ailleurs dans mon livre « Guerre de l'énergie », qui explique bien les tensions internationales sur le sujet de l'indépendance énergétique de l'Europe, et donc de la France. Et le nucléaire est un enjeu fondamental. Et la présence au sein de différentes institutions énergétiques de personnes ouvertement antinucléaires et pro-éoliennes interroge et est incontestablement un verrou ou un frein à la relance claire et nette du nucléaire en France et en Europe.

Est-ce qu'une telle tergiversation, alors qu'on est dans un moment de tension très forte sur les questions énergétiques, n'est pas dangereuse pour les intérêts de la France ?

C'est incontestable. Il est incontestable qu'en réalité, la politique énergétique d'un pays, c'est l'essence même de la souveraineté énergétique. Je dirais même que c'est la quintessence de la souveraineté énergétique et donc de la souveraineté nationale. Sans énergie, un pays meurt. Et donc, c'est ce qu'a compris Vladimir Poutine pour la Russie et Joe Biden aux États-Unis. Les États-Unis ont acquis  100% de leur indépendance énergétique. Ils n'ont plus besoin d'importation. Ce qui n'est pas le cas de l'Europe. L'Europe doit importer 55% de son énergie de pays tiers. Et pour la France, 45%. De ce fait, c'est un enjeu politique fondamental. En 1974, Pierre Messmer, le Premier ministre, lance le "plan Messmer", justement pour contribuer à notre indépendance énergétique grâce au nucléaire. Et il n'a pas consulté les Français. Il a annoncé cette relance. Et effectivement, beaucoup d'observateurs constatent qu'il y a une vraie volonté politique de relancer le nucléaire français, mais que cette volonté politique est freinée par un lobbying extrêmement puissant des structures antinucléaires, que j'ai dénoncées dans mon livre, Nucléaire, les vérités cachées, comme WWF, Greenpeace ou Réseau Action Climat, dont on a établi que Réseau Action Climat était financé par le gouvernement allemand pour des opérations antinucléaires en France. Et donc effectivement, ces officines, ce que j'appelle moi des mercenaires énergétiques, sont à la manœuvre pour mettre des cailloux dans la chaussure du développement du nucléaire français Je crois que c'est là un vrai sujet d'inquiétude, parce que la France doit relancer son nucléaire comme elle l'avait fait en 1974. Moi, je prône pour un plan Messmer 2 qui permette justement la relance du nucléaire en France pour assurer notre indépendance énergétique. Et tout le monde ne le souhaite pas. Donc effectivement, cette tergiversation, ces consultations, surtout organisées avec la Commission nationale du débat public, elle-même dirigée par Chantal Jouanno aux convictions assumées ouvertement antinucléaire. 

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