Plus que quelques heures pour former les groupes au Parlement européen : les nouveaux rapports de force qui se dessinent <!-- --> | Atlantico.fr
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Plus que quelques heures pour former les groupes au Parlement européen.
Plus que quelques heures pour former les groupes au Parlement européen.
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Bras de fer

L'eurosceptique britannique Nigel Farage a annoncé mercredi 18 juin la formation du groupe Europe de la liberté et de la démocratie (EFD) au Parlement européen à la suite du ralliement d'une dissidente du Front national français.

Magali Balent

Magali Balent

Magali Balent est chercheur associé à l’IRIS et maître de conférences à Sciences Po.

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Atlantico : Mercredi 18 juin, le parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) a réussi à former le groupe Europe de la liberté et de la démocratie (EFD) au Parlement européen grâce au ralliement d'une députée française du FN. Qu'est-ce que cela va changer en termes d'équilibre des forces au Parlement ?

Magali Balent : Tous les groupes qui arrivent à se former au Parlement européen accèdent à des apports financiers sous forme de subventions. Ils ont un bureau, un secrétariat, une influence renforcée via un meilleur temps de parole et une présence dans la conférence des présidents. Le gain en termes de présence dans l'hémicycle est donc réel.

L'UKIP avait déjà réussi à former un groupe lors de la législature 2009-2014. Pour lui, ce n'est donc pas quelque chose d'inédit. Ils seront tout de même 48 dans ce groupe, soit plus d'une vingtaine de députés que le minimum requis. Le groupe EFD sera donc conséquent, même si en comparaison le PPE possède lui 221 membres… Cela restera donc un petit groupe si on le compare aux autres, ils seront même plus petits que le groupe centriste. Il ne faut pas oublier que sur les 751 députés que compte le Parlement (ce qui induit une majorité absolue de 376 députés), ils ne parviendront pas à eux seuls à constituer une majorité. Ils ne pourront donc pas faire passer des amendements, ou faire capoter une loi. L'influence sera donc beaucoup plus forte, mais elle ne suffira pas à être vraiment déterminante dans l'hémicycle. 

Le Front national qui a récolté plus de 25% des suffrages en France n'est pas encore certains de pouvoir constituer un groupe politique au Parlement.  Quelles sont les possibilités qui s'offrent au parti frontiste et quels sont les points de blocage qui subsistent ?

A priori, il manquait encore deux nationalités (pour qu'un groupe soit constitué, il faut réunir au moins 25 députés de sept nationalités différentes, ndlr). Les bruits couraient qu'ils récupéreraient un député d'un pays balte, ou un Polonais… Mais pour l'instant, on ne sait pas s'ils vont y arriver. Le "problème familial" qui s'est déroulé au sein du FN n'a sans doute pas arrangé les choses non plus. Il n'est pas impossible donc qu'ils n'y parviennent pas et qu'ils rejoignent – comme lors de la précédente législature – le groupe des "non-inscrits" de ceux qui ne sont pas parvenus à rejoindre un groupe.

Si les résultats des élections européennes ont eu lieu à la fin du mois de mai, un certain nombre de partis ne s'est pas encore mis d'accord sur la constitution des groupes politiques au Parlement européen. Hormis le FN, quels sont les partis pour lesquels la formation d'un groupe n'est pas encore définie ?

Tous les anciens partis du PPE et du PSE sont de nouveau alliés. Les autres partis importants sans groupe sont justement ceux avec qui le Front national voulait s'allier, à s'avoir le FPÖ autrichien et le Parti pour la liberté du néerlandais Geert Wilders. Il y a aussi les partis d'extrême droite de l'Europe orientale comme le Jobbik hongrois, ou le parti Aube dorée de Grèce, qui sont totalement ostracisés. C'est d'ailleurs le drame pour le FN et ceux qui veulent rejoindre son groupe : ils risquent finalement de se retrouver aux côtés des extrémistes les plus "ultras" – dont Marine Le Pen ne voulait surtout pas se rapprocher – dans le même "non-groupe".

Les conservateurs et réformistes européens (ECR) fondés par les Tories britanniques viennent d'accueillir les eurosceptiques allemands. Concrètement, quel pouvoir d'influence cela va-t-il donner à ce groupe et quelles pourront être les conséquences sur les idées défendues au sein du Parlement ?

Le groupe existait déjà auparavant puisque les Tories s'était alliés avec un parti polonais et un parti tchèque notamment. Par son rapprochement avec le parti Alternative für Deutschland, ils ont étoffé leurs effectifs au Parlement européen. Cependant, on peut considérer qu'avec l'arrivée du parti allemand, cela ne va pas renforcer la cohérence de l'ensemble. Ces partis ne sont proches que sur leur euroscepticisme, mais je ne suis pas sûre qu'ils soient proches au-delà de cet élément commun. Cela risque donc même de les desservir à terme, même si leur pouvoir de blocage face à la fédéralisation de l'UE sera plus important. 

Au vu des différents groupes qui se dessinent au sein de l'hémicycle, quels seront les grands changements en termes de pouvoir d'influence relativement à la mandature précédente ?

Le Parlement européen a été pensé pour fonctionner sur le mode du compromis, et cela depuis son élection au suffrage universel direct en 1979. Aucun groupe ne peut à lui seul avoir la majorité absolue pour imposer ses lois. Ce qui change effectivement pour cette mandature, c'est que les eurosceptiques au sens large sont plus nombreux, rassemblant – tous groupes et non-inscrits réunis de l'extrême gauche à l'extrême droite – cela fait environ 200 députés. On a donc une force qui devient importante. Même s'ils ne pourront pas tout bloquer, ils seront plus présents dans les débats, dans l'ordre du jour, les questions de l'immigration ou de l'élargissement. Jusque-là, ces députés eurosceptiques étaient beaucoup moins nombreux et ne pouvaient même pas influencer l'ordre du jour. Mais comme ils n'ont pas la majorité, ce pouvoir s'arrêtera au vote.

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