Patricia Chapelotte : « La cause des femmes n’avancera pas dans la détestation systémique des hommes »<!-- --> | Atlantico.fr
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Patricia Chapelotte a crée le Prix de la Femme d'Influence en 2014
Patricia Chapelotte a crée le Prix de la Femme d'Influence en 2014
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Prix de la Femme d'Influence

Patricia Chapelotte a crée le Prix de la Femme d'Influence en 2014. Il met en lumière des femmes de talents qui incarnent non seulement des modèles de réussite, mais aussi des valeurs

Patricia Chapelotte

Patricia Chapelotte est directrice générale d’Hopscotch Décideurs, Présidente du club Femmes d’Influence et Présidente et créatrice du Prix de la Femme d’Influence. Experte en communication d’influence, elle est engagée pour l’entrepreneuriat et pour la cause des femmes

 

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Atlantico : En rendant hommage à Edith Cresson lors de la 9eme cérémonie de remise des prix de la femme d’influence, vous avez évoqué l’arrivée d’une 2e première ministre. Pensez-vous que nous ayons dépassé le « syndrome Edith Cresson » et le sexisme dont elle avait fait l’objet lors de son passage à Matignon ?

Patricia Chapelotte : Le contexte est très différent. Edith Cresson est arrivée à Matignon en 1991 auprès d’un président âgé, en fin de course. Quant à Elisabeth Borne, elle prend ses fonctions en 2022 auprès d’un président jeune qui choisit comme grande cause de son premier et deuxième quinquennat l’égalité Femme Homme. Par ailleurs, la place des femmes en politique, même si elle reste encore à améliorer, a évolué très positivement. Les différentes lois sur la parité ont obligé les partis politiques à désigner des femmes sur les listes électorales. Par ailleurs, Elisabeth Borne arrive avec un capital de crédibilité plus important qu’ Edith Cresson. Elle met en œuvre une feuille de route clair ou sont inscrites les grandes priorités du gouvernement. Elle vient de franchir le cap des 6 mois à Matignon. Même si on ne la considère pas assez politique, elle est reconnue comme bosseuse et sérieuse alors que malheureusement on a beaucoup dit à l’époque qu’Edith Cresson n’était pas taillée pour le poste. Il y a aussi un fait majeur qu’il faut souligner, la sororité n’était pas vraiment de mise dans les années 90 alors qu’aujourd’hui il y a un gouvernement paritaire, près de 45 % de femmes siègent à l’Assemblée nationale et elle est présidée pour la première fois par une femme Yaël Braun Pivet. 

Quel a été le fil rouge de cette édition, avec des profils différents comme Kalina Raskin, dirigeante du centre européen de biomimétisme ? Et pourquoi ne pas sélectionner des profils de militantes féministes radicales comme Sandrine Rousseau ? Diriez-vous que la manière littéralement spectaculaire qu’elles ont de porter leur combat est en réalité antithétique d’une véritable influence ?

 Notre volonté a toujours été de mettre dans la lumière des femmes moins visibles que celles déjà connues et qui s’expriment régulièrement dans les médias ou lors de conférences. Nous voulons valoriser des femmes qui accomplissent des actions ou des exploits qui méritent d’être racontés et montrés. La nomination de Kalina Raskin dirigeante du premier centre européen de biomimétisme est un signal fort. Le biomimétisme prend en compte  les systèmes biologiques comme modèle. il devient alors possible de réconcilier les activités industrielles et le développement économique avec la préservation de l’environnement, des ressources et de la biodiversité. Nous voulons faire savoir que des femmes jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre certaines des plus grandes menaces environnementales auquel notre monde fait face.

Concernant les militantes féministes activistes comme par exemple Sandrine Rousseau Vous avez la réponse dans la question. Tout ce qui est radical ne me plait pas. Je n’ai rien contre un militantisme appuyé et revendicateur si la cause est défendue avec les meilleurs arguments. D’ailleurs pour montrer notre ouverture, j’ai proposé l’année dernière à Sandrine Rousseau d’être membre du jury et elle a accepté.   Mais j’avoue que je n’ai pas adhéré à certaines de ses déclarations qui sont trop caricaturales à mon gout. Nous devons faire preuve d’ouverture et les femmes engagées auront toujours leur place à nos côtés.  Mais il y a, des prises de positions ou des postures que je ne supporte pas. Comme par exemple une détestation systématique des hommes qui est déplacée. Ces jugements extrêmes voudraient dire que nos fils, nos pères, nos maris, nos compagnons n’ont tous rien compris à la place que les femmes doivent occuper dans la société. Soyons sévères et sans concession avec ceux qui le méritent, mais si nous voulons que la cause des femmes avance il nous faut les hommes avec nous. A nous aussi de les convaincre et d’aller les chercher. 

Emmanuel Macron a conservé pour son second quinquennat la grande cause « égalité femmes-hommes » : est-ce à dire qu’il n’en n’a pas assez fait lors du premier ou que cette cause serait désormais réduite à une forme de bien-pensance dont tout le monde se fiche un peu ?

Je pense qu’Emmanuel Macron a eu raison de conserver cette grande cause pour son deuxième quinquennat. Il reste tellement à faire. Au delà d’un plan d’action qu’il est important de continuer à mettre en place, ce sont les mentalités que nous devons changer à tous les niveaux de la société. Je me demande si les enjeux de l’égalité femmes/ hommes ne devraient pas être un sujet transversal traité au niveau de chaque ministère. On pourrait imaginer qu’il n’y ait plus besoin d’un ministère dédié aux sujets des femmes mais qu’il y est dans chaque cabinet ministériel, un conseiller en charge des sujets diversité, égalité Femme Homme… Cela permettrait une meilleure efficacité quant à l’application des lois votées et une mise en cohérence d’actions concrètes à tous les nouveaux de la société. 

Que reste-il à faire en priorité pour les femmes en France ?

Il reste évidemment beaucoup à faire, à tous les niveaux. Pour moi ce qui me fait le plus de peine c’est de voir encore dans notre pays des femmes de tous âges dormir dans la rue. Je ne comprends pas qu’un pays comme le notre n’arrive pas à régler cette situation. Je n’oublie évidemment pas que les hommes SDF doivent avoir les mêmes droits mais voir une femme jeune ou âgée dans la rue, cela me touche particulièrement sachant qu’elles sont majoritairement victimes de viols et de maltraitance. Mais je crois en la nature humaine et aux initiatives individuelles qui sèment les graines de l’avenir. Je salue notre lauréate catégorie Espoir Tara Heuzé Sarmini qui a fondé Règles Élémentaires, la première association française qui lutte contre la précarité menstruelle et qui a fédéré plus de 200 partenaires.  

Pour sa 9ème édition, le Prix, créé par Patricia Chapelotte, a récompensé​ dans 5 catégories, des femmes aux engagements exceptionnels, lors d’une cérémonie qui s’est tenue hier au Palais Brongniart à Paris :

PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE POLITIQUE 

Isabelle Rome - Ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Magistrate

À 24 ans, Isabelle Rome devient la plus jeune juge de France. Elle poursuit son parcours notamment en tant que juge d’application des peines à Lyon en 1987, juge d’instruction de 1996 à 1998 puis cheffe du bureau de la prévention de la délinquance à la Délégation interministérielle de la ville. Isabelle Rome est nommée en 2018 Haute-fonctionnaire à l'Égalité femmes-hommes au ministère de la Justice. En 2022, Elisabeth Borne la nomme Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. En parallèle de sa carrière professionnelle, elle s’est investie au sein de nombreuses associations venant en aide aux femmes victimes de violences, aux réfugiés et demandeurs d’asile ainsi qu’aux personnes en détention.

PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE ÉCONOMIQUE

Kalina Raskin – Co-fondatrice et Directrice générale de Ceebios (Centre européen de biomimétisme de Senlis) 

Ingénieure physico-chimiste et Docteur en biologie, Kalina s’investit dans le déploiement du biomimétisme depuis 2010. Elle pilote notamment le développement du CEEBIOS, Centre d’Etudes et d'Expertise en Biomimétisme depuis 2014. Elle contribue aux groupes d’experts internationaux du domaine, enseigne régulièrement dans les grands établissements nationaux, est sollicitée dans les conseils d’orientation de grandes instances publiques et privées et assure la coordination avec ses homologues au niveau mondial. Son ambition est de positionner la France en pionnier du développement du biomimétisme comme outil de la transition écologique, réconciliant biodiversité, innovation et économie.

PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE CULTURELLE

Abnousse Shalmani - Écrivain et chroniqueuse

Née à Téhéran en 1977, Abnousse Shalmani et sa famille s’exilent à Paris suite à la révolution islamique. Après des études d’Histoire et de Lettres Modernes, elle emprunte la voie du journalisme puis de la production et de la réalisation de films. Elle réalise des courts métrages et participe à des débats télévisuels sur la condition de la femme en Iran et le port du voile. En 2014 elle revient à sa passion première ; la littérature, et publie son premier livre Khomeiny, Sade et moi, qui traite de son combat contre l’oppression et celle du corps féminin. Elle publie par la suite Les exilés meurent aussi d’amour (2018), puis Eloge du métèque (2019).  Depuis, elle mène en parallèle une carrière d’écrivain et de chroniqueuse dans la presse écrite et audiovisuelle (L’Express, I24News, LCI), s’intéressant plus particulièrement à la question identitaire et aux enjeux internationaux. 



PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE « COUP DE CŒUR »

Bénédicte Wolfrom - Fondatrice et Directrice générale de l’association 20 ans, 1 Projet

Après avoir occupé un poste de responsable de publicité dans la presse économique, Bénédicte Wolfrom s’est engagée dans le milieu associatif en 2005 en tant que bénévole au sein de l’association Petits Princes dédiée aux enfants malades. Dans cet environnement, elle constate l’isolement des jeunes atteints de cancer lorsqu’ils passent du service pédiatrique au service adulte. En 2015, elle crée alors l’association 20ans1projet qui accompagne les jeunes adultes atteints d’un cancer dans leur réinsertion étudiante ou professionnelle. Les hôpitaux partenaires de l’association adressent les jeunes adultes soignés dans les services d’oncologie à l’équipe de 20Ans1Projet qui les prend en charge et les accompagne aussi longtemps que le jeune en ressentira le besoin. L'association est aujourd'hui partenaire de 26 hôpitaux en France et a déjà accompagné plus de 400 jeunes adultes.



PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE ESPOIR

Tara Heuzé-Sarmini - Cofondatrice et CEO de Commune

C'est après avoir participé à une collecte de protections hygiéniques pour les femmes sans-abris en Angleterre et quelques recherches, que Tara Heuzé-Sarmini, 26 ans, constate qu’il n’existe aucun dispositif de ce type en France. Elle fonde alors Règles Élémentaires, la première association française de lutte contre la précarité menstruelle et s’associe à plus de 200 partenaires dont Organyc, une marque de protections bio. En 2021, Tara poursuit son parcours entrepreneurial et cofonde Commune, la première société au monde de coliving dédiée aux familles monoparentales. La start-up a bouclé un tour de table de 1.5M€ à l'été 2022 afin de financer l'ouverture des deux premières résidences.  Son parcours a été distingué en France et à l’international : elle a notamment été sélectionnée parmi les 30 de moins de 30 ans qui vont changer la France (Vanity Fair), les 35 leaders responsables de moins de 35 ans (Fondation Positive Planet x Les Échos Start) ou encore parmi les Goalkeepers de la Fondation Bill & Melinda Gates. 

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