Nouvelle technique de diagnostic de la trisomie 21 : l'intérêt des laboratoires n'est pas forcément celui des patients<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus besoin de subir une amniocentèse pour dépister une éventuelle trisomie 21. Les futures mères vont bientôt bénéficier d'un test diagnostique sanguin innovant beaucoup moins dangereux.
Plus besoin de subir une amniocentèse pour dépister une éventuelle trisomie 21. Les futures mères vont bientôt bénéficier d'un test diagnostique sanguin innovant beaucoup moins dangereux.
©Reuters

Diagnostic

Une nouvelle technique pour dépister la trisomie 21, effectuée directement à partir du sang de la mère, déferle actuellement en Europe et est déjà annoncée en France. Présentée comme un progrès, elle présente en réalité de grands dangers et pose de sérieuses questions éthiques.

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné est le président de la Fondation Jérôme Lejeune, fondation scientifique et médicale sur la recherche scientifique des soins et de la défense de la vie.

Jean-Marie Le Méné est chevalier de la Légion d’Honneur, membre de l’Académie pontificale pour la vie et consulteur au Conseil pontifical pour la santé. Il est l'auteur du livre Les Premières victimes du transhumanismme qui sera publié au mois de février 2016.

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Dans les pays européens déjà concernés par cette nouvelle technique (Allemagne, Autriche, Liechtenstein, Suisse), des responsables politiques et de santé publique, des associations de défense des droits des personnes handicapées ont manifesté leur  vive inquiétude à ce sujet. La France doit prendre la mesure du problème.

Cette nouvelle technique est l’objet d’un marché stratégique particulièrement lucratif puisqu’il concerne l’ensemble de la population féminine qui souhaite procréer. Or une communication déformante a tendance à confondre marketing de laboratoire et information scientifique.

Le premier argument de vente repose sur la fiabilité à 100 % de la nouvelle technique, qui aurait pour avantage de ne cibler que les bébés anormaux. En effet, elle permettrait de faire l’économie de l’amniocentèse qui entraîne 1 % de fausses couches. Autrement dit, le progrès annoncé repose sur un principe de discrimination qui considère que la vie des normaux vaut plus que celle des anormaux. Affirmer que le dépistage de la trisomie sera bientôt « moins dangereux » signifie donc que la mort n’est dangereuse que pour les bébés sains. Pour ceux qui seraient imparfaits, c’est leur destin !

Le second argument de vente consiste à affirmer que la liberté de choix de la mère sera toujours garantie. Mais depuis quinze ans, la courbe des interruptions de grossesses trisomiques suit précisément celle du dépistage. Plus il y a de dépistage, moins il y a de naissances trisomiques. Aujourd’hui 96 % des bébés trisomiques diagnostiqués sont déjà éliminés. Ce pourcentage n’est pas un marqueur de liberté. L’effet incitatif de l’offre de dépistage et la pression qu’elle implique sont évidents. Son économie aussi : on ne dépiste pas si on veut garder son bébé. Pourquoi vouloir améliorer encore une « performance » de 96 % ?

La combinaison de ces deux arguments de vente conduira au résultat suivant : on n’éliminera plus que des bébés anormaux, mais on les éliminera tous.

A ce résultat s’ajoute une donnée absolument nouvelle liée à la précocité du diagnostic. Celui-ci pourra être pratiqué à un moment où l’IVG est encore possible. Or les femmes n’ayant pas à en justifier, les causes de ces IVG sélectives resteront inconnues, ce qui n’est pas le cas de l’IMG aujourd’hui. A l’extermination des bébés trisomiques s’ajoutera l’assassinat de leur mémoire. Ils seront victimes d’un eugénisme silencieux et indécelable.

La Fondation Jérôme Lejeune, reconnue d’utilité publique, qui a créé la plus importante consultation de personnes touchées par la trisomie 21 et qui est le premier financeur de la recherche sur la trisomie dans une perspective thérapeutique, engage les autorités sanitaires qui auront à prendre des décisions sur ce nouveau dépistage à réfléchir à plusieurs questions :

  • A combien de centaines de millions d’€ /an s’élève déjà et s’élèvera demain le coût du dépistage généralisé de la trisomie 21 pour l’Assurance maladie et pourquoi la recherche à finalité thérapeutique sur cette pathologie n’est-elle pas financée au même niveau ?

  • La non-fiabilité (marqueurs sériques et échographie) et les risques inhérents à la pratique d’examens invasifs (amniocentèse, choriocentèse) du dépistage actuel sont évoqués dans les arguments de vente du nouveau test. Mais quelles avaient été les mises en garde sanitaires sur ces risques connus depuis quinze ans ?

  • Les CPDPN (centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal) délivrent automatiquement des autorisations d’interruption de grossesses en cas de trisomie 21. Ce systématisme ne correspond pas à la mission qui est la leur. Pourquoi sont-ils toujours agréés par l’Agence de la biomédecine Quel pilotage assume-t-elle dans ce domaine ?

  • Certains praticiens appartenant à la fonction publique vont être à la fois promoteurs du nouveau dépistage et conseillers des laboratoires concernés qui fabriquent et commercialisent le nouveau test. Qu’en est-il de la transparence des rémunérations et de l’indépendance de jugement ?

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