Ne pas assez bouger ou trop manger : ce qu’on sait maintenant sur ce qui nous fait vraiment grossir<!-- --> | Atlantico.fr
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L'activité physique est un facteur de longévité, de stabilité émotionnelle et surtout anti-inflammatoire à terme
L'activité physique est un facteur de longévité, de stabilité émotionnelle et surtout anti-inflammatoire à terme
©Reuters

Faîtes du sport

Depuis les années 1960, nombre de comportements et d'habitudes ont favorisé la prise de poids. Si bien entendu les aliments sont désormais plus caloriques, nous en mangeons également davantage. Pourtant, il suffirait de 30 minutes de sport par jour, et contrairement à ce que l'on dit, la marche "ballade" ne compte pas.

Réginald Allouche

Réginald Allouche

Réginald Allouche est médecin et ingénieur. Il assure une consultation principalement axée sur le diabète gestationnel, la nutrition et la prévention du diabète de type II.

Son dernier livre publié aux Editions Odile Jacob porte sur ce théme du prédiabète : Du plaisir du sucre au risque du prédiabète, publié chez Odile Jacob.

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Atlantico : Une étude menée par l'Université de Stanford a constaté que l'apport calorique journalier des Américains n'avait pas changé depuis les années 1960 et que si les cas de surcharge pondérale augmentaient de plus en plus, cela était dû à une diminution considérable de l'activité physique quotidienne. Ce phénomène se constate-t-il également en France ?

Réginald Allouche : Oui le phénomène est aussi présent en France. Néanmoins les pays où les transports en commun sont plus développés "obligent" leurs citoyens à marcher plus que les autres. Il n'est pas rare qu'un foyer dispose de 2 voitures (en moyenne 40% des foyers) et elles sont utilisées. En 1960, on achetait son pain à pied dans la plupart des cas, aujourd'hui, pour le moindre déplacement on favorise la vitesse et on utilise son véhicule. Il ne faut toutefois pas culpabiliser les gens, c'est plus souvent pour gagner du temps que par pure paresse.

Néanmoins, la baisse de l'activité physique n'est pas la seule responsable du surpoids et de l'obésité. La qualité des aliments a changé, l'offre a changé et est devenue pléthorique et surtout industrielle introduisant des ingrédients inconnus en 1960 comme les graisses hydrogénées et le sirop de fructose. Les prix aussi ont baissé poussant ainsi à se remplir plus...

L'étude de Stanford récemment publiée affirme que l'apport calorique n'a pas été modifié depuis 20 ans. L'approche calorique qui est le pivot de cette étude est réductrice car il n'y a pas que la quantité mais aussi la qualité de ce que l'on mange qui est déterminant dans la prise de poids. Si le nombre de calories est le même, les calories ingérées ont évolué. 12% des calories ingérées par jour aux US sont constituées de fructose. Le fructose est métabolisé par le foie. Si l'on consomme 2 ou 3 fruits pas de problème mais si on double cette quantité, le foie est débordé et ne métabolise plus les graisses. Et le fructose n'est qu'un des exemples...

Comment expliquer cette baisse de l'activité physique ?

En dehors de l'utilisation de véhicules personnels, les métiers ont évolué et sont moins physiques qu'auparavant. Comparons le métier de cantonnier en 1960 et en 2014, le recours aux engins pour une plus grande efficacité et aussi une plus grande sécurité ont transformé ce métier qui est pourtant un métier fatigant et qui par définition s'effectue en extérieur. Moins de calories sont ainsi brûlées.

L'ordinateur et le téléphone portable ont révolutionné nos méthodes de travail. Le "cerveau gagne du terrain" tous les jours et les grands perdants sont nos muscles. Tout se cérébralise, l'information est à portée de clic et les conférences call à distance n'obligent plus les cadres à se déplacer. Cette révolution du travail s'est accompagnée d'une urbanisation très forte de la société, moins de 25% des français vivent à la campagne. Pourtant les infrastructures sportives publiques sont toujours aussi peu accessibles pour des raisons toujours obscures d'inscription ou de concurrence avec les établissements scolaires. Je pense particulièrement aux piscines françaises inaccessibles pendant les heures scolaires ! Il n'y a pas d'aménagement des horaires pour la pratique sportive dans les entreprises. Rappelez vous l'époque où la gymnastique était faite collectivement le matin dans la cour des usines, désuet certes mais efficace.

Les trente minutes d'activité modérée par jour préconisées par les médecins et approuvées par le Ministère de la Santé changent-elles réellement la donne ? Cela suffit-il à limiter la surcharge pondérale ?

L'activité physique recommandée est de 30 minutes par jour ou de 150 minutes par semaine. Une fois pour toutes, penser que la marche est une activité physique importante est faux, la marche entretient le corps à minima mais pour être réellement efficace elle doit être ininterrompue pendant au moins 30 minutes et surtout rapide. Cela est impossible dans les transports en commun par exemple....

En entreprise, l'activité physique doit être traitée comme la formation professionnelle à savoir comme un vecteur d'efficacité et de possible promotion.

Je recommande à mes patients de pratiquer l'activité physique comme un "travail", c'est à dire à jours et heures fixes. C'est le seul moyen de faire fonctionner nos muscles qui représentent tout de même environ 50 % de notre corps. Il faut retenir le chiffre suivant : 1 kg de muscle brûle sans bouger 30 calories par jour. Il est donc facile de mesurer son métabolisme de base qui est = nombre de kilogrammes de muscles mesurés grâce à une balance à impédancemetrie multiplié par 30 calories. Donc maintenir son capital musculaire permet non pas de perdre du poids mais d'éviter d'en prendre en brûlant des calories même sans bouger. 

L'activité physique est aussi un facteur de longévité, de stabilité émotionnelle et surtout anti-inflammatoire à terme. N'oublions pas que l'inflammation à bas bruit qui menace tous les citadins stressés que nous sommes prépare le lit des grandes maladies neuro-dégénératives (Alzheimer Parkinson), métaboliques (diabète, HTA) et cancéreuses. On ne peut pas continuer durablement à ingérer des calories sans avoir une bonne "chaudière" pour les brûler. 

Le mode de vie incertain de nos ancêtres du Paléolithique expliquerait la tendance de notre métabolisme à préserver ses réserves nutritionnelles pour pouvoir survivre en cas de privation. Peut-on s'attendre à un nouveau changement de notre métabolisme dans les prochains siècles du fait de cette sédentarité accrue ?

Le rêve de tous est de pouvoir désactiver sa capacité à stocker et épargner afin de se remplir ad libitum. J'exagère un peu mais si nous allons plus loin dans le raisonnement, imaginez une société sans limite en terme d'alimentation, nageant dans le gras et le sucre, mâchant à longueur de journée.... Le fait de rester mince n'enlèverait rien au caractère décadent d'une telle société. Sans parler des moyens pour se payer de tels comportements.

La réalité est que dans les années 50, l'Amérique et l'Europe étaient minces et je n'ai pas souvenir que la cuisine française était pauvre à l'époque. Ce qui a changé ce sont les aliments en termes de qualité (quid des vitamines et minéraux d'une tomate cultivée hors sol ?).

Du point de vue scientifique, les cellules musculaires sécrètent des hormones tout comme les cellules qui stockent le gras (les adipocytes). Ces cellules se parlent entre elles pour échanger des informations sur les calories à brûler. Ce dialogue est excellent pour notre santé et pourtant il disparait peu à peu au profit du seul stockage. Il faut rétablir la balance entre ces 2 "organes" et remettre le cerveau à sa place originelle de pilote.

En conclusion, je demande que l'activité physique soit promue, facilitée, développée et parfois imposée si il le faut. Ne pas bouger suffisamment expose à des pathologies rampantes qui finissent par détruire la bonne santé d'un individu qui aujourd'hui se nourrit mal, est de plus en plus stressé et accablé. L'activité physique est aussi une bonne façon de retrouver les sensations de bien-être que l'organisme renvoie après un effort. Alors pas d'hésitation après la lecture de cet article, nagez, pédalez, courez ou zumbez mais bougez ! Il y va de votre santé physique, mentale et de votre longévité.

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