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Après-Kadhafi : les islamistes 
modérés en route vers le pouvoir
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Libye

"Le régime de Kadhafi " est tombé : c’est ce qu’a indiqué ce lundi le ministre de la Défense Gérard Longuet. Reste à savoir maintenant de quoi le futur de la Libye sera fait. Et là l’incertitude demeure…

François Burgat

François Burgat

François Burgat est politologue et directeur de recherche au CNRS (IREMAM). Il a été directeur de l'Ifpo (Institut français du Proche-Orient) de 2008 à 2013. 

Son dernier ouvrage est Pas de printemps pour la Syrie (co édité avec Bruno Paoli) aux éditions La Découverte (2013). 

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Atlantico : Peut-on affirmer comme le ministre de la Défense Gérard Longuet ce lundi, que "le régime de Kadhafi " est tombé ?

François Burgat : Tout dépend ce que l'on appelle "le régime de Kadhafi ". Il ne fait pas de doute à mes yeux que personne demain ne revendiquera l'héritage du "Guide de la Révolution du premier septembre", les préceptes économiques ou politiques de son petit "Livre vert" où la fiction de démocratie directe qu'il disait avoir instaurée sous la férule de ses comités révolutionnaires. La société libyenne peut au contraire être considérée comme vaccinée contre ce type d'expérience volontariste.

En revanche, sur la scène internationale, si le régime de Kadhafi se définissait par une certaine résistance nationaliste aux visées occidentales en général, au comportement de l'Etat hébreu également, alors ce régime-là n'appartient pas nécessairement au passé. Tout dépendra du comportement de la communauté internationale à son égard.

S'agissant de son avenir intérieur et de la capacité des membres du CNT à assurer une transition nécessairement difficile, le pessimisme n'est pas la seule option. Lorsque je fréquentais la Libye au cours des années 1980, alors que peu de gens connaissaient ce pays et que l'on avait de ce fait tendance à exagérer ses spécificités, j'avais pour habitude de rappeler que c’était un pays situé "entre la Tunisie et l'Egypte" et non sur la planète Mars. C’est une façon de dire qu’aujourd'hui, les transitions que sont en train de vivre les deux pays voisins peuvent fournir pas mal de repères comparatistes pour combler les vides de notre connaissance.

La Libye possède bien-sûr des spécificités : il y existe ainsi une vieille rivalité régionaliste, entre Tripolitaire et Cyrénaïque, sans équivalent en Tunisie ou en Egypte, et potentiellement porteuse de tensions.

La Libye est également (infiniment) plus riche et moins peuplée que ses deux voisins de l'Est et de l'Ouest. C'est un avantage évident. Ce peut être un inconvénient puisque le pétrole libyen nourrit nombre de convoitises dont les futurs dirigeants devront le préserver.

Comment les différentes tribus libyennes peuvent-elles s’entendre pour partager le pouvoir et faut-il craindre Al Qaïda dans la région ?

La menace vient-elle vraiment de la persistance des solidarités tribales ? Je ne le pense pas. Les tribus ne sont pas nécessairement un obstacle à l'émergence d'un régime moderne.

S’agissant d’Al Qaïda, autre spectre fréquemment évoqué, tous les autocrates sans exception nous présentent depuis 10 ans maintenant les adeptes de feu Oussama Ben Laden ou la frange radicale des courants islamistes comme la seule alternative à leur pouvoir. La ficelle est un peu grosse. On a vu le peu de contenu qu' avait cette rhétorique dans le double cas égyptien et tunisien.

Tous les observateurs attentifs savent par ailleurs que les membres d'Aqmi sont en réalité largement manipulés par les services algériens. C'est leur faire un grand hommage que de considérer qu'ils pourraient prendre le pouvoir en Libye !

En revanche, les islamistes modérés (c'est-à-dire entendus au sens "Erdogan" et pas "Taliban" du terme) font indiscutablement partie aujourd'hui du paysage politique de l'Afrique du Nord, Libye incluse. Et ils seront présents demain dans n'importe quelle configuration électorale.

Ce n'est certainement pas une raison pour regretter un régime de terreur que nous avons longuement toléré sinon véritablement soutenu (comme ses voisins) au cours des années écoulées, depuis que, en 2003, le "dictateur rebelle" que nous avions un temps combattu est devenu un "dictateur soumis" à qui nous espérions vendre notre technologie.

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