Kadhafi rêvait de faire passer la Libye de l’ère moyenâgeuse à celle de la modernité<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Anglaises présentes en Libye soulignent sa ressemblance avec l’acteur américain Gregory Peck…
Les Anglaises présentes en Libye soulignent sa ressemblance avec l’acteur américain Gregory Peck…
©DR

Du Bédouin au militaire révolté

Du jeune bédouin pauvre au dictateur impitoyable des dernières années, Hélène Bravin brosse le portrait d’un homme à la fois idéaliste et opportuniste, féodal et moderne, civilisé et barbare. (Extraits 1/2).

Hélène Bravin

Hélène Bravin

Hélène Bravin est journaliste, spécialiste des questions politiques et économiques liées au Maghreb.

Elle collabore actuellement avec Cahiers de l'Orient et la Revue de Défense Nationale (RDN) sur les questions de la Libye et du Mali. Elle fait également de la veille économique et politique pour des multinationales. Elle intervient aussi très régulièrement dans les médias.

Elle a publié récemment Kadhafi, vie et mort d'un dictateur (Bourin Editeur / Janvier 2012).

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Son baccalauréat de philosophie en poche, Mouammar décide, en 1963, d’entrer à l’école militaire de Benghazi, appelée communément Académie. Très ambitieux, il y prépare simultanément une licence d’histoire et une thèse sur la stratégie militaire. Il y entraîne ses camarades de classe ; Abdesselam Jalloud, Abdel Moneim al-Houni ou Omar al-Meheishi font notamment partie des élus. Au contact des corps de l’armée, il comprend rapidement que seule l’armée pourra faire tomber Idris Ier et permettra d’émanciper la Libye des étrangers.

Contrairement au milieu universitaire, en effet, l’armée n’est pas noyautée par les communistes et les Frères musulmans, déjà bien implantés en Libye. Et elle le prend plus au sérieux que les étudiants qui le jugent « rêveur ». Il abandonne alors l’idée d’une révolution civile pour envisager la possibilité d’un coup d’État de l’armée. Au fil du temps, d’autres militaires viennent grossir la cellule, au point que Kadhafi crée, au sein même de l’école, un groupe de soixante-deux officiers qu’il appelle « les officiers unionistes libres » en référence à l’Association clandestine des officiers libres de Nasser. Cette association formera l’ossature du coup d’État à venir.

Deux ans après son entrée à l’Académie, Kadhafi choisit le corps des transmissions à la caserne de Garyounis, près de Benghazi. Il y recrute d’autres éléments qui souhaitent, eux aussi, l’unité arabe, la liberté, le nationalisme de Nasser, et qui sont tout aussi indignés par la dérive du pays dirigé par « un roi qui règne mais ne gouverne pas », comme l’écrit Moncef Djaziri [1]. Fin 1965-début 1966, Kadhafi voyage pour la première fois hors de Libye : il fait un court stage de quelques mois comme officier des transmissions en Angleterre au British Army Staff College (ou Staff College, Camberley).

En 1967, une nouvelle rancœur s’installe au sein de l’armée : le roi ne participe pas à la guerre israélo-arabe de 1967, désavouant ainsi l’idole, Nasser. Plus que jamais, les compagnons sont décidés à réaliser leur coup d’État. « En cinq ans, Kadhafi avait réussi à tisser sa toile et à rassembler son vaste troupeau. Ses onze compagnons les plus proches étaient placés aux postes clefs. Il disposait désormais, dans toutes les casernes de Libye, d’un réseau de comités d’officiers subalternes et de soldats, et, dans les villes, de nombreuses personnalités triées sur le volet qui s’étaient converties à ses conceptions. Son mouvement fonctionnait comme une organisation religieuse et les “fidèles” étaient soumis à une discipline rigoureuse, à l’observation des prières et à l’ascétisme. Nul ne devait boire ni fumer en sa présence, les responsables devaient verser la totalité de leur solde à la révolution. Le charisme du chef irréprochable, convivial et affectueux faisait le reste », écrit Guy Georgy. Tous devaient être célibataires afin de ne pas être freinés par leur famille. Un an après, Mouammar Kadhafi prend le pouvoir. Il n’a que vingt-sept ans. (…)

Bientôt, le nouveau leader fait ses premières apparitions publiques. Le monde aperçoit un jeune homme grand, très mince, légèrement voûté, aux traits énergiques et harmonieux. Il a les cheveux très noirs et dégagés sur un front haut, et ressemble à un Italien raffiné du Sud. Les Anglaises présentes en Libye, portées sur la comparaison cinématographique, soulignent, elles, sa ressemblance avec l’acteur américain Gregory Peck [2] … Son regard noir est intelligent. D’un programme aux grandes lignes très générales, on retient vaguement que le jeune homme est pronassérien et qu’il veut créer une nation arabe. On ignore tout, en revanche, de son projet de société. Que va-t-il faire ? Nul ne le sait. Pas même le jeune Kadhafi. Une faille que ce dernier va tenter de combler tant bien que mal…

[1] État et société en Libye, L’Harmattan, 1996
[2] Paris-Presse, 20 mars 1970

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Extraits deKadhafi, Bourin Editeur (19 janvier 2012)

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