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Marcela Iacub défend la liberté de choix des individus mais piétine celle des femmes qui ont le malheur de la croiser
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Polémique

Marcela Iacub, dont le livre racontant sa liaison avec DSK fait déjà polémique, s'est rendue célèbre par des interventions médiatiques où elle exprime des points de vue défendant radicalement la liberté de choix des individus.

Marie-Hélène  Bourcier

Marie-Hélène Bourcier

Marie-Hélène Bourcier est sociologue à l'Université de Lille 3. Elle a écrit Queer Zones 3 (Amsterdam, Paris, 2013) et Comprendre le féminisme (Paris, Milo, 2012).

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"En tout homme réside un cochon" me dit très tôt ma mère. Elle aurait pu ajouter que la France est la patrie des cochons, de leur défense et de leur illustration, la mecque du libertinage érudit réservé aux hommes, cela va de soi. Seulement voilà, cette francité misogyne un peu vieillotte est en crise et sa célébration n’a plus vraiment de succès en dehors de l’hexagone. Elle y est même contestée par d’affreuses féministes mal baisées (pas à la DSK), qui comme nous le rappelait déjà Marcela Iacub en 2002 sans son Qu’avez-vous fait de la révolution sexuelle, ont trahi les années 70 en assimilant viol et doigt dans le cul à leur insu.

Iacub est une libérale foucaldienne et une anti-féministe de base comme le prouvent ses chroniques dans Libération et ses précédents ouvrages. Ce n’est pas incompatible –au contraire- avec une défense du libertinage et une vision stéréotypée pour ne pas dire crasse de la féminité. Dans Belle et bête, la femme n’accède pas à la cochonnerie : elle est juste amoureuse, stupide et masochiste, prête à mourir d’aimer un salaud qui lui veut du mal.

Criant d’originalité et d’aliénation. C’est cette combinaison étrange qui explique la place dont jouit Iacub dans les médias et le succès qu’elle rencontre auprès des hommes et des journalistes épris de littérature et en mal de backlash.

En bonne masculiniste, Iacub vole au secours de ce trésor national –que serait la libido masculine sans entraves (de DSK)- avec des arguments d’une grande banalité. Sa théorie du cochon (de DSK) est avant tout une apologie de la sublimation et de la pulsion sexuelle masculine incontrôlable (merci Freud). Avec un twist cependant qui va permettre à la philosophe fine observatrice des mœurs de nous délivrer une interprétation renversante (fantasmatique ?) de ce qui s’est passé dans la chambre du Sofitel et dans la tête et le pantalon de cochon de DSK. Et de prendre le pouvoir dans cette histoire.

On n'a rien compris. Nafissatou Diallo ne serait qu’une suceuse qui aurait été bien marrie de ne pas se voir récompensée par une fleur ou un cadeau après la gâterie offerte au Prince du FMI. On pensait que DSK n’en faisait qu’à sa queue ? Le voici victime de son surmoi, bridé par ses responsabilités au FMI et sa femme qui l’a transformé en caniche-candidat-président. Le roi des cochons n’est que le roi des sublimateurs et Marcela Iacub l’amoureuse et la rédemptrice surgit pour le sauver. Le problème est que la vérité profonde dont DSK a été injustement délesté serait aussi la nôtre.

Enfin presque, parce que cette vérité du sexe que Iacub veut préserver est celle exclusive des hommes, une masculinité abjecte et dont la défense repose sur la victimisation des machos : un grand classique du masculinisme qui a de l’avenir. Mais sous l’apologie de la masculinité pourrie et le vernis psy pour expliquer l’aliénation dans la civilisation, il y a la défense acharnée du sujet libéral : volontaire et individualiste, amoral et puissant. Il se fout totalement de l’inconscient contrairement à ce que prétend Iacub, ce qui suffirait d’ailleurs à balayer sa théorie du double et autres fadaises héritées du XIXème siècle ou de la pop psychologie pour expliquer les contradictions de DSK.

L’inconscient personnel-universel de DSK n’existe que dans la tête de Iacub et des virilistes français remontés contre le politiquement correct. Iacub invente de toutes pièces la bienheureuse faute de DSK qui l’érige en rédemptrice. C’est là que se forme le couple Iacub/Strauss-Kahn et que l’on est en droit de critiquer la perversité d’une démonstration politique que voudrait nous faire avaler la gauche du Nouvel Observateur et une intelligentsia française dévouée à la déesse écriture du moment qu’elle justifie leurs désirs sublimes, forcément sublimes.

Qui va nous faire croire que Belle et Bête est une critique de l’homme libéral comme le prétendait Eric Aeschimann sur le plateau du Grand Journal de Canal Plus ? Un communiste selon Iacub ! Ce qui fascine cette dernière, c’est bien au contraire que DSK est un cochon de libéral et qu’il illustre sa conception libérale de la liberté absolue et de la sexualité. Raison pour laquelle elle se mire dans sa conscience tout en trouvant que ce n’est jamais assez. DSK doit être l’incarnation absolutiste de sa vision de la liberté et du sexe. Finalement, comme Anne Sinclair, comme « les puissants de l’Ancien régime », elle rêve d’un DSK qui soit la libido guidant le peuple et que la patrie lui soit reconnaissante. C’est ringard et c’est franchouille, c’est Cochounou, le bon goût de chez nous. C’est Freud, c’est Bataille, c’est Lacan et tout le tin-toin : la libido est masculine.

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