Maladies chroniques : pourquoi une longue consultation chez son médecin traitant soigne bien mieux qu’une trop rapide prescription

Atlantico : Pourquoi est-il plus efficace, sur le long terme et en particulier pour les personnes souffrantes de maladies chroniques, de passer plus de temps avec un professionnel de santé, que de se faire prescrire une posologie rapidement ? Quels sont les inconvénients liés à une prescription trop rapide ?

Dominique Dupagne : La médecine est une science humaine faite d'écoute et d'explications. Ces deux aspects demandent du temps. Du temps pour ne pas interrompre le patient, car c'est en l'écoutant que l'on fait un diagnostic, autant qu'en lui prescrivant des examens.

Il faut aussi du temps pour expliquer le traitement. Pour expliquer pourquoi on a choisi tel ou tel médicament, et comment il convient de l'utiliser. De nombreux patients prennent mal leur traitement, ou ne prennent que quelques médicaments de leur ordonnance, parce qu'ils n'ont pas reçu suffisamment d'explications pour adhérer aux propositions du médecin ou pour utiliser correctement le médicament.

Dans le cadre des maladies chroniques, il existe un mythe qui voudrait que la routine des consultations de renouvellement soit simple, rapide, voire automatisable. Cette vision n'est partagée que par ceux qui ne pratiquent pas la médecine générale. Ces consultations régulières sont l'occasion pour le patient de faire part à son médecin des problèmes survenus depuis sa dernière consultation, de vérifier que le traitement est toujours bien toléré et compris. Dans le cadre des visites à domicile, cette consultation remplit une mission importante : apporter, par le dialogue, une chaleur humaine indispensable à des patients souvent âgés et isolés, et anticiper les décompensations qui guettent les plus fragiles d'entre-eux.

Les consultations médicales se font-elles en général trop rapidement réalisées ? Si oui, pourquoi ?

Cela dépend. Les médecins salariés qui ne subissent pas de pression à la productivité de la part de leur employeur prennent souvent leur temps. Mais ça devient rare. Parmi les médecins libéraux, rémunérés à l'acte, certains ne comptent pas leur temps, au détriment de leurs revenus, mais beaucoup d'entre-eux sont forcés d'aller vite, trop vite, du fait de la faible valeur de la consultation conventionnée remboursée par l'Assurance-Maladie.

Est-il possible pour les professionnels de la santé de mettre en place un système donnant plus de temps à leurs patients ?

Ce ne sont pas les professionnels de santé qui ont la possibilité de faire évoluer cette situation, mais les tutelles sanitaires. Tant qu'il sera plus rentable de couper la parole au patient après 2 minutes pour rédiger rapidement une ordonnance, cette situation perdurera. Il suffit de valoriser les bonnes pratiques pour qu'elles se développent. C'est une question de volonté politique. Il est possible de favoriser un travail de qualité, mais il faut sortir des sentiers battus, inventer de nouveaux outils, et ne pas tomber par exemple dans le piège de la rémunération sur indicateurs, qui est encore pire que l'absence de régulation.