C'est pas automatique
Les véhicules 100 % autonomes, ce n’est pas pour demain
On est encore loin de transformer les prototypes de voitures automatiques en de véritables engins sûrs et viables.
En mai 2016, le constructeur automobile américain Tesla a été impliqué dans une première mondiale passablement embarrassante : un de ses Modèle S, dont le fameux système d’autopilotage (Autopilot) était activé, s’est crashé dans un camion, tuant son "conducteur".
Dans cette affaire, les questions de responsabilité sont très complexes. Des éléments tendent à disculper Tesla, mais un fait demeure : le véhicule n’a pas réagi à la présence d’un semi-remorque en travers de la voie. Ce serait un peu comme de rater un éléphant au beau milieu d’un couloir… Comment est-ce possible ?
Le véhicule autonome existe et marche bien : des dizaines de voitures ont roulé sur des millions de kilomètres avec un taux d’accident très bas, similaire aux statistiques humaines. Mais la guerre des statistiques fait encore rage et l’exemple fatal impliquant Tesla a profondément marqué les esprits.
The social dilemma of autonomous vehicles https://t.co/21UokjLeGH
— David Kapp (@DavKapp) 28 juin 2016
Comment fonctionne un véhicule autonome ? Pour le comprendre, il faut entrer un peu dans la technique et s’intéresser à ses "yeux", à savoir ses capteurs.
Le paradigme robotique
Ce que signifie "voir" pour un robot
Bien voir nécessitent deux choses : les algorithmes de perception – les yeux et le cerveau – doivent être excellents mais aussi très bien contextualisés, afin de ne pas rater les objectifs les plus importants (l’éléphant dans le couloir).
Les capteurs actuels sont les suivants : caméras, radars, ultrasons et scanners laser. Chacun a ses forces et faiblesses : le radar voir très bien les objets métalliques (et même plus) ; la caméra voit comme nous, ce qui est précieux puisque la route est conçue pour être vue ; les ultrasons sont utiles à proximité et à faible vitesse ; les scanners laser (2D ou 3D) offrent une "vision" en profondeur de l’environnement.
De nouveaux capteurs apparaissent sans cesse (caméra 3D, infrarouge, caméras multispectrales ou hyperspectrales, par exemple) sans que les principes ne changent fondamentalement : on sait avoir des données de l’environnement presque par tout temps, même si la grosse tempête de neige reste problématique.
Comment expliquer alors que les véhicules autonomes ne voient pas si bien ? Parce que l’interprétation des données – la construction de la représentation du monde – est encore trop complexe. On sait énumérer un certain nombre d’objets (route, voiture, piéton, panneau) et construire des algorithmes pour les détecter, mais on ne sait pas encore le faire assez bien.
Véhicule autonome, véhicule automatisé
Le monde est extrêmement complexe et la variété des objets qui s’y trouvent est aujourd’hui encore bien trop grande. Nos ruses pour le comprendre se retournent parfois contre nous : le crash fatal a eu lieu en dépit de caméras et de radars dont toutes les Tesla sont équipées.
L’explication qui suit n’a rien d’officiel, mais elle est techniquement crédible. La caméra était éblouie par un soleil de face et ne voyait rien. Le radar qui compensait a "vu" un gros objet métallique statique, puisque le camion passait en travers. Or l’expérience montre que la plupart des gros objets métalliques statiques dans une autoroute fluide, ce sont les panneaux au-dessus de la route : aucune raison de s’y attarder donc (on les filtre). C’est ainsi qu’on rate un éléphant…
On le comprend bien : le principal problème ne vient pas des yeux, mais du cerveau. Nous devons encore faire des progrès dans l’interprétation des données, plus précisément d’un déluge de données : avec tous les capteurs réunis, la voiture peut générer 1 Go par seconde de données capteurs. Il faut donc qu’elle puisse le faire vite et bien. C’est la raison pour laquelle certains spécialistes, dont je fais partie, pensent qu’il n’y aura pas de véhicule autonome avant longtemps, mais plutôt des véhicules automatisés.
La différence entre les deux se résume simplement : un véhicule automatisé peut conduire sur la route alors qu’un véhicule autonome doit conduire sur toutes les routes, ce qui n’est pas pour demain. Entre temps, la question du partage de la responsabilité est une question cruciale et difficile, comme toujours.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !