"Les petits farceurs" de Louis-Henri de La Rochefoucauld

Deux jeunes garçons, l’un du beau monde parisien et le second montant de sa province, se rencontrent en classe préparatoire. Et contre toute attente, ces deux-là s’entendent comme larrons en foire. Du haut de leurs vingt ans, ils sont persuadés que le monde leur appartient et qu’ils vont avoir des destinées hors du commun. Après une dégringolade de Charybde en Scylla et bon nombre d’années, l’un des deux meurt. Et l’autre raconte.

• La merveilleuse écriture de l’auteur, donnant une grande fluidité à la lecture, avec en filigrane un humour extrêmement fin et une bonne dose d’esprit.
• La galerie des personnages est décrite de façon savoureuse avec des détails très drôles, nous proposant des caractères ciselés. Chacun en prend pour son grade. Mais il n’y a jamais de méchanceté dans ces portraits, juste de la lucidité.
• Il s’agit là d’une étude de mœurs sur le milieu de l’édition. Si l’auteur nous montre la cuisine et l’avant-cuisine du monde du livre de façon amusante, il reste tout à fait réaliste sur ce qui se passe au quotidien derrière ces portes feutrées et, bien que ses protagonistes soient plus ou moins imaginaires, ceux-ci ressemblent furieusement à des figures existantes. On sent que Louis-Henri de la Rochefoucauld est un habitué des lieux, rompu à ces passes d’armes virevoltantes.
• On constate une fois de plus grâce à ce livre, que la distance est grande entre vouloir et pouvoir, surtout si on ne s’en donne pas les moyens. Pourtant, on reste dans la demi-teinte : le ratage n’est pas tout-à-fait complet mais la réussite non plus.  Finalement, nos deux compères se rejoignent dans leur définition d’hommes à tout faire, l’un derrière ses casseroles, l'autre derrière ses faux écrivains qu’il sert.

• Aucun bémol dans cet ouvrage. Tout se lit avec plaisir.

Ce roman fait partie de ces livres dont on ralentit la lecture vers la fin pour ne pas s’en séparer trop vite. C’est un petit bijou, avec des trouvailles à toutes les pages, des expressions saugrenues et drôles, comme lorsque l’auteur parle d’un soi-disant écrivain, il le surnomme « le cador des romans de gare » ou encore « le phénix des têtes de gondole ». De même, il nous présente un rappeur à la recherche d’une forme de « gospel bigouden vaudou ». Assez rare, tout de même. Excellent roman.

« Le cadavre de Marcillac n’avait pas refroidi que la guerre de succession était ouverte ... »

« C’était le branle-bas de combat au sein du groupe Hachette. Un temps pressenti, Pierre Bournel a rétropédalé quand il a compris que l’un de ses rivaux avait sous le coude une dizaine de femmes prêtes à porter plainte contre lui. Sauf que ce rival avait lui aussi des dossiers gênants. A ce jeu-là, des prétendants se sont éliminés les uns les autres avec la même application que des Jacobins. » Page 142

Louis-Henri de la Rochefoucauld (1985 à Paris) est écrivain et critique littéraire et musical. Il a publié neuf romans, dont Le club des vieux garçons (2017), La prophétie de John Lennon (2019) et Châteaux de sable (2021) pour lequel il a reçu le prix des Deux Magots.