Les banques de la tech californienne ont pris des risques au point de déséquilibrer le système mondial <!-- --> | Atlantico.fr
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Les difficultés de la Silicon Valley Bank sont beaucoup plus inquiétantes. La Silicon Valley Bank, beaucoup plus connue - la 16e banque américaine en volume d’actifs, était l’interface financière de la plupart des acteurs de l’industrie digitale.
Les difficultés de la Silicon Valley Bank sont beaucoup plus inquiétantes. La Silicon Valley Bank, beaucoup plus connue -  la 16e banque américaine en volume d’actifs, était l’interface financière de la plupart des acteurs de l’industrie digitale.
©NOAH BERGER / AFP

Atlantico Business

Bruno Le Maire a assuré hier que la faillite des banques californiennes n’aurait pas d’effet systémique sur les banques en Europe. Encore faut-il que toutes les autorités de régulation se mobilisent pour éloigner l’ombre de Lehman Brothers.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Les banques européennes se disent aujourd’hui à l’abri et Bruno Le Maire a cru bon d’assurer que les difficultés américaines n’avaient pas d’effets systémiques. Les boursiers ne le croient qu’à moitié. La crise qui s’ouvre aux USA est pourtant très différente de celle qui avait ébranlé la planète en 2008. A l’époque, nous étions envahis de subprimes, crédits immobiliers mal garantis. Aujourd’hui, on assiste aux pirouettes de quelques spéculateurs qui ont raté leur numéro sur le marché des cryptomonnaies et surtout, sur les valorisations excessives de l’industrie digitale.

En moins d’une semaine, le système bancaire mondial a été secoué par trois secousses d’amplitude californienne qui ont bousculé le monde digital, les Gafam comme la multitude de start-up qui pullulent dans l’ouest américain. Mais comme la révolution digitale a touché le monde entier, il n’y a a priori aucune raison pour que les Geek du monde entier qui travaillent sur les mêmes produits, les mêmes marchés avec les mêmes méthodes de financement ne soient pas affectées. Pour l’instant, la secousse n’a touché que l’écosystème américain.

En bref, trois secousses qui ont ébranlé trois acteurs emblématiques des succès et des excès de la révolution numérique, mais trois secousses qui ont la même origine.

Mercredi dernier, première alerte : Silvergate Bank qui se place en liquidation. Officiellement, personne ne s’y attendait, sauf que Silvergate avait comme spécialité de gérer les opérations financières des sociétés de la sphère des cryptomonnaies. Après avoir essayé de répondre à la faillite de FTX, le champion du monde des cryptos et du metavers, Silvergate n’a pas pu faire face aux demandes de ses clients qui réclamaient leurs dépôts. 

Le lendemain, jeudi c’est Silicon Valley Bank qui annonce être en difficulté et qui sera fermée par les autorités américaines vendredi pour éviter l’affolement des clients, des entreprises de la Tech, en majorité, qui réclamaient leurs dépôts.

SVB, c'est la banque qui en Californie finance une majorité de ces startup...

Et puis en fin de weekend, Signature Bank a dû fermer ses guichets à la demande des autorités américaines qui veulent éviter un Bankrun. Signature Bank est la deuxième banque spécialisée dans les cryptos. 

Deux de ces banques, Silvergate et Signature, opéraient sur le marché des cryptomonnaies que les banques traditionnelles n’ont pas pénétré. Après le crash de FTX, la confiance dans le système parallèle n’était pas garantie. Il a suffi qu’un certain nombre de clients veulent récupérer leurs actifs en dollars pour que deux des banques ne puissent pas répondre et sautent. Les analystes du secteur ne sont qu’à moitié surpris. Le secteur des cryptos n’est ni contrôlé, ni régulé, ni sécurisé par des banquiers centraux … personne n’est donc à l’abri d’une lame de fond. La défaite de FTX a sans doute servi de détonateur.

Les difficultés de la Silicon Valley Bank sont beaucoup plus inquiétantes. La Silicon Valley Bank, beaucoup plus connue -  la 16e banque américaine en volume d’actifs, était l’interface financière de la plupart des acteurs de l’industrie digitale. Et l’industrie digitale donnait depuis quelques mois des signes de fébrilité avec beaucoup de signaux d’alerte qui passaient au rouge :

-des capitalisations très variables qui rendaient nerveux tous les analystes

-les hésitations stratégiques d’un des gourous de cette industrie, Elon Musk

-des levées de fonds difficiles après les années euphoriques

-vagues de licenciements, mal vécues et mal expliquées chez les ténors de la tech

-crise de confiance dans les cryptos

-et surtout la remontée des taux d'intérêt…  ce qui fait chuter les valorisations et a empêché les entreprises de la tech d’emprunter comme avant.

Le résultat de ce climat est que pour continuer d'opérer et de fonctionner, les entreprises ont eu de plus en plus besoin de retirer les dépôts qu'elles avaient en banque...

Silicon Valley Bank a dû faire face à des retraits massifs auxquels elle n’a pas pu répondre.

Plus grave, la banque californienne n’a pas réussi à trouver de l'argent frais pour se recapitaliser. Elle a dû se délester de gros portefeuilles d'obligations, vendus à perte dans un contexte de hausse de taux. La valeur d’obligations anciennement émises décroît quand les taux montent. Ayant un coupon inférieur, elles sont moins rémunératrices et s’échange t donc à valeur décotée.

La plupart des analystes expliquent aujourd’hui que la Silicon Valley Bank était insuffisamment protégée en termes d’instruments financiers contre les risques de hausse de taux (swaps).

Pour éviter la panique bancaire qui aurait des effets catastrophiques sur l’ensemble du système bancaire, le Trésor américain annoncé qu’il élargit la garantie à la totalité des dépôts bancaires, ce qui va plus loin que la loi fédérale qui garantit d'ordinaire uniquement les dépôts jusqu’à 250 000 dollars.

 Et pour limiter la contagion à d'autres établissements, la Réserve fédérale ouvre une ligne de crédit jusqu'à 25 milliards de dollars, pour les banques qui en auraient besoin afin d’honorer les retraits de leurs clients. 

Toutes ces réactions sont évidemment anxiogènes. Elles ne rassurent personne et prouve que le problème est à prendre au sérieux.

En Europe, la plupart des banques ont été fortement sanctionnées en bourse depuis la semaine dernière.  Hier, BNP Paribas par exemple a encore perdu 7%. Comme la plupart des banques. Bercy a donc réactivé une cellule de veille mais assure que le système bancaire européen est très surveillé et très contrôlé, ce qu’on lui a d’ailleurs reproché bien souvent. L’excès de régulation a freiné leur activité mais a aussi sécurisé leur fonctionnement. 

A priori, la crise des banques californiennes ne peut pas porter les mêmes risques systémiques que la faillite de Lehman en 2008. La faillite de Lehman avait provoqué une déflagration mondiale parce que les supprimes, ces dettes immobilières pourries du marché américain, avaient été titrisées, c’est-à-dire revendues à des établissements financiers qui les offraient comme placements rentables à leurs clients. La plupart des banques occidentales et asiatiques avaient à l’époque mis les doigts dans la confiture des subprimes. Comme la peste au Moyen âge, l’effet des subprimes a touché le monde entier.

Dans le cas des banques de Californie, les clients se retrouvent en crise de confiance. Les autorités américaines vont devoir opérer très rapidement afin que le phénomène de défiance ne se propage. Pour l’instant, il reste circonscrit à la Silicon Valley et aux entreprises de la tech.

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