Le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans et pourtant le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général : mais que se passe-t-il docteur ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans et pourtant le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général.
Le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans et pourtant le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général.
©MIGUEL MEDINA / AFP

Appauvrissement généralisé

Le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans et pourtant le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans et pourtant le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général. D'où vient l'impression de pauvreté qui traverse la société française alors que les indicateurs économiques sont assez corrects ?

Marc de Basquiat : Entre 2007 et 2022, derniers chiffres publiés par l’INSEE, on constate que la valeur du patrimoine des ménages a augmenté de façon différenciée :

- les actions n’augmentaient que de 44% (à 1.802 milliards) ;

- l’immobilier de 54% (à 9.235 milliards d’euros) dont on peut soustraire des crédits immobiliers en croissance de 93%, à 1.718 milliards, soit une augmentation du patrimoine immobilier net de 48% ;

- l’assurance-vie et l’épargne retraite de 55% (2.000 milliards) ;

- les dépôts à vue doublaient presque (1.930 milliards, +89%).

Compte tenu d’une inflation cumulée de 30% depuis 15 ans et d’une population accrue de 6%, l’enrichissement des ménages est réel sur toutes les catégories d’actifs. Mais le plus dynamique reste le « bas de laine », les comptes en banque et l’épargne financière en général.

Il est difficile pour un économiste de se prononcer sur ce qu’il y a dans la tête des gens. Ce décalage entre le ressenti et la réalité des chiffres est effectivement troublant. Affirmons tout de même que cette préférence pour l’épargne de précaution par rapport à l’investissement productif n’est pas un signal de vitalité.

Pierre Bentata : Lorsque l’on observe les indicateurs économiques, dont celui que vous venez d'évoquer, la situation est assez éloquente. Il n'y a pas de motifs d'inquiétude. Il n'y a pas de traces d'un déclin. Le patrimoine a globalement augmenté. Si on observe les inégalités de patrimoine, elles sont restées assez stables. C'est toujours la même part de la population qui possède globalement 50 % du patrimoine. Ce n’est pas sur les indicateurs en tant que tel qu'il est possible de comprendre le sentiment d'appauvrissement. En revanche, il y a des difficultés à utiliser ce patrimoine. Il s’agit sûrement d’une explication du sentiment d'appauvrissement.

Alexandre Delaigue : Tous les types de patrimoine n'ont pas augmenté dans les mêmes proportions. Il y a eu une augmentation de l'immobilier et une hausse assez considérable de la Bourse. Cela s’est matérialisé par le fait que les personnalités les plus riches en France, comme Bernard Arnault, Liliane Bettencourt et sa fille, sont devenues les premières fortunes mondiales alors qu'avant elles étaient les premières fortunes françaises. Quand la valeur du patrimoine augmente, tous les types de patrimoine ne voient pas automatiquement leur valeur augmenter de la même façon. Ce n'est donc pas la même expérience pour tout le monde. 

Il ne faut quand même pas oublier également que le patrimoine en France est réparti d'une manière qui est assez peu égalitaire. Il y a une assez forte concentration au niveau des gros patrimoines. Concernant la propriété immobilière, un peu moins de deux tiers des Français sont propriétaires de leur logement. Les autres voient la valeur du patrimoine immobilier augmenter et ont l'impression que ce sera encore plus difficile d'accéder à la propriété immobilière à l’avenir car les salaires, les revenus n'ont pas du tout augmenté dans les mêmes proportions que le patrimoine. Lorsque l’on regarde une moyenne, on agrège un grand nombre de critères. Mais cela aboutit à négliger toutes les situations particulières. 

La hausse qui porte sur l'immobilier ne crée pas un effet de richesse si important. Si vous habitez dans le logement dont vous êtes propriétaire et que sa valeur double, premièrement vous ne ressentez rien. Votre maison est toujours la même, elle n'a pas changé. Vous n'êtes peut-être même pas au courant que sa valeur a augmenté parce que vous ne regardez pas toujours les prix de l'immobilier. Et en plus, cette augmentation ne vous bénéficie pas vraiment car si vous décidiez de revendre votre logement, il vous faudrait bien en acheter un à la place. Du point de vue de l'usage du logement, la perception quand les prix de l'immobilier augmentent permet de se sentir un peu plus riche, mais cela est possible grâce au fait que mon patrimoine a augmenté. En termes de ressenti, ce n’est pas du tout la même chose. Ce n'est pas quelque chose qui va se produire qui va procurer un sentiment automatique d'enrichissement. Il y a beaucoup de facteurs qui font qu'il va y avoir un grand décalage entre le chiffre et le ressenti, la perception des Français.

Quel est le niveau d'inégalité dans le pays ? La France n’est-elle pas préservée sur le plan des inégalités ?

Marc de Basquiat : Est-ce la conséquence d’une prolifération de dispositifs visant la réduction des inégalités ? C’est un fait que les statistiques indiquent un resserrement des revenus disponibles autour de la moyenne. Un outil facile à comprendre pour l’illustrer est le rapport interdécile : on calcule le rapport entre le seuil de revenu des 10% les plus riches et celui des 10% les moins aisés. En France, il est de 3,5 – égal à celui de l’Allemagne, un peu plus resserré que la moyenne européenne. Aux Etats-Unis, ce rapport dépasse 6 : les 10% des Américains les plus aisés sont nettement mieux lotis que les 10% du bas. On peut aussi utiliser un indicateur plus sophistiqué, le coefficient de Gini, qui raconte une histoire semblable.

Que dire d’un rapport interdécile de 3,5 ou d’un coefficient de Gini de 29,8% ? L’interprétation de ces chiffres laisse largement place à la subjectivité et à l’idéologie. Certains déplorent que la France ne soit pas à 22% comme la Slovaquie, champion mondial de l’égalité mesurée par le coefficient de Gini. D’autres envient le dynamisme et l’émulation d’une société américaine où le coefficient s’approche de 40%.

En réalité, discuter de l’inégalité d’une société au vu d’un seul indicateur, illustratif de la dispersion des revenus disponibles de ses habitants, est un peu court. La dispersion des patrimoines des ménages dit également beaucoup sur les conditions concrètes de vie de nos concitoyens. On peut aussi comparer la dispersion des revenus primaires (ex. les salaires) avec celle après redistribution, une fois acquittés les multiples cotisations, taxes et impôts, et perçues diverses aides et allocations. Faut-il examiner si les inégalités sont balancées avec une réelle égalité des chances pour chacun d’améliorer sa condition ?

De fait, il n’est pas simple de caractériser et juger du niveau d’égalité à l’échelle d’un pays. Gardons-nous des raccourcis idéologiques, d’un bord comme de l’autre.

Pourquoi les Français ont-ils une vision négative de l'avenir ? Est-ce lié à un contexte économique et aux dépenses contraintes comme le poids des prix de l’immobilier (seuls 5% des gens pensent que leurs enfants vivront mieux) ?

Marc de Basquiat : On perçoit que les Français d’aujourd’hui vivent globalement mieux que les générations précédentes mais qu’ils se sont pas du tout convaincus que cela va durer. Ils savent que l’année 2024 sera la cinquantième année de suite avec un déficit public, que la balance extérieure, l’offre de santé et le niveau scolaire s’écroulent – sans même évoquer les guerres atroces à quelques milliers de kilomètres ou l’angoisse pour certains d’un « grand remplacement ». Même si la situation économique individuelle de la plupart des Français est correcte, les perspectives sont inquiétantes.

Alexandre Delaigue :L'actualité n’est pas particulièrement glorieuse et participe à un climat particulièrement anxiogène. Cela contribue à donner ce genre d'impression. Les perspectives économiques n'ont pas l'air exceptionnelles et il y a toute une série de choses qui apparaissent comme inaccessibles.

La hausse de la valeur de l'immobilier a aussi des conséquences. Il y a 25 ans, il était possible pour un jeune couple de fonctionnaires d'acheter un appartement à Paris aujourd'hui. Aujourd’hui, au regard des prix de l’immobilier, si vous voulez acquérir un logement à Paris, vous allez hériter ou vous devez appartenir aux gens qui gagnent plus de 15.000 € par mois. Cela est inaccessible pour l'écrasante majorité des gens. Cela donne l'impression d'un avenir particulièrement bouché.

Pierre Bentata : Si on élargit la focale, ce phénomène est aussi observé dans tous les pays occidentaux. De façon culturelle en Occident, une sorte de peur en l'avenir et un sentiment de déclin se sont installés. Cela est renforcé par la pression qui est mise par les États autoritaires en termes de fake news, de poussées d'informations qui viennent fracturer la société. Le dernier exemple en date concerne les punaises de lit dont on sait maintenant que cela vient de la Russie. Mais il y a également une spécificité française. Lorsque l’on regarde la composition du patrimoine en France, nous sommes historiquement un pays qui est attiré par la pierre et qui est vraiment attiré par l'immobilier. Or, nous sommes dans une situation où les efforts qui ont été menés pour essayer de réglementer le marché immobilier, notamment le marché locatif, les contraintes pour faire beaucoup de HLM dans les communes, la réglementation sur la location de courte durée et l'augmentation des taux ont contribué à ce que le marché immobilier soit un marché très tendu, auquel il est difficile d’accéder et qui, en même temps, est un marché qui n'est plus du tout dynamique. Il est donc difficile d'acheter et difficile de vendre.

Dans la perception des Français, le patrimoine concerne avant tout de l'immobilier. Quand l'immobilier est dans une situation comme celle-ci, pas très stable et plutôt tendue, la conception du patrimoine et donc de l'avenir se noircit automatiquement. Cela serait beaucoup moins le cas si on avait un patrimoine qui était beaucoup mieux ventilé, avec beaucoup plus d'actions par exemple, ou beaucoup plus d'actifs financiers en général. Ce n’est pas le cas chez les Français qui sont très réticents et qui voient vraiment dans la pierre la chose la plus sûre. La situation actuelle montre que la pierre à long terme est une valeur sûre, mais il y a des moments où il y a des fortes tensions et nous sommes vraiment dans cette période.

Est-ce qu’il n’y a pas eu aussi des évolutions et des rééquilibrages ces dernières années à cause du Covid ? La courbe de l'éléphant de Branko Milanovic a notamment été modifiée. Les classes moyennes ont eu la sensation de s'enrichir moins vite. Le pouvoir d’achat contraint comme le prix de l’immobilier n’est-il pas à l’origine des difficultés des Français et qui contribuent à ce sentiment de mécontentement ?

Alexandre Delaigue : Cela représente une tendance de fond. Lorsque l’on regarde ce qui a tendance à augmenter par rapport à ce qui a tendance à diminuer et qui détermine donc l'évolution du pouvoir d'achat, c'est bien ce qui a tendance à augmenter qui pèse le plus. Ce qui a tendance à diminuer est plus superflu. 

Les prix des produits manufacturés ont beaucoup baissé. Par contre, le prix de l'essence a beaucoup augmenté au cours de ces derniers temps, la situation environnementale aussi ainsi que les prix de toute une série d'abonnements. L'INSEE a un site qui permet de voir quels sont les éléments qui ont beaucoup augmenté et quels sont ceux qui ont moins augmenté. On découvre tout ce qui correspond à des dépenses contraintes. Leur coût a fortement augmenté.

Il y a des domaines dans lesquels le coût n'a pas forcément augmenté mais au prix d'une certaine dégradation de la qualité du service. Cela concerne par exemple le domaine médical, où les coûts n'augmentent pas mais où les prix n'augmentent pas. En contrepartie, cela va entraîner toute une série d'autres difficultés comme par exemple la difficulté de recruter dans la fonction publique. D'un côté, on essaie de comprimer les coûts mais d'un autre côté, il n’y a plus beaucoup d'attractivité.

Toute une série de dépenses dont le coût a le plus augmenté sont des éléments liés aux dépenses contraintes et toute une série d’éléments de patrimoine qui ont augmenté sont des choses qui sont détenues par très peu de gens. En France, il y a moins de 10 % des ménages qui détiennent des actions.

Cela veut dire que lorsque la valeur du marché boursier augmente pour 90 % des gens, cela ne change strictement rien et cela ne leur apporte strictement rien. 

La France est l’un des pays les moins inégalitaires de l’OCDE. Comment expliquer le décalage entre la perception et le réel ? N’est-ce pas lié à une névrose égalitaire en France accentuée par le sentiment de fragilisation des classes moyennes et à une peur de l’avenir ?

Marc de Basquiat : La passion française pour l’égalité, marqueur majeur des discours politiques de gauche, imprègne la majorité des analyses officielles et des articles journalistiques. C’est aussi le cas des déclarations d’institutions censées venir en aide aux plus démunis – fondation Abbé Pierre, Secours Populaire, etc. – qui dénoncent plus volontiers les inégalités ou les riches que la pauvreté, ce qui diffuse un étrange sentiment de culpabilité parmi les classes moyennes et supérieures, alors qu’elles auraient des raisons légitimes de se réjouir de leur réussite.

Au lieu d’être satisfait de ce qu’on a, fier de ce qu’on fait, confiant de ce qui arrive, chacun doute de tout. La baisse brutale de la natalité est un signal inquiétant de ce malaise collectif qu’il nous faut mieux comprendre, nommer courageusement et combattre fermement. Est-ce la feuille de route du gouvernement actuel ? Là aussi, nous doutons.

Alexandre Delaigue : Cet argument est ancien puisqu'il avait été exprimé par Tocqueville au XIXᵉ siècle. L’idée est que plus les inégalités diminuent, plus les inégalités résiduelles apparaissent comme insupportables et de ce fait, plus le sentiment d'hostilité vis-à-vis de l'inégalité augmente. Car paradoxalement, ce constat témoigne de ce que les gens ressentent en matière d'inégalités. Cela concerne moins les enfants ou la situation de très, très grande fortune qu'ils ne voient pas. En revanche, cette perception se focalise beaucoup plus sur l'enrichissement de nos voisins ou de gens qui nous sont proches. Au-delà de ce constat, il faut noter aussi qu’il y a d'assez bonnes raisons qui expliquent pourquoi cette perception de la richesse et des inégalités est différente de la réalité. 

Ce constat et la négativité ressentie par les Français n'est pas spécifique à la France. La campagne électorale aux États-Unis est aussi marquée par ce phénomène de perception négative et de décalage avec la réalité, dans les critères économiques. Depuis quatre ans, le salaire minimum est passé aux États-Unis de 8 à 15 $. Cela représente un énorme enrichissement pour les personnes qui sont dans le bas de l'échelle des revenus. Pourtant, il est bien difficile d’avoir un tel ressenti auprès de la population américaine. Les gens sont toujours extrêmement mécontents. Sur cet aspect de mécontentement par rapport aux données économiques, Il ne faut pas faire dire aux indicateurs économiques plus que ce qu'ils ne peuvent dire. L'augmentation de la valeur du patrimoine est une chose, mais le ressenti des gens par rapport à leur situation économique est tout à fait autre chose. Et le patrimoine représente des actifs mais cela concerne aussi des dettes. Pour beaucoup de Français, leur patrimoine a augmenté mais certains voient toute une série de difficultés qui se manifestent dans toute une série de secteurs. La dette implicite autour des retraites est un objet de conflit qui fait que du côté des retraités, ils redoutent une diminution. Et cela pourrait aussi diminuer du côté des actifs. Il y a de plus en plus de prélèvements importants à cause de l'évolution de la démographie. Tous ces problèmes sont modifiés par la situation du patrimoine, de la dette publique. Les Français se sont beaucoup enrichis et de l'autre côté, la dette publique, qui pèse sur les Français, a aussi augmenté. Voilà ce qui peut expliquer cet apparent paradoxe.

Pierre Bentata : La France est animée par une passion de l'égalité. Ce phénomène est bien plus poussé que dans les pays anglo-saxons. Cela conduit à percevoir les inégalités qui persistent, même si elles se résorbent.

Une étude en 2018 dans Science montrait que cette attitude est partagée par à peu près tous les humains, à mesure qu’un phénomène qui leur déplaît disparaît, il y a une tendance à élargir le concept et à aller chercher des traces dans des endroits auxquels on n'aurait pas songé auparavant. Le fait d'avoir des inégalités qui sont globalement stables en réalité, en termes d'inégalités de revenus, incite à être de plus en plus attentif aux moindres inégalités qui subsistent. Or, la période actuelle est le théâtre d’une forte inflation. Les classes moyennes qui sont propriétaires se retrouvent dans des situations où il est plus difficile, par exemple, de gagner du revenu avec ce patrimoine car le marché locatif est plus compliqué, plus régulé. En même temps, on va davantage réguler Airbnb par exemple pour les ménages qui utilisaient cela comme ressource et qui sont propriétaires mais qui ont quelque chose qui n'a pas une valeur importante. En réalité, il y a un sentiment ici d'appauvrissement ou de déclassement. Et d'autant plus que, comme on est très attentif aux inégalités, le fait que ces gens aient quand même un patrimoine et qu'ils sont stigmatisés dans la population française pose problème et rend la situation difficile. Cela contribue à un effet de double lame. D'un côté vous perdez un peu, vous avez le sentiment que les choses se sont dégradées et qu’il est plus compliqué pour vous d'utiliser votre patrimoine. Mais dans le même temps, vous avez l'impression que toute la population vous en veut quand même.

Les acteurs économiques, les politiques, pourraient-ils mettre les citoyens en accord avec le réel ? Est-ce qu’il n'y aurait pas un moyen de mettre la focale sur le positif pour permettre peut être un renouveau économique ?

Pierre Bentata : Il y a une communication qui est très biaisée et qui tend à vraiment noircir le tableau dans les médias et au sein de la classe politique.

Cette situation s’explique car la formation et les connaissances en économie au sein de nos médias et de la classe politique sont assez faibles. Ils ne sont donc pas capables d'expliquer la situation.

A cela s'ajoute le problème de l'endettement de l'Etat. Dans un pays où l'État est omniprésent et représente l'alpha et l'oméga de la politique économique lorsque la dette publique est importante, il est difficile d’être optimiste pour n'importe quel Français qui a des attentes importantes. Un effort de communication doit être fait sur la vraie situation économique du pays. Il y a aussi des solutions à apporter pour régler ce problème d'endettement qui est devenu systémique et complètement endémique.

Nous n’arrivons plus du tout à résorber cela. Les dernières communications de Bruno Le Maire montrent bien que l’on est incapable à Bercy de gérer cela. Cette crise économique, ce sentiment de déclin ne transparaissent pas dans les chiffres. Cela est lié à un problème qui est avant tout un problème psychologique ou moral. 

La démocratie libérale est confrontée à un manque de confiance. La problématique n'est pas tant économique que politique ou morale. Il faut redonner confiance, mais comment redonne-t-on confiance dans la démocratie libérale? Les solutions doivent être apportées dans le cadre d’une stratégie politique. Donc si tout le monde se dit qu'on est en déclin, on va vraiment finir par avoir un déclin économique. 

Alexandre Delaigue : Le problème est que, quel que soit le parti qui arrive au pouvoir, il le fait avec l'assentiment d'environ 20 à 25 % de la population. Cela veut dire que, mécaniquement, les représentants des 75 % restants ont tout intérêt à peindre un tableau particulièrement noir des gens qui sont au pouvoir. C'est ce qui est fait par l'opposition. Il n'y a donc pas une énorme incitation à tenir ce genre de propos pour une très grande partie de la classe politique. L'expérience montre que c'est un discours qui apparaît comme paternaliste et qui est mal perçu. Si vous avez l'impression que ça ne va pas et qu'on vous dit mais de quoi vous plaignez-vous, regardez comme tout va bien. Cela explique une bonne partie du rejet de la classe politique. 

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