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Gérard Collomb, le jour de son départ du ministère de l’Intérieur en 2018, avait alerté sur le risque que demain nous vivions « face à face » et non plus « côte à côte ».
Gérard Collomb, le jour de son départ du ministère de l’Intérieur en 2018, avait alerté sur le risque que demain nous vivions « face à face » et non plus « côte à côte ».
©Bertrand GUAY / AFP

Poudrière

Après plusieurs jours en apnée, la France semble enfin pouvoir reprendre son souffle et profiter d’une accalmie suite à des émeutes et des pillages d’une rare intensité.

Adrien Hall

Adrien Hall

Adrien Hall est avocat au barreau de Paris en droit public et membre de Nouvelle Energie.
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Pourquoi la France a-t-elle été le théâtre de telles émeutes urbaines ? Qu’est-ce qui pousse cette jeunesse des banlieues à se livrer frénétiquement dans des actes aussi violents ? Pourquoi semble-t-elle avoir perdu toute compassion et toute humanité pour ce qui lui est extérieur ?

Après plusieurs jours en apnée, la France semble enfin pouvoir reprendre son souffle et profiter d’une accalmie suite à des émeutes et des pillages d’une rare intensité. Comme une étincelle au milieu d’une poudrière, la mort d’un jeune homme de 17 ans suite à son refus d’obtempérer à l’ordre d’un policier lui intimant d’arrêter sa voiture aura complétement embrasé les banlieues françaises. Si la reconquête républicaine semble être engagée sous l’égide des maires de France, notamment par l’intermédiaire du président de l’Association des Maires de France, David Lisnard, et du malheureux maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, victime d’une attaque ignoble à la voiture bélier enflammée sur son domicile, le gouvernement est longtemps resté pantois face à cette spirale destructrice qu’il n’a pas vu venir. Tout au long de cette crise, l’exécutif aura peiné à trouver la parade et les mots permettant de décrire un phénomène de chaos urbain d’une ampleur nouvelle, allant même jusqu’à rejeter la faute sur les jeux vidéo.

Ce n’est pourtant pas faute ces sept dernières années de s’être essayé au jeu du diagnostic. Gérard Collomb, le jour de son départ du ministère de l’Intérieur en 2018, avait alerté sur le risque que demain nous vivions « face à face » et non plus « côte à côte ». Déclaration pleine de lucidité mais resté sans suites, puisqu’il faudra attendre 2020 pour que Gérald Darmanin, également Ministre de l’Intérieur, brise une nouvelle fois le tabou sur la nature de l’insécurité dont sont victimes les français et parle « d’ensauvagement d’une partie la société ». Si le départ du premier avait permis de tolérer la saillie non conforme à la doxa du politiquement correct, celle du second sera sévèrement recadré par l’aile gauche de sa majorité, l’accusant à l’instar du Ministre de la Justice, Eric Dupont Moretti, de « surenchère populiste » et de développer « le sentiment d’insécurité ». Finalement, et conscient du danger que représente une montée de l’insécurité, Emmanuel Macron s’essaiera aussi et sans plus de réussite à la conceptualisation de ce mal nouveau qui vient en parlant d’un « processus de décivilisation ».

La sécession culturelle

Si ces concepts sont inopérants pour décrire les racines profondes des émeutes de 2023, c’est parce qu’ils ne sont que le symptôme d’un processus historique à l’œuvre depuis quarante ans, celui d’une véritable sécession culturelle des banlieues françaises, par laquelle une minorité de la population aura cessé de reconnaître les marqueurs culturels communs qui fondent notre lien social et la cohérence du peuple français. Dans le confort de sa cité, cette minorité se sera constituée une contre-culture violente fondée sur le rejet de l’altérité, qui n’est alors plus vu comme un compatriote ou un concitoyen, mais comme un étranger ou une menace, ouvrant ainsi la porte à des affrontements certains.

L’acte fondateur de cette sécession peut être daté de 1983, lors de ce que Libération a appelé « la Marche des beurs », marche qui visait à protester dans tout le pays contre la répression policière et qui faisait suite à des affrontements récurrents entre la police et des jeunes issus de l’immigration de la cité des Minguettes à Vénissieux. Comme une naissance aux yeux du grand public, les « banlieusards » issus de l’immigration s’étaient imposés aux yeux de tous en tant qu’entité en devenir et désireuse de prendre toute sa place dans un pays qui était dorénavant le leur.

Confortés dans leurs démarches par une immigration de masse qui jamais ne faiblira, les émeutes de 2005 achèveront cette entreprise d’unification structurelle des banlieues de France en leur donnant une nature d’archipel quasi-tribale. C’est effectivement à ce moment précis que pour la première fois les « banlieusards » de France se révolteront d’une même voix afin de protester contre la perte de ceux qu’ils estimaient être les leurs, Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents morts électrocutés le 27 octobre 2005 dans l'enceinte d'un poste électrique tandis qu'ils cherchaient à échapper à un contrôle de police.

La fondation des Indigènes de la république la même année se chargera de terminer ce travail de sécession des cités en leur offrant une conscience idéologique victimaire, expliquant que les discriminations raciales en France sont omniprésentes et structurelles, car liées à son passé colonial et esclavagiste, et qu’elles ont raison de détester toutes les autorités publiques d’un pays qui les méprise. Dès lors, les banlieues ne se vivront non plus comme une entité à part entière de la nation française, mais comme un archipel homogène en opposition culturelle au reste de la société, avec comme adversaires privilégiés les forces de l’ordre républicain qui doivent être extirpés de leurs territoires.

La contre-culture

Les 18 années séparant 2005 des émeutes de 2023 ne feront que consolider cet immense fossé qui sépare les banlieues du reste des français, puisque dopée par une immigration toujours plus importante, par des discours d’une gauche racialiste légitimant leur ressentiment à l’égard de la France, par la montée d’un islam politique, par une économie atone incapable de leur offrir un emploi, par une culture de la rue faisant l’apologie de la violence et de la drogue, par l’injonction au mimétisme et à la surenchère des réseaux sociaux, mais aussi par un abandon des pouvoirs publics à assurer la nécessaire transmission d’un héritage culturel commun ou à garantir l’ordre public républicain en sanctionnant la délinquance du quotidien, cette jeunesse des banlieues se sera totalement déracinée de la nation pour créer une contre-culture de « lascars » violents dans laquelle la société française lui est non seulement étrangère mais aussi responsable de tous ses maux.

Il y a donc une forme de logique à voir ces jeunes venger la mort de Nahel en multipliant les actes de violences et de pillages sur tout ce qui est extérieur à leur cité, siège de leur contre-culture. Plus rien n’est épargné, pas mêmes les mairies, les écoles ou les centres sociaux. Tout leur apparaît désormais tel un corps étranger qui serait le symbole de l’oppression qu’ils subissent. Pourquoi dès lors s’attendre à ce qu’ils fassent preuve de pitié à l’égard de leurs oppresseurs dans cette frénésie destructrice ? Qui à l’exception d’un saint pourrait vouloir du bien à celui qui vous fait tant de mal ? Surtout que rien n’est fait pour combler le fossé béant qui séparent ces jeunes voyous du reste de la nation. L’Etat a depuis trop longtemps démissionné sur l’hôtel du relativisme culturel et du « pas de vagues » sécuritaire. Et ce n’est pas le déversement futur d’une multitude de milliards dans des projets d’urbanisme mal conçus qui suffira. Le mal est trop profond. Il est pourtant temps de faire comprendre à ces jeunes qu’ils ont tout intérêt à accepter la France dans leur vie, qu’elle peut être leur meilleure alliée et que le respect de l’ordre public est bénéfique à tous, surtout à eux. Tout cela nécessitera de remettre de la cohérence dans nos politiques publiques, en commençant par affirmer haut et fort les racines du progrès, à savoir qu’il n’y a aucune cohésion sociale et nationale possible sans transmission d’un héritage culturel et civique commun, sans ordre public, sans incitation réelle au travail, sans maîtrise de l’immigration et sans application stricte de la loi dans la société. Il en va de notre vivre ensemble.

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