La Génération Z : l'argot des jeux vidéos dans le langage courant<!-- --> | Atlantico.fr
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Un joueur joue à un jeu vidéo lors de l'événement Gamescom LAN en Allemagne le 16 mars 2024.
Un joueur joue à un jeu vidéo lors de l'événement Gamescom LAN en Allemagne le 16 mars 2024.
©INA FASSBENDER / AFP

Nouveau mode de vie ?

La Génération Z emploie le jargon des jeux vidéo, tandis que les générations précédentes utilisent des expressions liées au sport. Les experts affirment que cela donne naissance à une nouvelle catégorie d'argot étymologique dans le domaine des jeux vidéo.

Alda Mari

Alda Mari

Alda Mari est linguiste, directrice de recherche au CNRS, spécialisée en sémantique. 

Plus d'informations sur https://sites.google.com/site/ensaldamari/home/

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Atlantico : Dans les pays anglophones, un phénomène se propage de plus en plus : l'utilisation par la génération Z, la dernière génération, des termes des jeux vidéo dans le langage courant. Comment expliquer ce phénomène et qu'est-ce qu'il veut dire ? 

Alda MARI: Il y a un besoin d’identification par le langage, qui est tout à fait naturel et normal, de la part d'une communauté de jeunes : le langage est un des véhicules les plus importants de la formation et du maintien de l'identité d’un groupe. Cela est très débattu autour du français en tant que langue nationale, autour de ses changements et de ses variétés. La question de l’identité se pose à chaque fois qu’il y a la définition d’une communauté. S’agissant de jeunes cela n’a rien d’anormal. Les abréviations (GG, NPC, etc) sont tout particulièrement intéressantes, pour les comprendre il faut être un initié et il faut faire partie du groupe.

La génération Z va chercher là où elle a l'habitude d'être. Les générations d'avant cherchaient dans la musique ou dans d'autres univers leurs marques distinctives. Le fait que les jeunes aujourd’hui les empruntent surtout dans les jeux vidéo signifie que leur univers de prédilection est celui-ci.  On peut et on doit se poser des questions sur le temps que les jeunes passent devant ou dans (je devrais dire) les jeux et donc l'influence qu'a cette activité sur la formation de leur propre identité et sur leur représentation de la place qu'ils occupent dans la société. Mais d’un point de vue linguistique cela n’est pas étonnant.

Pensez-vous que ce phénomène se manifeste de façon particulièrement affirmée en France, ou reste-t-il attaché uniquement aux pays anglo-saxons ?

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Les États-Unis sont en avance par rapport à nous du point de vue des changements sociétaux liés aux technologies, mais la culture vidéo en France est très proéminente aussi. La France est pionnière dans la création des jeux. Je suppose qu'elle est plus avancée que dans d'autres pays étant donné l'aisance financière des ménages. Je pense que ça va être un phénomène complètement partagé partout là où il y a du jeu. Mais je n’ai pas de données quantitatives.

D’un point de vue linguistique, les interférences entre langage courant et terminologie des jeux est intéressante. Il s’agit d’un laboratoire sémantique particulier. Les emprunts sont nombreux avec différentes manipulations lexicales. Les termes sont souvent présents dans le vocabulaire courant déjà, mais ils sont cristallisés dans une fonction spécifique dans l’univers des jeux. Quand ils reviennent dans le langage courant, ils sont réintroduits avec des nouvelles fonctions sémantiques. C’est le cas de « camper » qui signifie quelque chose « ne rien faire » avec une extension du sens premier, via le passage par l’univers des jeux.

Il y a d’autres transferts, plus inattendus. Par exemple NPC « Non participating character », très spécifique à l’univers des jeux, vient à signifier, dans le langage courant, quelqu’un qui n’a pas de rôle dans un groupe.

Il ne me semble pas y avoir une prédilection pour une valence positive ou négative. GG (Great Game) est une expression d’encouragement positif.

Bien évidemment, les jeux sont un véhicule important de la percolation des termes anglophones dans le français et un accélérateur. Mais là aussi, nous ne pouvons qu’observer une tendance, il n’y aura pas de législation qui pourra arrêter ou maîtriser un phénomène de transfert linguistique. L’humanité a connu cela à différents moments de son histoire, avec la Koiné grecque, par exemple. Il s’agit d’une évolution inexorable. Le contact entre langues exploite les moyens existants, et les jeux en tant qu’espace partagé et un lieu de contact prolifique.

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