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Une vue de l'Arc de Triomphe et du drapeau français.
Une vue de l'Arc de Triomphe et du drapeau français.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Amine El Khatmi publie « Cynisme, dérives et trahisons » aux éditions Harper Collins. Dans ce livre, Amine El Khatmi analyse avec une plume acérée le paysage politique et social actuel dans un pays gouverné par un homme aux convictions fluctuantes, avec une gauche ralliant l’extrême-gauche, une droite républicaine atomisée et la montée imperturbable de l’extrême-droite. Extrait 2/2.

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi est militant politique depuis l’âge de 15 ans. Élu municipal socialiste d’Avignon entre 2014 et 2020, il a présidé de 2016 à 2023 le Printemps Républicain. Il est l’auteur de plusieurs essais : Non, je ne me tairai plus publié en 2017 aux éditions Lattès, Combats pour la France en 2019 chez Fayard, Printemps Républicain publié aux éditions de l’Observatoire en 2021 et Cynisme, dérives et trahisons chez Harper Collins en 2024.

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Et maintenant que ces constats sont posés, que faire ? Comment agir ? Comment sauver notre pays ? Se contenter des alternances politiques auxquelles nous assistons depuis quarante ans ne suffit plus. Les Français voient les gouvernements se succéder, mener – à quelques nuances près – les mêmes politiques qui débouchent sur les mêmes échecs et les mêmes impasses. Il nous faut renverser la table, tout revoir, tout réinventer, sans rien céder sur ce que nous sommes, notre attachement à l’État de droit, notre passion pour l’égalité, notre conception, si singulière, de la liberté. Rester fidèles à nous-mêmes, tout en changeant en profondeur : le défi, j’en conviens, n’est guère aisé.

Renouer avec le sens de l’autorité, le respect de l’enseignant ou du policier, en finir avec le laxisme de la justice, défendre l’assimilation, remettre l’école au cœur, ouvrir la beauté de la culture et des arts au plus grand nombre : les chantiers ne manquent pas !

Et sans doute le défi le plus grand est-il de permettre à la France de croire à nouveau en elle-même. Un pays qui ne croit pas en lui-même est un pays sans avenir. Les Algériens sont fiers d’être algériens. Les Turcs, fiers d’être turcs. Les Américains, fiers d’être américains : pourquoi, nous, Français, devrions-nous nous cacher, murmurer à bas bruit notre amour de la France ? Pourquoi revendiquer notre attachement à notre pays est-il devenu suspect ? Le simple fait de se dire patriote, comme j’assume de le faire, vous assimile immédiatement à un suppôt de l’extrême-droite.

Après la déception, après le doute, après avoir songé à tout arrêter, je veux continuer à participer au débat. Je ne cours derrière aucun mandat et la vie des partis, que j’ai bien connue, ne m’intéresse plus. Mais je veux, à ma manière, faire entendre la voix singulière d’un patriote, de gauche, franco-marocain, venu d’une famille musulmane. J’ai débattu avec Éric Zemmour, qui m’a expliqué que ma religion était incompatible avec la République, que mon prénom n’était pas opportun, que ma double nationalité était un problème. Je crois qu’il se trompe, que ses obsessions lui font perdre toute lucidité. Je veux démontrer que cette synthèse est possible. Et je crois avoir prouvé, à travers ce livre, que j’étais parfaitement lucide sur l’état de notre pays et l’immensité des défis qui se dressent face à lui. Mais je ne crois pas, moi, que la « guerre civile » redoutée par certains, sans doute secrètement espérée par d’autres, soit inéluctable. Notre pays doit être défendu. Défendre la France et, me concernant – car je ne me résous pas à sa disparition –, espérer la renaissance d’une gauche républicaine digne de ce nom.

Ma gauche à moi est patriote et populaire, soucieuse de défendre l’avenir des petites gens, en même temps que le génie français. Elle est une force venue de loin.

C’est en son nom que, sous l’arbitrage du gouvernement Blum, sont décidés les 7 et 8 juin 1936 la fixation d’un salaire minimal, la reconnaissance du droit syndical, l’existence des contrats collectifs de travail et l’institution des délégués du personnel, à l’occasion des accords de Matignon. Puis, le 26 juin de la même année, que sont instaurés les congés payés. 

C’est avec le concours de la gauche qu’est créée la Sécurité sociale le 4 octobre 1945, par le Conseil national de la Résistance.

Accédant au pouvoir pour la première fois de l’histoire de la Ve République dans le sillage de la victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981, c’est la gauche qui vote la retraite à soixante ans, l’instauration de la semaine de travail de 39 heures et la cinquième semaine de congés payés, de même que l’abolition de la peine capitale, la création des radios libres et la fin du monopole d’État sur la radio, les lois Auroux relatives à la négociation collective, la loi Roudy sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou le Revenu minimum d’insertion (RMI). Puis, avec Lionel Jospin et la gauche plurielle, la réduction du temps de travail et la Couverture maladie universelle (CMU). C’est sous son impulsion, toujours, que voient le jour des joyaux de notre patrimoine architectural et urbanistique : la pyramide du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le musée d’Orsay, le parc de La Villette, la Grande Arche de La Défense, l’Institut du monde arabe, l’Opéra Bastille...

C’est cette gauche qui n’a aucun complexe à assumer son amour de la France, de son hymne, de son drapeau, des valeurs et des principes qui l’ont fait connaître aux yeux des peuples du monde entier. Car la France, c’est plus que la France : c’est ce drôle de pays, comme disait André Malraux, qui n’est jamais aussi grand que lorsqu’il l’est pour tous. Dès 2007, alors adolescent et participant à ma toute première campagne électorale nationale dans le sillage de Ségolène Royal, je suis choqué en assistant à une scène dont je ne crois pas qu’elle ait été rapportée publiquement jusqu’alors. Nous sommes le 26 novembre 2006. Alors qu’elle vient de battre à plate couture Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn à l’occasion de la primaire interne organisée par le Parti socialiste dans la perspective de la présidentielle qui l’opposera à Nicolas Sarkozy quelques mois plus tard, Ségolène Royal doit prononcer un discours à la Maison de la Mutualité à Paris devant un parterre de dirigeants et cadres socialistes.

Engagé dans la Ségosphère, le mouvement de jeunesse lancé par son fils aîné, Thomas Hollande, je participe dans la matinée à la préparation de la mythique salle parisienne. Alors que nous nous apprêtons à décharger une fourgonnette remplie de drapeaux tricolores, débarque, furieux, Stéphane Le Foll, alors directeur de cabinet de François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste. Du haut de sa carrure de rugbyman et fort de l’autorité que lui confère sa fonction, il intime l’ordre aux jeunes militants que nous sommes de ne pas sortir les drapeaux tricolores, précisant : « Il y a assez de drapeaux dans la salle, on ne va pas en rajouter, on n’est pas chez Jean-Marie Le Pen ici. » Bien sûr, sur le moment, j’obtempère. Je n’ai d’ailleurs pas d’autre choix. Mais, en mon for intérieur, je ne peux m’empêcher de trouver cette situation absurde.

Extrait du livre de Amine El Khatmi, « Cynisme, dérives et trahisons Comment Macron et Mélenchon sont devenus les marchepieds du RN ! », publié aux éditions Harper Collins

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