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L'Europe crée des emplois comme jamais depuis 9 ans. La France, elle, passe largement à côté de l'occasion. Merci qui ?
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Bonnet d’âne

D'après l'institut Markit, la croissance de l'emploi au sein de la zone euro atteint son plus haut de 9 ans. Si la France profite de la vague montante en Europe, elle est loin d'en être l'initiatrice.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi est économiste, directeur général du think-tank GenerationLibre.

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Atlantico : Selon l'Institut Markit, dont la baromètre a été publié ce 24 janvier la situation économique de la zone euro est en nette voie d'amélioration "La croissance de l’emploi atteint un plus haut de 9 ans en janvier, les entreprises signalant une conjoncture favorable dans la zone euro en ce début d’année". Par contre, l'institut constate également que l'activité en France serait "inférieure à la moyenne européenne". Que signifie cette divergence ? 

Maxime Sbaihi : Les enquêtes Markit PMI sont des enquêtes conjoncturelles qui fournissent de précieuses indications sur l'activité économique, bien avant les chiffres officiels du PIB qui généralement confirment leur signal. Cela en fait des indicateurs avancés particulièrement suivis par les économistes. Depuis 2012, l'indicateur français est inférieur à celui de l'Allemagne qui tend à tirer vers le haut celui de la zone euro. Cela traduit donc un rythme de croissance de l'activité inférieur en France que dans le reste de l'union monétaire, même s'il existe de fortes différences nationales derrière cette moyenne.

Nicolas Goetzmann :Cette divergence permet de mettre en évidence le cœur de la reprise. Lorsque le gouvernement français se félicite de la reprise actuelle en en revendiquant la paternité, il existe un problème de simple logique. Si les actions de politique économique française étaient la cause de la reprise, il serait quand même difficile d'expliquer, et de comprendre, pourquoi la reprise européenne est plus forte que celle de la France. A l'inverse, si l'on justifie la reprise européenne par l'action de la BCE, qui est devenue moins stricte à partir de 2015 qu'elle ne l'a été par le passé, le schéma est plus logique. La BCE tire l'ensemble des pays européens vers le haut, et chaque pays affiche des résultats qui lui sont propres au gré des actions des gouvernements nationaux. Dans ce schéma-là, on comprend assez vite que le gouvernement français a plus été un poids qu'un moteur.

Comment interpréter l'action du gouvernement au regard des ces résultats ?

Maxime Sbaihi : Il est difficile de juger l'action gouvernementale a partir d'une simple enquête conjoncturelle mensuelle. Néanmoins, les nombreux détails fournis par ces enquêtes (prix, emploi, commandes, inventaires, etc.) au fil des mois permettent de constater que la composante emploi a mis beaucoup plus de temps à se reprendre que dans d'autres pays membres de la zone euro. Ce n'est que depuis quelques mois que l'on observe un redressement, et celui-ci doit encore être confirmé. Cela souligne un constat partagé: l'économie française est en croissance mais ce rythme est faible, très faible, trop faible pour améliorer la situation sur le marché du travail. L'embellie des derniers mois reste timide et tardive.

Nicolas Goetzmann : Au début du quinquennat, le gouvernement a choisi la voie de l'austérité fiscale, en relevant les niveaux d'imposition de la population. Le résultat a été conforme aux attentes, c’est-à-dire une rechute de l'activité et un accroissement du niveau de chômage. Puis, dans un second temps, le gouvernement a préféré stabiliser les dépenses publiques tout en baissant les charges qui pesaient sur les entreprises. Cela ne correspondait absolument pas aux besoins de la situation macroéconomique, mais au moins, cela ne faisait pas réellement de mal à l'économie, ce qui avait été pourtant le cas lors de la période de l'austérité fiscale. Le quinquennat s'est donc divisé en deux périodes, la première a été un repoussoir pour le retour de la croissance et le second a simplement été neutre. Il est donc difficile de s'en féliciter.

Dès lors, quelles sont les causes de la reprise européenne ?

Maxime Sbaihi : La reprise européenne est avant tout intérieure. C'est surtout la consommation des ménages qui tire la croissance. La faible inflation et un pétrole à des niveaux historiquement bas ont permis des gains de pouvoir d'achat que les ménages ont décidé de consommer. Ces effets devraient s'estomper en 2017 avec la remontée progressive de l'inflation, mais la baisse continue du chômage dans la région (il est passé de 12.1% en juin 2013 à 9.8% en Novembre 2016) pourrait prendre le relais. C'est forcément moins vrai pour la France. Derrière tout cela il y a aussi bien sur une Banque Centrale Européenne qui mène une politique monétaire ultra-accommodante afin de soutenir la reprise. Les taux historiquement bas et les achats d'obligations par la banque centrale rendent le crédit très abordable dans la région, pour les ménages, les entreprises et même les états.

Nicolas Goetzmann : La BCE procède à une opération de rachat d'actifs à hauteur de 80 milliards d'euros par mois, ce qui a pour but de permettre un rehaussement des anticipations de croissance et d'inflation au sein de la zone euro, c’est-à-dire de la demande. C'est grâce à ces opérations que les États-Unis ont créé 15 millions d'emplois lors des 7 dernières années, que le Royaume Uni a créé 2 millions d'emplois depuis 2012, et c'est ce que la BCE fait depuis le début de l'année 2015. On peut très bien considérer que la BCE en fait trop peu, et trop tard, mais il est difficile de contester les résultats obtenus. Comme le dit Mario Draghi, l'assouplissement de la politique monétaire européenne a permis la création de 4.5 millions d'emplois au cours des 3 dernières années au sein de la zone euro. Il n'est pas vraiment utile de comparer cela aux effets de la loi El Khomri (en réalité Macron 2), ce serait grotesque, même si l'intérêt médiatique s'est plus concentré sur ce point que sur l'orientation monétaire européenne.

Au dela des différents programmes présidentiels, qui, traditionnellement, sont plutôt ancrés dans une stratégie microéconomique, quel serait l'axe macroéconomique le plus pertinent à poursuivre dans la configuration actuelle ?

Maxime Sbaihi : L'économie française marche actuellement en-dessous de son potentiel. La croissance des dernières années n'a pas vraiment permis de combler cet écart, on le voit bien avec un taux de chômage à un niveau relativement élevé et qui ne bouge pas vraiment. L'impératif économique, et bien sûr politique, est de mettre tout en œuvre pour le réduire. Au niveau macro-économique cela demande une politique budgétaire plus adaptée à court terme, ainsi que des efforts ciblés et forts pour libérer l'activité des entreprises. La France bénéficie d'un environnement régional favorable mais compter uniquement sur la conjoncture des autres ne suffit pas, elle doit aussi y mettre du sien.

Nicolas Goetzmann : La direction enclenchée par Mario Draghi est la bonne. Il faut poursuivre et amplifier le mouvement, ce qui peut être possible en réorientant le mandat de la BCE vers un objectif plus ambitieux que celui d'une inflation "inférieure mais proche de 2%". Un objectif de PIB nominal pourrait être utile à cette fin, ce qui permettrait d'en finir avec les erreurs à répétition, qui sont les conséquences des faux signaux adressés par les chiffres de l'inflation. Sur cette base, la BCE a commis une erreur magistrale en 2008, mais encore en 2011, et l'Allemagne fait tout ce qu'elle peut pour que cette erreur soit répétée en 2017. Heureusement, Mario Draghi ne tombe pas dans le piège, mais il pourrait y être contraint de façon statutaire si l'inflation anticipée venait à se rapprocher de ce seuil de 2%. Un changement de mandat serait donc salutaire. Si tel était le cas, un nouveau gouvernement pourrait marquer son soutien par une relance budgétaire mesurée, dans les infrastructures par exemple. Ce qui pourrait jouer le rôle d'une courroie de transmission pour l'investissement privé ; et ainsi permettre de remettre le pays sur les rails de sa croissance potentielle. En dehors de cela, et en raison de la totale prépondérance de la politique monétaire sur la question du chômage, il n'y aurait pas beaucoup d'autres choses à mettre en place. 

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