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L’Etat islamique, l’empire du mal qui se nourrissait des velléités occidentales de création d’un empire du bien
©Reuters

Occi-califoutraques

Au delà de la vocifération quotidienne, de quoi le djihadisme est-il le nom ? Après les catastrophes du XXe siècles, l'Occident a voulu construire l'empire du Bien en chassant des esprits toute la négativité de l'homme : il a logiquement créé de l'autre coté du miroir l'empire du Mal, qui s’est nourri de toute cette négativité refoulée.

Le Scribe

Le Scribe

Le Scribe est une conscience libre d’une trentaine d’année, qui a jeté sa télévision. Banquier, artiste, et féru de philosophie politique, le Scribe raconte notre monde au delà du bourdonnement médiatique, en s’attachant à discerner les forces qui le travaillent en profondeur.

Il tient un blog : http://le-scribe.hautetfort.com/

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Article publié initialement sur le blog du Scribe

Au delà de la vocifération quotidienne, de quoi le djihadisme est-il le nom ?

Dans le dialogue de Platon « Timée ou de la Nature », Socrate explique que l'univers, comme l’âme, sont fait du mélange des deux éléments primordiaux et contraires que sont le Même et l'Autre. Le Même est l’élément immuable, le modèle, toujours semblable à lui-même, c’est l’Un, indépassable car contenant tout, éternel donc; c’est l’élément invariant. L’Autre, c’est l’élément instable, sans cesse différent, multiple, évoluant avec le temps, s’altérant, mourant et renaissant, conjoncturel;  c’est l'élément changeant.

Depuis la fin de ses certitudes (« Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles » Paul Valéry, 1919) définitivement enterrées par les deux guerres mondiales, l'Occident déboussolé s'est jeté à corps perdu dans le culte de l'Autre, identifiant l'amour de soi-même, de sa propre culture, de ses croyances, de ses racines, de sa terre, bref l'élément du Même comme le grand coupable de ses dérives, et l'excluant définitivement du champ mental autorisé. L'ouverture, en tant que telle, est devenue valeur. Notre histoire récente offre ainsi ce trompe-l’œil d'un monde s'occidentalisant à mesure d'un Occident se vidant de lui-même.

Accompagnant la mondialisation économique, cette interdiction morale faite à l'homme de s'aimer lui-même pour ce qu'il est et d’aimer ce à quoi il est semblable, qu'on appelle parfois la "haine de soi", s'est progressivement étendue à tout le globe, générant une frustration encore plus forte au sein des sociétés traditionnelles ayant une haute estime d'elles-mêmes. Déclaré incompatible avec nos sociétés ouvertes, le sentiment humain naturel de fierté s'est trouvé comme rejeté du monde civilisé, et a trouvé progressivement refuge chez ceux qui depuis longtemps ruminaient leur humiliation d'avoir été relayé à arrière-ban de l'Histoire par l'Occident : le Monde Arabe.

Celui-ci, las de voir le train de la modernité lui passer sous le nez, a trouvé dans cette contre-valeur devenue ennemie de l'Occident une sorte d'alliée objective. Mais en la nourrissant de son ressentiment, il en a également été le catalyseur, transformant une frustration mondiale diffuse en une idéologie revancharde anti-occidentale et fasciste, dont l'Islam n'est que l'alibi.

Les guerres post-2001 menés par l'Occident américanisé ont achevé de remplir ce chaudron duquel, tel celui de Taram dans l'excellent et très symbolique dessin animé de Disney (1985), devront surgir les légions de l'apocalypse. Le radicalisme islamique et son État sont la marmite de l'occident, tout ce sur quoi nous avons mis le couvercle et qui bout tranquillement en attendant son heure. Le djihadisme du XXIe siècle n'est rien d'autre que le négatif de notre société occidentale d'essence chrétienne aussi mondialisée qu'hémiplégique, qui a renié toute transcendance, toute foi en elle-même comme en ce qui la dépasse.

Nous sommes sur Terre, un tout contenant tout. Tous les hommes et tout de l'Homme. On ne peut pas chasser le Noir des âmes et ne garder que le Blanc. Le Noir se réfugie toujours quelque part. On ne peut pas chasser l’idée de Fermeture et ne garder que celle d’Ouverture, chasser l'idée d'Identité et ne garder que celle d'Altérite, chasser le Mal et ne garder que le Bien, chasser le Même et ne garder que l'Autre. Après les catastrophes du XXe siècles, nous avons voulu construire l'empire du Bien (cf. livre éponyme de Philippe Murray) en chassant des esprits toute la négativité de l'homme; et nous avons logiquement créé de l'autre coté du miroir l'empire du Mal, qui s’est nourri de toute cette négativité refoulée.

Nous avons créé deux monstres, deux caricatures de l'Homme, deux visages faux. Nous avons divisé l'homme contre lui même. La vérité c'est que l'homme est bon ET mauvais, égoïste ET altruiste, doux ET violent, clanique ET universel, fraternel ET tyrannique, enraciné ET migrateur, libertaire ET religieux, ouvert ET fermé, comique ET tragique, belliqueux ET pacifiste, conservateur ET novateur, Même ET Autre. L'humanité est espérance ET désespérance, matière ET transcendance, construction ET destruction, vie ET mort.

C'est tout l'objet et l'intérêt de la vie que de sans cesse cheminer entre ces contradictions insolubles, la vérité de chacun étant l’endroit où il place le curseur, le chenal par lequel il mène sa barque entre ces bouées que sont ces fameux "couples de contraires" tels que les désignent la spiritualité indouiste dans La Bhagavad-Gîtâ. La vie humaine est la quête incessante du juste milieu, unique à chacun.

L’État Islamique existe parce que l'Occident existe. Que nous disent ces hommes sur nous-mêmes? Chaque civilisation crée ses barbares, ses terroristes. Le barbare est celui qui ne croit pas au système, c’est à dire qui ne croit pas le système nécessaire à sa vie, à la vie. Et qui par sa simple existence le prouve, et met donc en question le système. Le remise en question représente toujours un danger pour l'ordre établi et les intérêts en place, mais constitue la seule voix de salut pour la société dans son ensemble.

Ce que crie cette éruption volcanique qu'est l'Islam radical à la face hébétée de notre humanité consumériste et sans âme, n'est rien d'autre que la chose suivante: "cessons de réduire l'homme à ses besoins matériels et à sa fonction économique utilitaire, reconnaissons qu'il est tout autant, si ne n'est plus, un être de croyance et de transcendance qui a surtout besoin de donner un sens a sa vie".

Réconcilions-nous avec nous-mêmes.

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