L'emploi reste solide alors que la croissance ne donne aucun signe de reprise. C’est le mystère économique de l’année 2024<!-- --> | Atlantico.fr
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Des employés sur le site d'une usine Renault.
Des employés sur le site d'une usine Renault.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Ce paradoxe a mis tous les économistes officiels en émoi, et la classe politique n'a pas été capable de l'expliquer. Et pour cause, ce phénomène prouve qu'ils n'ont cessé de se tromper sur les véritables moteurs de l'activité.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les keynésiens, cette secte qui règne sur les politiques socio-démocrates depuis un demi-siècle, vont peut-être commencer à raser les murs. Les chiffres statistiques sur l'économie française qui ont été publiés cette semaine les plongent dans l'expectative, car ils ne les comprennent pas. Et, phénomène grave encore, ils prouvent que les prescriptions qu'ils formulent pour réanimer l'activité sont à côté de la plaque.

Toutes les préconisations actuelles pour redresser l'économie tournent autour de deux outils : les taux d'intérêt et une relance de la demande, ce qui va de pair :

-Les taux d'intérêt, il faut nécessairement qu'ils baissent, car s'ils baissent, les emprunts seront plus faciles, donc on pourra investir et même emprunter pour consommer (immobilier et automobile).

-Quant à la relance de la demande, elle permet de réactiver la grande consommation, donc les achats, donc les productions, donc l'emploi. Cela passe par une hausse des revenus distribués (salaires), cela passe par les revenus de redistribution (modèle social). Nous sommes là dans le b.a.-ba de la politique de Keynes, qui fonctionne en période de crise conjoncturelle, en bas de cycle.

C’est exactement ce qui s’est passé pendant le COVID avec le "quoi qu’il en coûte", qui a permis un redémarrage violent de l'économie et un calme social relatif. Ce modèle fonctionne à court terme.

À plus long terme, il aurait fallu revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire un retour au calme sur les déficits, les dettes publiques et même sur les dépenses sociales. Mais on sait très bien ce qui s’est passé. Dès que le ministre de l'Économie a annoncé la fin du "quoi qu'il en coûte", la classe politique toute entière s’est mise à cibler cette suspicion de politique d'austérité et de rigueur insupportable.

Le résultat est qu’aujourd’hui, on a une élite politique qui considère que la France est au bord de la faillite, mais qui refuse catégoriquement d’accepter des réductions de dépenses publiques et sociales. Classique ! Ils pensent tous ( y compris le président de la République ) que la croissance va revenir et qu’au final, on retrouvera des recettes fiscales qui permettront d’amortir l'endettement. Keynes, une fois de plus, a très bien résumé cette logique dans la Théorie générale qui remonte à 1936… Et depuis, on use et on abuse de ce logiciel. Ça a merveilleusement bien marché pendant les Trente Glorieuses…

Beaucoup moins bien à partir des années 1980, car on a changé de paradigme, la croissance s’est tassée sur le long terme. On est passé d'un rythme annuel supérieur à 5 % à une moyenne de croissance inférieure à 3 %. Mais on a continué à distribuer de l'argent en protégeant les modèles sociaux, mais comme on n'avait pas cet argent, on a commencé à emprunter.

Les chiffres publiés cette semaine prouvent que toute l'élite économique et politique biberonnée et imbibée de keynésianisme s’est "fourvoyée" sans vouloir le reconnaître, d’où le mystère qui entoure les forces macroéconomiques. Ces forces de la macroéconomie montrent :

-un, que l'emploi se tient bien avec des tensions très fortes dans certains secteurs ;

-deux, que la croissance patine. L'économie française ne donne pas les signes de reprise du cycle. Pour les économistes normalement éduqués, ces chiffres sont contradictoires ou faux, donc ils ne vont pas perdre leur temps à les éplucher. Parce que pour eux, si la croissance est faible, l'emploi devrait reculer. Et puisque la croissance est faible, si l'économie ne fonctionne pas, il faut la soutenir.

L'erreur d’analyse qui est faite est très simple. Comme Keynes l’a dit et écrit, ils considèrent que l'emploi est un effet résultant direct de la croissance. Les chiffres d'aujourd'hui ne nous disent pas cela. Si l'emploi se tient bien (alors que la croissance est faible), c’est parce que nous avons une pénurie de main-d’œuvre en quantité et surtout en qualité. Les intentions et les prévisions d’embauche sont bonnes dans des secteurs très particuliers pour lesquels on n’a pas les salariés (dans la restauration, le digital, la logistique, etc.). Les salaires qui ont augmenté n’y font rien, puisque les salariés attirés et formés ne sont pas présents.

La croissance soutenue par la demande a été un facteur de création d'emplois. Mais aujourd'hui, c’est fini, c’est l’offre d’emploi qui alimente la croissance. Les entreprises sont freinées par le manque de main-d’œuvre, le manque d’initiative et d’innovation. C’est un problème de démographie, mais c’est aussi un problème de formation et d’appétence au travail. L'envie de travailler s’est émoussée. Le télétravail, les 35 heures, la semaine de 4 jours ne facilitent pas la croissance des créations de richesses par le travail.

Le diagnostic de la situation française décrit un système bloqué par le manque de souplesse, de liberté, le manque d'oxygène, d'innovation. C'est tellement vrai d’ailleurs que la population française bat des records d'épargne (19 %) et un stock qui dépasse les 6000 milliards, ce qui mesure le niveau d’inquiétude.

Conclusion, les moteurs keynésiens de la croissance ne fonctionnent plus (les dépenses de redistribution, les injections d'argent public et de monnaie, etc.).

La croissance ne tombera pas du ciel comme par miracle. La croissance ne peut revenir que par l'innovation, le travail et la liberté d'entreprendre. Mais tous ces moteurs ne sont pas dans l'ADN des sociétés socio-démocrates que sont les nôtres. Ce n’est pas la croissance qui crée l'emploi, c’est l'emploi et le travail qui génèrent de la croissance.

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