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Hollande à Moscou : qu'aurions-nous à gagner d’un rapprochement avec la Russie ?
©Reuters

Na Zdorovie !!!

Le Président Hollande, accompagné de plusieurs chefs d'entreprises, rencontre ce jeudi Vladimir Poutine. Un évènement qui semble révéler un adoucissement des relations entre Paris et Moscou alors que les deux capitales souhaitent renforcer leurs partenariats, commerciaux comme diplomatiques.

Arnaud Dubien

Arnaud Dubien

Arnaud Dubien est directeur de l'Observatoire Franco-Russe (Moscou)

Diplômé de l’INALCO et de l’IEP de Paris, il a notamment travaillé comme chercheur à l’IRIS et a dirigé plusieurs publications spécialisées sur l’espace post-soviétique. Il est membre du Club de Valdaï.

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Atlantico : Un conseilleur de l'Elysée a récemment avoué que la visite du chef de l'Etat à Moscou devrait se faire sous le signe du "consensus". Quel intérêt peut avoir la France dans l'amélioration de ses relations avec la Russie ?

Arnaud Dubien : L'intérêt est autant politique qu'économique :

  • On peut dire tout d'abord  que la Russie est un pays crucial dans la gestion des équilibres géostratégiques, les questions de sécurité et le règlement de crises régionales. On peut ainsi citer la question syrienne mais également l’Afghanistan, le Mali ou l’Iran. Bien qu'elle ne soit plus la grande puissance qu’elle était à l’époque de la Guerre Froide, la Russie reste un pays qui compte sur la scène internationale et avec lequel une bonne entente est souhaitable. En d'autres termes, Moscou n'est pas un allié mais peut-être un partenaire. 
  • Pour ce qui est des intérêts économiques ils sont particulièrement évidents : la Russie est en effet l'un des rares pays émergents où la France accroît ses parts de marché. Notre industrie exporte en Russie des produits de haute-technologie dans les transports, l'informatique, le secteur énergétique, les produits pharmaceutiques, la banque ou encore l'automobile. Il s'agit d'un marché extrêmement intéressant pour les grands groupes hexagonaux et François Hollande est évidemment au fait de cela (on trouve ainsi dans la délégation présidentielle les dirigeants d'Arianespace, d'Astrium, d'Airbus, ou encore de la SNCF, ndlr). 

La Russie a pu générer des tensions en Europe en tentant de reconstituer sa sphère d'influence traditionnelle, notamment dans les pays de l'ex-URSS. La France peut-elle jouer un rôle dans cette nouvelle bipolarisation du continent ?

Il faudrait affirmer tout d'abord que cette bipolarisation n'a pas grand rapport avec les antagonismes qui ont marqué la Guerre Froide. La Russie a un projet d'intégration régionale qui consiste à fédérer autour d'elle certaines anciennes républiques soviétiques (comme l'Ukraine, NDLR) pour les inclure dans une union douanière à laquelle appartiennent déjà la Biélorussie et le Kazakhstan. Il y a bien évidemment une similitude avec le projet européen tel qu'il a été porté dans les années 1950-1960. Dans ce contexte la France peut justement, et je l'espère, éviter que l'Europe ne se déchire à nouveau en usant de son poids au sein de l'Union Européenne. Lorsque l'on jette un regard lucide sur l'évolution des rapports de force mondiaux on se rend compte que l'UE et la Russie ont tout intérêt à renforcer leurs convergences, que ce soit sur le plan économique ou diplomatique. Il existe certes des différends ancrés dans l'Histoire, des divergences sur les valeurs, qui sont des obstacles de taille mais cela doit être mis en rapport avec les nouvelles donnes géopolitiques auxquelles nous sommes en train d'assister. 

La question des Droits de L'Homme semble être un sujet de friction récurrent entre Moscou et les puissances occidentales. Cette position peut-elle évoluer avec la visite du Président français ?

Je commencerai par dire qu'aborder ce sujet est parfaitement justifiable et justifiée. François Mitterrand était déjà monté au créneau dans les années 1980 dans un contexte alors bien plus tendu pour s'imposer dans l'affaire Andrei Sakharov. Il faudrait cependant dissocier l'intention, louable en soi, de la manière de faire : les Russes sont relativement prêts à discuter de tout tant que l'on adopte pas une posture moralisatrice. Tant que la France reste dans son rôle et qu'elle discute du phénomène en privé la question reste ouverte. Je trouve d'ailleurs que Paris a une position plutôt équilibrée sur ce point et l'on peut dire que le pragmatisme est de mise entre les deux pays. 

La France occupe-t-elle une place privilégiée dans l'opinion russe en comparaison avec les autres pays occidentaux ?

On peut bien dire que notre pays occupe une place à part en Russie, que ce soit chez les élites ou au sein de la population d'ailleurs. Il y a en effet un a-priori bienveillant - bien que ce phénomène ne se retrouve pas forcément chez les Français - et ce pour plusieurs raisons. La culture française, l'histoire de notre pays sont populaires depuis longtemps dans l'imaginaire russe. Il y a aussi un certain respect pour notre diplomatie qui se veut indépendante, ce qui reste une relative exception sur la scène internationale. L'illustration de cette véritable confiance à notre égard se voit dans la coopération dans des domaines ultra-sensibles comme l'armement ou les technologies spatiales. Cela s'inscrit totalement dans la continuité des relations franco-russes, au delà des clivages politiques, et ce depuis De Gaulle. 

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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