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Gérard Collomb prétend incarner la gauche réformiste… le bilan de sa coalition municipale ne plaide pas en sa faveur
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Droit d'inventaire

Aux yeux de la droite lyonnaise, c’est une chose pour le maire d'incarner la gauche moderne dans les hebdos parisiens, c'en est une autre de gouverner localement avec les Verts et les Communistes.

Édouard  Josse

Édouard Josse

Édouard Josse est étudiant à Sciences-Po Lyon et est engagé au sein de l'équipe de Michel Havard, candidat UMP à la mairie de Lyon.

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Chaque jour qui passe en France souligne un peu plus les divergences en matière de ligne politique au sein du gouvernement socialiste et de sa majorité parlementaire. François Hollande semble toujours vouloir se comporter en bon premier secrétaire, multipliant les « arbitrages » entre les courants du PS et de ses alliés, pour en définitive aboutir à une « synthèse » qui ne veut à l’évidence rien dire. Si la solidarité gouvernementale est rarement au rendez-vous, c’est d’abord parce qu’on cherche toujours la moindre cohérence à l’agenda des réformes. Personne n’a encore jamais réussi à concilier les contraires et on voit mal comment il pourrait en être autrement.

Comme l’a théorisé le politologue Dominique Reynié, la gauche est condamnée à renier de plus en plus ses propres valeurs, acculée face à la crise de l’État-Providence, la nécessité de synchroniser l’économie française dans la mondialisation à travers la bataille pour la compétitivité, mais aussi devant la nouvelle défense de l’identité nationale menacée par le multiculturalisme. La réduction du périmètre de l’État est incontestablement une idée de droite, héritée d’une tradition libérale totalement étrangère au PS et jadis à la SFIO. La gauche, emprisonnée dans ses contradictions historiques, tente de donner des gages à certaines clientèles électorales, des « marqueurs de gauche » comme l’on dit rue de Solférino, pour retarder les conséquences politiques et électorales de son passage au pouvoir.

La gauche française se raccroche depuis longtemps à l’anachronisme romantique du socialisme révolutionnaire. Cette tradition communarde, ce jacobinisme, et bien sûr cette soumission intellectuelle au marxisme, restent largement ancrés au cœur du logiciel idéologique des socialistes français. Le PS est aujourd’hui un parti profondément archaïque en contradiction absolue avec le réel et le monde de demain.

François Hollande n’a pas l’ambition de réformer la France, mais encore moins la gauche ! Il sacrifie volontiers la cohérence gouvernementale à la tactique politicienne et partisane, en faisant plaisir régulièrement à « la gauche de la gauche » extrêmement puissante au sein de l’appareil. Le système médiatique français, dont on connaît la complaisance à l’égard de l’histoire politique du socialisme et du communisme, permet au PS de s’allier sans même sourciller avec l’extrême-gauche révolutionnaire et anticapitaliste.

À contre-courant des travaillistes en Grande-Bretagne – historiquement attachés au syndicalisme mais ayant toujours refusé le marxisme – et des sociaux-démocrates allemands qui ont rompu avec le marxisme à la fin des années 1950, les socialistes français en conservent d’abord le nom et se complaisent dans un authentique gauchisme. Pourtant, dès 1959 en Allemagne, le SPD s’accommode de l’économie de marché, qu’il veut néanmoins étatiser dans une certaine mesure. Si le SPD se heurte aujourd’hui à l’échec des théories keynésiennes et à la faillite programmée de l’État-Providence en Europe, il continue en 2013 à rejeter toute alliance nationale avec les néo-communistes de Die Linke, l’équivalent de notre Front de Gauche.

L’histoire du PS est tout autre. Héritier de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), il faut se rappeler que ce parti s’est refondé en 1971 sur la rupture avec le capitalisme. Aujourd’hui, les socialistes ont d’une certaine manière remplacé l’anticapitalisme par l’antilibéralisme, à travers les courants portés par Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon, mais il y a toujours l’idée sous-jacente que les entrepreneurs exploitent les salariés avant même d’être des créateurs d’emplois. Le PS envisage toujours la société et l’économie par le prisme de la lutte des classes, alors même que les limites de cette vision ont été admises par les plus grands intellectuels de gauche dès le début du XXème siècle ! On pense notamment à Édouard Bernstein qui a relevé les contradictions inhérentes à l’œuvre de Marx et Engels. Le retard du PS sur le réel se compte donc en décennies voire en siècles.

Depuis l’accession au pouvoir de François Hollande, le grand débat médiatique à propos de la gauche se situe autour de la question d’une supposée « droitisation » du PS. C’est en tout cas l’argument de la gauche anticapitaliste menée notamment par Jean-Luc Mélenchon, qui si elle ne dénonce pas encore un « gouvernement bourgeois », condamne tout de même la ligne supposément « libérale » de M. Hollande.

À dire vrai, certains à gauche tentent de se démarquer de cette idéologie surannée, sentant bien que la rhétorique marxiste commence à perdre en actualité. C’est le cas de Manuel Valls qui regrettait que les primaires socialistes soient un concours de la proposition la plus « dirigiste » et souhaitait rebaptiser le PS considérant que le mot « socialisme » s’était éteint. Idem pour ce cher Gérard Collomb, sénateur-maire socialiste, élu depuis 1977 au conseil municipal de Lyon, qui appelle le gouvernement à se revendiquer « social-réformiste ». Comment ne pas évoquer aussi Pierre Moscovici prônant la libération du PS vis-à-vis de son « surmoi marxiste » ?

Tous ces leaders appartiennent au gouvernement de Jean-Marc Ayrault ou font partie des plus hautes instances du Parti socialiste, ils défendent les projets de loi successifs devant le Parlement et les votent sans le moindre état d’âme « social-réformiste ». Un social-réformiste peut donc parfaitement voter les budgets 2013 et 2014 concoctés par la gauche, approuver le matraquage fiscal des entreprises et des familles, et accepter qu’on ne réduise pas effectivement les dépenses publiques. Il peut se réclamer du même parti qu’Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann ou encore Gérard Filoche. Le social-réformiste peut siéger au sein du conseil national du PS où tous les apparatchiks rallient allègrement les thèses de la gauche anticapitaliste. Le social-réformiste peut enfin passer des accords électoraux avec l’extrême-gauche, accepter que ses camarades défilent avec des groupuscules violents dits « antifas» ou rendent hommage à des leaders étrangers plus que suspects. À l’inverse de l’homme politique de gauche britannique ou allemand, le social-réformiste français accepte volontiers les soutiens et les voix extrémistes pour se faire élire, et n’oublie jamais de leur renvoyer l’ascenseur. Ainsi, à Lyon, le maire sortant Gérard Collomb, qui n’a pas toujours été un social-réformiste revendiqué, est entouré par pas moins de trois adjoints communistes. Il est donc loin d’être un « anti-communiste viscéral » comme l’avance le vindicatif Jean-Luc Mélenchon.

Gérard Collomb, qui vient de lancer son courant au sein du PS, ne peut prétendre à incarner ce réformisme. En façade, la gauche plurielle semble d’ailleurs avoir fait son temps dans la capitale des Gaules. Au fil des déclarations des uns et des autres, les divergences entre partisans de la ligne Collomb et les ex-alliés écolo-communistes apparaissent comme irréconciliables. Et pourtant, la désunion de la gauche est loin d’arranger le maire sortant qui ne peut se permettre de faire l’impasse sur l’électorat d’extrême-gauche, résiduel, mais à l’importance stratégique dans la gestion de certains arrondissements. Le Parti communiste lyonnais a voté vendredi son autonomie envers Gérard Collomb et son alliance avec le Front de gauche, alors que l’écrasante majorité des élus était favorable à l'alliance. Jean-Luc Mélenchon avait d’ailleurs exprimé ses « pires inquiétudes » quant à cette consultation interne, jugeant le vote des communistes parisiens comme étant « un encouragement à tous les poltrons de France et de Navarre. »

Alors que la justice administrative vient d’annuler l’attribution à Dalkia du marché public du chauffage urbain, affaire rocambolesque qui vire au cauchemar pour Gérard Collomb, il en avait profité pour soigner sa gauche. Passablement énervé par ce mauvais coup du secteur privé, l’édile de Lyon et accessoirement président de la communauté urbaine prévient : « Les grands groupes sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. La tendance dominante, ce n’est pas la délégation de service public, mais de revenir aux régies publiques. » Une façon aussi, à six mois des municipales, de ramener à lui l’extrême-gauche qui peste contre sa politique de « privatisation ». Le réformisme de Gérard Collomb atteint donc rapidement ses limites. La pression fiscale, la pluie ininterrompue des subventions et les dépenses somptuaires en attestent tristement depuis douze ans.

La gauche « réformiste » n’existe en fait pas encore, c’est une projection du mouvement dextrogyre qui anime la recomposition de l’échiquier politique français. Puisque les faits donnent raison à la droite libérale depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement du communisme, nous allons assister au basculement du centre-droit vers le centre-gauche, et ce réformisme positionné à gauche sera à terme naturellement porté par un François Bayrou ou un Jean-Louis Borloo. En définitive, le Parti socialiste a vocation à devenir un parti d’extrême-gauche, non plus seulement dans le cadre des politiques qu’il mène mais également dans la représentation intellectuelle qu’on se fait des forces politiques en France.

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