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Gérald Darmanin, meilleur atout politique pour Emmanuel Macron que Edouard Philippe ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Botte secrète

Si Edouard Philippe semble décisif dans le dispositif LREM pour rabattre les opposants de droite, Gérald Darmanin semble avoir bien compris que le parti du Président ne peut pas exister sans véritable soutien populaire du mouvement.

David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico : Depuis les élections européennes, LaREM semble profiter de sa dynamique pour tenter de consolider voire développer son positionnement au centre-droit et à droite. Le Premier ministre, lui-même artisan de cette stratégie lors des élections législatives de 2017, s'est particulièrement attelé à cette tâche. Pour autant, son ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a tiré la sonette d'alarme en déclarant qu'il ne fallait pas tourner le dos aux classes populaires, au risque de créer un clivage sociologique important entre catégories aisées et populaires. Dans les faits, l'ancrage progressivement à droite de la majorité n'a-t-il pas déjà creusé ce clivage ?

David Nguyen : Il y a effectivement eu une "droitisation" de l'électorat du parti présidentiel au moment des élections européennes, mais cela s'est traduit davantage par un vieillissement qu'une aggravation du clivage social qui existait déjà en son sein. Rappelons d'abord qu'environ un quart des électeurs de François Fillon de 2017 a choisi la liste de Nathalie Loiseau, pendant qu'un quart des électeurs d'Emmanuel Macron de 2017 sont partis vers EELV et plus marginalement le PS. Comment cela s'est-il traduit sur le plan sociologique? Par un vieillissement spectaculaire : alors qu'en 2017, l'électorat En Marche était composé de 24% de personnes de plus de 65 ans, ce taux est passé à plus de 45% en mai 2019. De manière très révélatrice, la liste Loiseau a devancé celle de F-X. Bellamy de près de 20 points parmi les retraités, alors que F. Fillon avait réussi à garder l'avantage dans cette catégorie de la population en 2017. Là est la grande rupture dans la structure de l'électorat LREM suite aux élections européennes. Sur le plan social, LREM séduit certes bien plus de cadres (30%) que d'ouvriers (11%), mais cet écart était quasiment le même en 2017 (37% de cadres contre 15% d'ouvriers). Même si cet écart peut être considéré comme préoccupant, il ne s'est pas aggravé à l'occasion des européennes. 

Alors que le Premier ministre et nombre de membres de LaREM s'activent pour la conquête de Paris et des prochaines grandes villes aux municipales, l'avertissement de Gérald Darmanin qui plaide pour une "aile populaire" à son parti laisse entendre que la situation serait dangereuse pour le parti majoritaire aujourd'hui. Les clivages observés dans la crise des Gilets jaunes se sont-ils renforcés avec la dernière élection ? Le risque d'une polarisation sociologique lors de prochaines élections pèse-t-il sur le parti du Président ?

Gérald Darmanin a raison d'être inquiet. D'abord parce qu'on observe un décrochage de LREM dans toutes les catégories de la France du travail entre 2017 et 2019 : -7 chez les cadres, -4 chez les ouvriers et surtout -9 parmi les professions intermédiaires. Même si LREM gagne des points parmi les retraités (+5), le mouvement présidentiel ne peut pas ignorer ces déperditions parmi les actifs, surtout lorsque la valeur travail est au coeur de son discours politique. Le ministre des comptes publics est probablement également préoccupé par le score en très forte croissance du Rassemblement national auprès des ouvriers (47% contre 39% en 2017). Il y a bien une colère profonde parmi les catégories populaires dirigée contre le pouvoir actuel et qui s'est d'ailleurs déjà largement exprimée lors de la crise des gilets jaunes. Même si LREM a limité les dégâts lors des européennes, la situation sociale et politique reste explosive.  

Le ministre des Comptes publics a affirmé vouloir convaincre un tiers de l'électorat de Marine Le Pen de voter pour LaREM. Jusqu'à quel point cet objectif est-il envisageable ?

C'est un objectif ambitieux ! Si l'on s'en tient aux résultats des européennes 1% des électeurs de Marine Le Pen du 1er tour de la présidentielle de 2017 ont voté pour LREM. A priori ces deux électorats sont hermétiques, mais il ne faut jamais dire jamais en politique. Quelles pourraient être les pistes du parti présidentiel pour convaincre un tiers de l'électorat de Marine Le Pen sans renier son identité politique? Il faudra probablement montrer que les réformes engagées profitent bien au pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes de manière sonnante et trébuchante, que ces derniers ne sont pas les perdants de la transformation annoncée par Emmanuel Macron. Mais cette dimension économique ne suffira pas, il faudra aussi faire de la politique, accorder une attention particulière, des gestes, des mots spécifiques en direction de ces populations qui ont le sentiment de ne pas être prises en compte dans la définition des politiques publiques. Qu'il s'agisse de la présence des services publics dans les territoires ruraux, du prix du carburant ou encore de la capacité à avoir accès à des loisirs comme les vacances, les Français qui votent pour Marine Le Pen souhaitent sentir que le pouvoir se préoccupe de leur sort et qu'on cherche à lutter contre ce qu'ils vivent comme un déclassement. Aligner des mesures ne suffira pas à les convaincre, il faudra aussi les réhabiliter symboliquement comme des éléments centraux de la société française.  

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