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Etam lingerie défile en ligne : pourquoi le modèle Victoria's Secret fonctionne-t-il si bien ?
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Sur le modèle de Victoria's Secret, la marque Etam diffuse en direct ce soir à 21h son défilé de lingerie pour le printemps-été 2013.

Jean-Noël Kapferer

Jean-Noël Kapferer

Jean-Noël Kapferer est professeur à HEC et expert européen des marques

Il est l'auteur de Rumeurs : Le plus vieux média du monde (1987, rééd. 2010, Points), Luxe oblige (avec Vincent Bastien, Eyrolles, 2008) et vient de sortir Réinventer les marques ( Editions Eyrolles, 2013) dans lequel il consacre un chapitre aux personnages-marques, et analyse l'exemple de David Beckham.

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Atlantico : La marque de lingerie Etam propose son défilé en ligne aujourd’hui. Prenant exemple sur Victoria’s Secret, de plus en plus de marques proposent de suivre leur défilé en direct sur Internet.  La marque américaine a-t-elle créé un nouveau modèle ? 

Jean-Noël Kapferer : Victoria’s Secret est une marque premium et non une marque de luxe, qui fait avant tout son business via le shopping à distance. Une de leur stratégie de communication est de toucher les consommateurs via le net. Le luxe repose sur un modèle exclusion / inclusion : les magasins dans les lieux prestigieux servent à exclure, et Internet sert à inclure. Le désir du luxe se construit en étant connu de tous et accessible à peu de monde. Internet est une révolution car il permet d’augmenter l’inclusion. Internet a crée la marque média, ouverte 24h/24h et 365 jours par an. Les marques ne peuvent plus se contenter de proposer des produits, mais doivent créer des contenus qui circulent et qui créent l’actualité. Les marques de luxe deviennent des éditeurs de contenu spectaculaire, qui attirent l’attention. Permettre à tous de participer de l’intérieur des défilés est extraordinaire, qui participe à la stratégie d’inclusion. Avec le défilé en ligne, on voit mieux que si on assiste à un défilé au deuxième ou troisième rang. C’est la marque britannique Burberry qui a le premier lancé les défilés sur Internet. 

Quelles sont les mutations qui peuvent expliquer cet essor ? 

Tout est gouverné par l’Asie, qui  est en avance sur tous les pays occidentaux sur l’intégration d’Internet comme mode privilégié de relation au monde. Le marché du luxe en Asie est beaucoup plus jeune que le nôtre : ce sont tous des «digital natives», alors que le modèle français est plutôt celui de Bernard Arnault. Les nouvelles cibles des marques se trouvent donc sur Internet, en même temps que de créer des magasins spectaculaires, selon le modèle d’inclusion / d’exclusion des marques, avec des mécanismes de rareté artificielle, comme Burberry l’a développé. 

Quel est le public visé par cette nouvelle stratégie de présentation des collections ? 

Ce sont essentiellement les jeunes qui commencent à travailler, avec un salaire d' environ 3000 euros par mois, qui ne paient pas encore d'impôts, et qui vivent encore chez leurs parents. Ils ont donc un énorme potentiel d’argent disponible.

Quels sont les intérêts financiers et communicationnels pour les marques à organiser la diffusion du défilé en ligne ? 

Les marques aujourd’hui doivent être des éditeurs de contenu : au lieu de garder le défilé pour 200 invités, on le diffuse à des millions de personnes via Internet. Le mécanisme du luxe est le rêve, qui s’entretient par des images : il faut entretenir le rêve. Et trois fois par an, New-York, Paris et Milan entretiennent le rêve. Avec une vision de l’intérieur, on peut voir le tour du modèle, zoomer. Internet devient une hyper réalité qui magnifie l’objet. 

En ce qui concerne les intérêts financiers, plus le rêve augmente plus le prix peut augmenter : le luxe est dans une logique d’augmentation systématique des prix. Ceux qui baissent les prix, comme le joaillier Mauboussin, ne sont plus dans le luxe. C’est une autre logique. On ne fait pas rêver en baissant les prix.

Le fait de passer d’un évènement privé réservé à la presse et aux acheteurs à un évènement public permet-il une réelle démocratisation de la mode ?

On ne passe pas d’un évènement privé à un évènement public. Le défilé a toujours lieu, avec l’élite. L’élite ne verra pas les masses, alors que la masse verra l’élite. Les deux sont indispensables.

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