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L’ère du « com »
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Commerce, communisme, communautarisme, commissions, communication : le préfixe « com » est devenu le maître-mot de notre époque… souvent pour le pire.

Paul-Marie Couteaux

Paul-Marie Couteaux

Paul-Marie Coûteaux est l'auteur de nombreux essais et biographies politiques.

Il a été député européen souverainiste de 1999 à 2009.

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Un misérable petit préfixe prolifère aujourd'hui de tous côtés, l'anodin préfixe com. Hasard ? La plupart des mots qu'il commande me paraissent de plus en plus suspects.

Obsession commerciale, sinistre communisme et commissions en tous genres…

Le commerce n'a guère de prestige, du moins à mes yeux, surtout depuis que l'obsession commerciale a envahi, outre les rues, les écoles, les politiques, et les esprits de presque tous nos contemporains, que l'on voit tout occupés du début à la fin de la journée par l'achat ou la vente, les comptes des revenus et des dépenses, l'infini calcul du meilleur prix qui occupe le plus clair de leur activité neuronale etc. Itou pour le communisme, sinistre chose sous tous ses aspects, pour commencer esthétique.

Pas mieux, bien entendu, le communautarisme, qui enferme l'individu dans le flicage permanent de sa communauté -l'appartenance nationale est nettement plus légère… Pire, les commissions en tous genres, non seulement les occultes mais aussi les officielles, myriades de petits organismes proliférant dans les administrations qui les gangrènent, diluent les responsabilités, paralysent l'Etat et symbolisent l'impuissance publique -sans parler de la terrible Kommission de Bruxelles, croix plantée sur les débris de la décision souveraine, de l'Etat et du Gouvernement.

Quand le commun change de sens

Ne parlons pas du plus simple, l'adjectif commun, qui a presque toujours valeur positive aujourd'hui (voir les louanges de la "loi commune", du "ce que nous avons en commun est plus fort que ce qui nous sépare", etc.), alors que paraîtrait bien préférable le maintien du sens ancien : une chose commune est une chose banale, sans grande valeur; sans valeur même -justement en ce qu'elle ne nous différencie pas, qu'elle affadit notre être, cette splendeur partout à son crépuscule.

Va pour le bien commun, ou la langue commune, voire la vie commune -et encore, dans ce dernier cas, comme on sait, rien n'est sûr… Mais le commun du commun, le goût commun, l'opinion commune, par dessus tout la langue du commun n'ont rien d'engageant, surtout aujourd'hui…

Or, tous ces com. sont les maîtres-mots de l'époque -un peu moins le communisme désormais, mais il perdure dans son fond sous les espèces de l'égalitarisme et de la "non discrimination" générale.

La langue : simple outil de communication ?

J'ai gardé pour la fin le plus ravageur, l'amulette universelle de tous les amis du désastre, la communication : partout, en toutes circonstances, le moderne met chacun en demeure de communiquer, au point que la langue elle-même est réputée n'être plus qu'un instrument de communication, alors que le premier être auquel on parle est soi-même -celui auquel chacun parle le plus,  auquel chacun parlera toujours et jusqu'au bout.

Communiquer à toute heure me paraît la suprême valeur de la désolation contemporaine : téléphones en tous genres, le vieux fixe doublé du jeune mobile qui vous suit, vous précède et vous flique partout, les multiformes télé qui privilégient le lointain sur le proche, détruisant à mesure nos proximités mieux acclimatés, sans oublier la kyrielle des fax, sms, internet et ses métastases, facebouques et autres point com….

Le préfixe com : symbole du défaut de solitude de notre époque

Ce que veut dire ce cum, en latin, c'est simplement avec. Le désolant, en somme, c'est l'avec permanent, autrement dit le défaut de solitude, le "sans lien autre que soi", l'évaporation d'un soi qui serait de plain pied avec la vie intérieure, la création ou la distraction silencieuse, cette solitude calme et douce qui est la condition générale de l'être, et qui manque tant à nos contemporains -bien qu'ils s'imaginent le contraire…

Quand Mauriac ou Bernanos (ou Mauriac citant Bernanos)  écrivaient que "le monde moderne est une conspiration permanente contre la vie intérieure", qu'incriminaient-ils sinon l'absurde invasion de nos vies par l'impératif de communication -invasion au sens de la dévastation ? En sorte que, de ma défiance pour la grande famille des com, je n'entends nullement me défaire.

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