Énergies renouvelables : qui dira stop à l’absurde entêtement de la Commission européenne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Pour la Commission européenne, ce qui compte n’est pas l’objectif vis-à-vis du nucléaire, mais l’objectif des énergies renouvelables", estime Samuel Furfari.
"Pour la Commission européenne, ce qui compte n’est pas l’objectif vis-à-vis du nucléaire, mais l’objectif des énergies renouvelables", estime Samuel Furfari.
©Pedro PARDO / AFP

Entêtement coupable

Devant le Parlement européen, Kadri Simson, la commissaire européenne à l’énergie, a évoqué l’échec de la France sur ses objectifs liés aux énergies renouvelables et a incité l’Hexagone à déployer de nouvelles mesures.

Samuel Furfari

Samuel Furfari

Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.

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Atlantico : Devant le Parlement européen, Kadri Simson, la commissaire européenne à l’énergie, a évoqué l’échec de la France sur ses objectifs liés aux énergies renouvelables et a incité l’Hexagone à déployer de nouvelles mesures. La France n’a-t-elle pas l’une des énergies les plus décarbonées d’Europe ?

Samuel Furfari :Pour la Commission européenne, ce qui compte n’est pas l’objectif vis-à-vis du nucléaire, mais l’objectif des énergies renouvelables. Et la France n’a pas atteint l’objectif concernant ce domaine. Il est possible de se retrancher derrière le fait que la France a une économie décarbonée grâce au nucléaire. Mais cet objectif des énergies renouvelables n’a pas été atteint par la France. Reste à savoir s’il s’agissait d’un objectif pertinent. Mais la France n’est pas le seul pays à ne pas avoir atteint ses objectifs dans ce domaine. Beaucoup d’autres États membres n’ont pas atteint leurs objectifs et ils ne dépendent pas, comme la France, du nucléaire. L’Allemagne est notamment concernée aussi et a eu des difficultés à répondre aux critères exigés. 

Est-ce que cela ne témoigne pas de l’entêtement de la Commission européenne qui confond la fin (la réduction des émissions) et les moyens ?

En 2001, l’objectif était surtout un objectif pour les énergies renouvelables. Progressivement à partir de 2009, un objectif de décarbonation a été intégré et depuis l’accord de Paris des objectifs extrêmement ambitieux de réduction des émissions de CO₂. Il faudrait donc atteindre ces deux critères. Mais la France a tenu à défendre sa stratégie, et elle a raison, en expliquant qu’elle était sur la voie de la décarbonation grâce à l’énergie nucléaire. Pourquoi voudriez-vous que je fasse plus d’efforts en matière d’énergies renouvelables alors que je suis le champion de la décarbonation grâce au nucléaire ? Mais la France est responsable puisqu’elle a accepté cet objectif contraignant d’énergie renouvelable. Je suis très critique sur la Commission européenne, mais aussi sur les États membres parce que la Commission européenne ne peut faire que ce que les États membres décident. La France est coupable justement par rapport aux objectifs tout autant que les autres états membres. C’est trop facile d’accuser Bruxelles quand les décisions sont prises par les chefs d’État et de gouvernement, sans oublier le Parlement européen ! En Allemagne, il y a aussi des retards et des difficultés avec la transition énergétique allemande qui est en difficulté. La plupart des pays européens en réalité sont en retard sur la transition énergétique, mais ce sont eux qui se sont mis la corde au cou. 

La Commission européenne a fixé des objectifs irréalistes et qui ont un coût extrêmement important. La plupart des pays n’ont donc pas été en mesure de remplir ces objectifs de la Commission. Cela va aller de mal en pis, car jusqu’à présent, les objectifs remplis étaient relativement bon marché. Les objectifs les plus ambitieux risquent de ne pas être atteints et de coûter très cher.

Certains objectifs fixés par la Commission sont beaucoup trop ambitieux et irréalistes. 

Il y a quelques exceptions comme la Suède qui bénéficie de l’hydroélectricité, du bois des forêts et de la biomasse, utilisés de manière intensive, surtout pour le chauffage urbain, sans oublier le nucléaire.. La même stratégie est à l’œuvre dans certains pays baltes, en Finlande. Les autres pays sont réellement en difficulté vis-à-vis des objectifs fixés. 

Est-ce qu’il n’y a pas un entêtement de la Commission européenne dans le projet des énergies renouvelables ? Comment faire un système plus vertueux ?

Il y a effectivement un entêtement de la Commission européenne, mais il y a un entêtement du Conseil européen et du Parlement européen, qui ensemble sont le véritable législateur. Tout ce qui est décidé par le Parlement européen est lié à l’action et aux engagements des États membres, la France en tête. La France est un grand pays au niveau de Strasbourg et de Bruxelles et elle a accepté ces objectifs excessifs. Emmanuel Macron a accepté tous les objectifs de la Commission européenne, il a même imposé Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission en sachant tout cela. On verra s’il la soutiendra encore ce qui démontrera son hypocrisie envers les agriculteurs.

Y a-t-il des solutions alternatives face à ces objectifs inatteignables ? Peut-il y avoir des coopérations entre États ou des outils technologiques qui permettraient de remplir ces objectifs ?

La coopération entre États existe et elle est prévue par l’article 8 dans les directives de promotion des énergies renouvelables (c’était Silvio Berlusconi qui en 2008 avait exigé cela sachant que l’Italie ne pouvait pas atteindre seule les objectifs invraisemblables proposés par la commission), mais elle est marginale. Le Luxembourg ne parvient pas à s’engager sur la voie des énergies renouvelables, car c’est un petit État. Le Luxembourg achète donc des droits d’énergies renouvelables par exemple en Estonie ou au Danemark.

Mais la difficulté concerne les solutions technologiques. Il n’y a aucune nouvelle technologie en matière d’énergies renouvelables. Aujourd’hui, les projets d’éoliennes se multiplient, mais il n’y a pas de révolution sur cette technologie. Les éoliennes sont plus grandes, mais elles coûtent plus cher et sont plus fragiles. Le coût d’entretien est aussi plus élevé. Les panneaux solaires existent depuis très longtemps. Il n’y a pas de nouvelles solutions technologiques ; toutes les solutions proposées existent depuis plusieurs décennies. Multiplier les installations d’une même technologie ne constitue pas une rupture technologique, seule en mesure de réduire les coûts prohibitifs des énergies renouvelables.

La seule solution serait de revoir le Pacte vert. Pour cela, il faut qu’il y ait une nouvelle majorité à Strasbourg. Les citoyens doivent être sensibilisés pour ne pas qu’ils continuent à voter comme avant, qu’ils arrêtent de croire les fausses promesses de l’écologie et de la classe politique en matière d’environnement. Pratiquement tous les partis ont voulu croire au Pacte vert. La future nouvelle majorité à Strasbourg doit avoir les pieds sur terre sur ces questions et ces enjeux pour se détourner des objectifs irréalistes. Ce 29 février, les éditions L’Artilleur publient mon livre « Énergies, mensonges d’État » dans lequel je dénonce ce qu’il faut bien appeler des mensonges, par omission ou par ignorance, des « écolos de tous les partis ». Car c’est là que réside le problème : tout le monde a cru que demain on raserait gratis et que l’on se passerait facilement et à bon coût du gaz russe. Dès 1955, les fondateurs de l’Union européenne avaient déclaré que nous aurions besoin d’énergie abondante et bon marché. Tant que l’on ne reviendra pas à cela, l’économie européenne continuera à être poussive par rapport à celle du reste du monde qui ambitionne de vivre dans la prospérité basée sur l’énergie abondante et bon marché, comme l’a démontré la COP 28 à Dubaï.    

La Commission européenne poursuit ses objectifs démesurés en dévoilant un mémorandum proposant de nouvelles cibles de réductions d’émissions de CO2 à l’échéance 2040. En quoi cela démontre une nouvelle fois l’entêtement de la Commission en matière de transition écologique et sur les énergies renouvelables ?

Cette étude d’impact est dramatique. En effet, le 6 février, la Commission européenne a publié une étude d’impact de 605 pages proposant d’atteindre avec des mesures coercitives, y compris sur l’alimentation, de décarboner 90 % de l’UE d’ici 2040 notamment en proposant encore plus de mesures contraignantes pour atteindre 100 % d’énergie renouvelable. Cela constitue encore une course folle. Les objectifs sont encore plus démesurés. Cela est assez invraisemblable. Les États membres ne parviennent déjà pas à atteindre les objectifs de 2030, figurez-vous ceux de 2040. J’espère que les élections du 9 juin mettront fin à cette utopie qui ne peut conduire qu’à la décroissance.

La première partie de mon livre « Énergies, mensonges d’État » présente l’extraordinaire développement de la politique énergétique européenne depuis 1950 jusqu’en 2016. Grâce à elle nous avons vécu une période de prospérité, et de qualité de vie. Depuis 2016, l’idéologie verte a pris le pouvoir à Strasbourg et nous a conduit dans le marasme actuel. Il faut en sortir. Ceci démontre que ce n’est pas les institutions qui sont en cause, mais les idéologies qui les conduisent.

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