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Emmanuel Macron a convoqué une cellule interministérielle de crise.
Emmanuel Macron a convoqué une cellule interministérielle de crise.
©YVES HERMAN / POOL / AFP

Un chaos annoncé

Abasourdis, épouvantés, les Français voient leur pays ravagé, incendié et pillé par des meutes hostiles.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Abasourdis, épouvantés, les Français voient leur pays ravagé, incendié et pillé par des meutes hostiles - exactions en cours alors que s’écrit cet article. Dans les zones hors-con­trôle où, de longue date, elles font la loi ; de là, vers les centres des métropoles, ces bandes ciblent tout symbole de l’autorité – commissariats, gendarmeries, bâtiments publics - et saccagent le reste à leur portée, dévastant et dévalisant tout sur leur passage.

Ce chaos, les criminologues le voient venir de longue date. Non une insur­rection métho­dique et concertée de type politique, la « Prise d’arme » d’Auguste Blanqui ou la phase de « guérilla généralisée » de Mao. Bien plutôt, pour quelque motif ou pré­texte, l’émeute spontanée, propagée de quartier en quartier, d’individus agrégés en meutes : quelques heures ici, un jour là : le scénario d’octobre-novembre 2005, qui par se­cousses sporadiques, dura trois semaines.

Avec désormais l’entrée en scène de bandes de Marseille, ravageant un centre-ville épar­gné en 2005. Notons qu’alors et à présent, les quartiers-nord de la ville et leurs dizaines de supermarchés de la drogue sont épargnés – défense et vengeance des « frères », bon ; mais protection du « business », pour sûr.

Ces incendies et ravages, chacun les voit et suit leur progression, écrans ou réseaux so­ciaux. Mais cette situation, alors qu’explose une violence inouïe ailleurs en Europe à ce ni­veau et sur ces durées, comment l’analyser, la comprendre ? Comment en po­ser le dia­gnostic ? Fait à chaud, ce « retour d’expérience », comme disent les mili­taires, le voici.

À quelques semaines près, voici quarante ans, en août 1983, le président Mitterrand se rendait à la cité des Minguettes, à Vénissieux, après, déjà, une agitation communautaire dans des quartiers à forte population immigrée. Dès lors s’instaurait une « politique de la ville » que depuis, tous les gouvernements de la Ve république ont poursuivie, voire ampli­fiée, quelle que soit leur couleur politique : à des nuances près, M. Jospin comme M. Fillon. Or dès l’origine, cette « politique de la ville » est fondée sur une conception erronée : des populations souffrant du racisme vivent dans un habitat indigne. Relogeons-les mieux, payons des associations pour renforcer leur estime-de-soi, inondons-les de subventions di­verses. Ainsi, nous aurons acheté la paix sociale, et tout ira bien.

À la base de cette « Politique de la ville », l’idée bourgeoise-hugolienne, séduisante mais fausse hélas, que la misère génère le crime. Que donner de l’argent à des « misérables », les éduquer, c’est les empêcher de mal tourner. Hugo toujours « Ouvrir une école, c’est fer­mer une prison ». Comme c’est beau – comme c’est faux.

D’évidence, mieux vaut en général que toute population soit bien logée plutôt que mal, vive bien plutôt que mal, soit éduquée plutôt que pas. Mais en réalité, tous ces fac­teurs n’ont qu’une incidence minime sur l’apparition et l’accroissement de trafics ; sur le déve­loppement de phénomènes illicites, délinquance d’abord puis criminalité. Car la popu­lation générale, cible de toutes les intentions et actions bienveillantes et positives, d’une part ; et le terreau des bandes et gangs vendant de la drogue, pillant et s’entretuant, de l’autre ; ne vivent pas sur la même planète. Améliorer le niveau de vie de ceux-là (ce qui est bon en soi) en pensant ainsi calmer ceux-ci – lancés dans les émeutes présentes – est vain et sans ef­fet ; de telles pratiques ont échoué partout au monde.

Tel est donc le premier point – fondamental – de notre diagnostic.

Sinon, que voient à présent les Français, de leurs yeux ?

- Un président de la République dont l’instinct premier, le réflexe initial, consiste toujours à trahir et dénoncer sa police – et ce n’est pas la première fois. Proche d’un monde interlope – la France de MM. Strauss-Kahn, Cahuzac, Duhamel, Bigorgne, etc. il répugne d’autant plus à faire preuve d’autorité que dans cette direction-là, on trouve la justice ; avec laquelle, pour maintes raisons obscures, ce monde-là fait preuve d’une grande prudence – voire, de stratégies d’évitement.

- Une première ministre ahurie et tétanisée, balbutiant devant les micros de vagues banali­tés avant de disparaître dans le décor,

- Un ministère de l’Intérieur à peu près aveugle et sourd, qui pas plus qu’en 2005, n’a rien prévu ni vu venir ; ministère conçu à peu près comme en 1950 : commission d’une infrac­tion… enquête…. Déferrement du malfaiteur à la justice. Le commissaire Maigret à l’ère de l’intelligence artificielle ! Et un ministre enivré de sa propre destinée, occupé – pour la télé – à détruire quelques cahutes à l’autre bout du monde, alors que les banlieues de la métro­pole bouillonnent, pour bientôt exploser.

- Une police traquée au quotidien par des voyous, mal formée, notam­ment à l’usage des armes à feu. User d’une telle arme – fréquentant de longue date un club de tir, l’auteur ne parle pas en l’air – exige de l’apprivoiser, la maîtriser, ce qui se fait len­tement, par usage constant – non en brûlant quelques car­touches deux-trois fois l’an, comme les policiers.

- Des médias asservis volant au secours de tout malfaiteur et accablant par réflexe anar­chiste tout tentative de remise en ordre.

Pourquoi ? Qui ? Comment ? Voici notre diagnostic posé. Éviter que de tels événements ne perdurent ou ne réitèrent exigera que tous les points énoncés ci-dessus soient étudiés et corrigés – dans le respect des lois et codes nationaux. C’est d’autant plus possible que tout le problème est politique et dépend au fond d’une seule pratique, dont l’actuelle caste au pouvoir est clairement incapable : la décision.

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