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L'ancien président américain Donald Trump s'adresse aux médias lors du troisième jour de son procès pour fraude civile à New York, le 4 octobre 2023.
L'ancien président américain Donald Trump s'adresse aux médias lors du troisième jour de son procès pour fraude civile à New York, le 4 octobre 2023.
©Kena Betancur / AFP

Rebondissements à venir ?

Dernier épisode en date : la rébellion d’élus trumpistes qui a abouti à l’éviction de Kevin McCarthy, le speaker des républicains à la Chambre des représentants.

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

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Olivier Piton

Olivier Piton

Olivier Piton est avocat spécialisé en droit public français, européen et américain. Il a collaboré auprès de trois ambassadeurs de France aux Etats-Unis sur les questions liées aux affaires publiques et aux relations gouvernementales. Il a créé et dirigé la cellule de stratégie d’influence de l’ambassade de France à Washington DC de 2005 à 2010. Il est le président de la Commission des Lois à l’Assemblée des Français de l’Etranger. Il est l'auteur de La nouvelle révolution américaine : la présidentielle américaine à la lumière de l'histoire (Plon, mai 2016).

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Atlantico : Kevin Mc Carthy a été évincé de son poste de speaker à la chambre des représentants. C'est une première dans l'histoire de la chambre. Les trumpistes ont déclenché une crise au Congrès ? Que s'est-il passé ?

André Kaspi : Kevin McCarthy vient d’être évincé de son poste speaker de la Chambre des représentants. C’est la première fois dans l’histoire des Etats-Unis qu’une situation comme celle-là se produit. 

Deux explications. La première : McCarthy a négocié avec les démocrates pour éviter le shutdown, c’est-à-dire le blocage du budget fédéral. Une minorité de républicains condamne cette « coopération ». Or, le groupe des républicains dispose d’une majorité de 8 voix. Il suffit que 4 d’entre eux désapprouvent McCarthy et que les démocrates ne cherchent pas à sauver le speaker qui, du coup, n’a plus de majorité.

Ce sont des rapports politiques de fond qui se déroulent sous nos yeux. Est-ce l'aile droite des Républicains qui se fait bousculer par son aile plus radicale ? 

André Kaspi : Incontestablement, ce sont des républicains « trumpistes » qui ont voulu démontrer leur pouvoir et leur volonté de ne rien faire qui puisse sauver le budget présenté par l’administration démocrate. Qui veulent dans le même temps punir les partisans d’un accommodement avec le président des Etats-Unis.

Trump s'en est amusé en tweetant : "Pourquoi les Républicains n'arrivent pas à s'entendre ?"  C'est une des clés de l'élection qui est en train de se jouer ? 

André Kaspi : Les Américains sont entrés dans la campagne électorale qui prendra fin avec les élections de novembre 2024. Trump mène campagne contre Biden. A ses yeux, comme aux yeux de ses partisans au sein du parti républicain, tous les coups sont permis. Pour lui, la démission de McCarthy est une victoire. Tout comme pour ses partisans au Congrès.

Le procès au civil de Donald Trump pour fraude s’est ouvert à New-York cette semaine. C'est un moment clé dans la perspective de l'élection présidentielle qui aura lieu dans 1 an ?

Olivier Piton : Le procès n’est pas pénal. Donald Trump ne risque pas de peine de prison, mais il est financièrement à hauts risques pour l’ancien président.

Donald Trump doit gérer un double handicap : l’absence de jurés et un juge défavorable. Le juge, M. Engoron a décidé d’annuler les licences commerciales des entités Trump, y compris de la Trump Organization, et ordonné la mise en place d’un curateur. Si elle est confirmée en appel, la décision pourrait obliger Donald Trump à céder des propriétés new-yorkaises, notamment la Trump Tower, un immeuble de bureaux de Wall Street et des terrains de golf. C’est donc potentiellement une menace grave sur le patrimoine de l’ancien président.

André Kaspi : Le procès ne porte pas directement sur la situation politique. Il y aura d’autres procès dans le courant de l’année 2024 qui feront suite aux accusations sur le fonctionnement des institutions politiques. Le procès de New York concerne les activités immobilières de Donald Trump. Si l’ancien président est condamné, ce sont ses affaires à New York qui seront fortement affectées. Trump pourrait perdre une partie de sa fortune et, plus encore, son prestige d’entrepreneur milliardaire.

Mais comme d’habitude, pourrait-on penser, Trump tirera parti de la procédure pour démontrer que ses adversaires ont peur et l’accusent à tort. Sans doute saura-t-il en tirer parti pour accroître sa popularité auprès d’une grande partie des républicains.

Politiquement, sur quoi va se jouer la prochaine élection ? On dit que le changement générationnel sera un facteur clé. Est-ce que le vieillissement de la population va profiter aux démocrates ?

Olivier Piton : La prochaine élection va surtout se jouer sur la propension des indépendants à choisir le candidat qui les rebute le moins. Si Donald Trump est actuellement passé en tête dans les sondages nationaux (ce qui ne signifie en fait pas grand chose puisque chaque Etat vote distinctement), il reste néanmoins extrêmement clivant et peu populaire, notamment chez les femmes et les minorités. Quant à Joe Biden, son âge et ses problèmes cognitifs à répétition sont devenus des sujets majeurs de la campagne à tel point que des journaux a priori très favorables comme le New York Times autorisent des éditorialistes à défendre une candidature alternative à gauche.

André Kaspi : Si les deux principaux candidats à la présidence sont encore Donald Trump et Joe Biden, il est certain que bon nombre d’électeurs seront profondément déçus. On peut deviner que, dans ce cas, les élections porteront sur la personnalité de chacun des deux candidats – aux dépens d’un débat sur la situation, actuelle et future, des Etats-Unis. Mais je crois que dans cette situation, les électeurs indépendants – qui ne se rattachent à aucun des deux grands partis, feront la décision.

Quel sera le poids électoral des "MAGA" (Make America Great Again) ? Et qui sont-ils ?

André Kaspi : Les soutiens de Trump, qui se rassemblent sous le slogan MAGA (Make America Great Again), sont actuellement majoritaires au sein du parti républicain. Pourtant, il ne faut pas se tromper. Tous les électeurs ne sont pas des membres ou des soutiens des partis politiques. Bon nombre d’entre eux sont des indépendants. Les MAGA font sans doute beaucoup de bruit dans la vie politique. Rien ne prouve, pour le moment, qu’ils soient majoritaires dans l’électorat.

Olivier Piton : Le poids électoral des MAGA est essentiel pour assurer une dynamique de campagne et leur importance au sein du camp Républicain. Il est non négligeable sans être pour autant déterminant. Les MAGA forment les bataillons de militants ultra-motivés et présents et seul Donald Trump bénéficie d’une telle base. Mais il faudra bien plus que les MAGA pour faire réélire Donald Trump qui doit absolument pouvoir s’appuyer sur une partie des indépendants et doit aussi reconquérir les blancs paupérisés du nord est des Etats-Unis qui l'avaient en partie abandonné en choisissant Joe Biden en 2020.

L'image du parti démocrate est jugée "trop libéral" pour 47% des électeurs. C'est + 7 points dans les sondages alors que le président Joe Biden a mis en place une politique de réindustrialisation, un peu protectionniste. Comment vous expliquez ce décalage de perception ?

Olivier Piton : Le mot libéral n’a pas le même sens en France et aux Etats-Unis. « Libéral » outre-Atlantique signifie être « de gauche » par opposition à « conservateur ». Il est donc tout à fait logique que l’opinion publique américaine juge la base démocrate dont on oublie qu’elle se radicalise autant que la base Républicaine « trop libérale », donc trop à gauche par rapport à un président qui est issu de la « vieille gauche », s’appuie sur le monde syndical et dirige le pays de façon relativement centriste.

André Kaspi : Le parti démocrate, l’un des deux grands partis, est fracturé. Il y a une aile gauche qui tâche de faire pression sur le président Biden, et une majorité modérée qui redoute Donald Trump. Elle soutient, sans enthousiasme, le président en exercice, applaudit modérément ses réformes économiques. En vérité, une majorité de démocrates préfèrerait qu’un autre candidat que Biden se présente aux élections présidentielles. La situation politique les réduit au silence. Aucun démocrate n’ose, pour le moment, tenter de prendre la place du président sortant.

Le vote des jeunes sera l'une des clés ? Quelle image ont-ils de Joe Biden ? Qu'attendent-ils de cette élection ?

André Kaspi : Aux Etats-Unis comme dans la plupart des démocraties, les jeunes ne manifestent qu’un intérêt limité pour la vie politique. En un mot, ils votent moins que leurs aînés. Encore moins s’ils ont à choisir entre un président des Etats-Unis octogénaire, affaibli sur le plan physique et sans doute sur le plan intellectuel, et son adversaire, presque aussi âgé, tonitruant, qui, de plus, fait plus que se méfier des campus universitaires et des contestataires venus de la gauche, de tout âge.

Olivier Piton : Comme en France, le vote des jeunes aux Etats-Unis est très faible en proportion du vote des plus de 25 ans et surtout des retraités. Le taux d’abstention des 18-25 ans se situe autour de 35%, ce qui est énorme. L'image de Joe Biden dans la jeunesse, surtout la jeunesse « de gauche » est contrastée. Il représente le rempart contre Donald Trump, celui qui l’a battu en 2020 mais son âge et sa santé rendent le rapprochement entre lui et cette tranche d’âge compliqué. Les jeunes aspirent au même titre que le reste de la population américaine à un changement de génération et à un rajeunissement du personnel politique.

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