Emprise du pouvoir chinois
Démocratie à Hong Kong : la bataille est désormais perdue. Mais elle aurait pu ne pas l’être
Depuis l'imposition par Pékin d'une loi sécuritaire réprimant toute contestation politique, Hong Kong bascule dans un régime qui prive ses habitants des libertés. Cette tragédie démocratique pouvait-elle être évitée ?
Barthélémy Courmont
Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter
Atlantico : La tragédie démocratique à Hong Kong semble inévitable. La formule énoncée par Deng Xiaoping en 1997 « un pays, deux systèmes » ne résonne plus aujourd’hui dans la Chine contemporaine. Pourtant, lors de la rétrocession le cours de l’histoire n’était pas censé se dérouler de cette manière. La mainmise du régime Chinois sur le système démocratique hongkongais aurait-elle pu être évitée avant 2047, date officielle de la fin de la transition ?
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Cela n'était pas "prévu", par les puissances occidentales en tout cas, et les habitants de Hong Kong en sont évidemment les principales victimes. On peut le déplorer, le condamner, mais il est difficile de faire quoi que ce soit, tant la chine s'accroche à l'accord de rétrocession qui fait mention de la période de 50 ans mais ne précise pas la fréquence à laquelle celle-ci doit s'opérer. Ainsi, les Occidentaux restent attachés à l'idée que Hong Kong doit rester une société démocratique jusqu'en 2047 - ce qui au passage ne fait que repousser l'échéance, ou alors prolonger la naïveté évoquée précédemment - tandis que les Chinois estiment que tout a commencé en 1997 et que la "transition" doit s'accompagner d'ajustements progressifs, comme ceux dont nous sommes malheureusement les témoins. Au vu des rapports de force actuels, les jeux sont faits.
Aurions-nous dû nous douter de la volonté du régime chinois de frapper toute volonté démocratique suite aux événements de Tiananmen ?
Pas vraiment. La répression violente du mouvement de 1989 s'est accompagnée d'une mise à l'écart de la Chine, pays à l'époque encore très pauvre, avec des pressions diplomatiques et économiques. C'est dans ce contexte que la politique étrangère chinoise se fit discrète dans les années suivantes, sur les recommandations de Deng Xiaoping, et à l'exception des tensions dans le détroit de Taiwan en 1996 la Chine ne mit pas en avant une politique étrangère - ou de son avis intérieure - agressive pendant cette période. Sans doute les pays occidentaux ont, là-encore, fait preuve d'une certaine naïveté, mais dans ce contexte d'immédiate fin de Guerre froide et de démocratisation de nombreuses sociétés, la tendance était à l'optimisme. Disons que Tiananmen a brutalement refroidi les espoirs de ceux qui croyaient à une démocratisation rapide de la Chine, mais n'a pas soulevé, à l'époque, d'inquiétude sur le fait que Pékin ait des intentions, et moins encore des moyens, d'exercer de fortes pressions sur ses voisins. C'est surtout au cours des quinze dernières années que les choses se sont accélérées et que la mainmise de Pékin sur Hong Kong s'est renforcée. Le développement spectaculaire de Shenzhen aurait sans doute dû nous alerter sur le fait que la Chine était en train de sortir d'une Hong Kong-dépendance, mais cela n'aurait pas changé grand chose. A part Taïwan, personne (le monde occidental) n'a vraiment vu venir ce durcissement et cette impossibilité de retour en arrière, mais personne n'a écouté Taïwan (comme trop souvent)..
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La génération de démocrates de la « toujours » région autonome seront-ils bientôt un lointain souvenir ? Les militants démocratiques représenteront-ils encore une lueur d’espoir de liberté ?
Hong Kong a le statut de région administrative spéciale, pas de région autonome (appellation qui concerne les provinces dans lesquelles vit une importante minorité, cinq au total: Xinjiang, Tibet, Mongolie intérieure, Ningxia et Guangxi). Mais au-delà des termes de la négociations évoqués plus haut et la transition de 50 ans, disons que ces appellations ne changent pas grand chose pour Pékin, qui estime devoir exercer son autorité sur ces différents territoires et rejette ce que les dirigeants chinois qualifient d'ingérence dans ses affaires intérieures. Bien sûr, le mouvement démocratique de Hong Kong est confronté dans ces conditions à une situation plus que difficile, et ses chances de survie sont quasi nulles. Mais les démocrates n'en demeurent pas moins essentiels, à plusieurs égards. d'abord pour porter un message, même clandestinement, et sensibiliser la population. Ensuite pour incarner un mouvement qui ne se limite pas à Hong Kong, mais concerne aussi et surtout Taïwan, que Pékin estime être le prochain territoire à "récupérer" inscrit sur sa liste. Le mouvement des parapluies de 2014 a révélé de profondes connections avec le mouvement des tournesols de Taïwan quelques mois plus tôt, et les liens sont restés très forts. Il n'est pas anodin que le gouvernement taïwanais fut le seul à apporter un soutien officiel au mouvement démocratique de Hong Kong, là où les pays occidentaux se sont montrés beaucoup plus frileux. La poursuite de ce mouvement, de ses idéaux et de son héritage, est aussi indispensable que l'est celui de Tiananmen, pour entretenir cette "lueur d'espoir", certes assombrie aujourd'hui, mais qui n'est pas totalement éteinte.
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