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Décentralisation mise à l’index par l’OCDE : comment restructurer efficacement la France ?
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Mille-feuilles

L'OCDE vient de condamner le coût des départements français dans son dernier rapport. Faute d'une volonté étatique, les initiatives visant à unir plusieurs départements limitrophes se multiplient en Bretagne, dans le Nord, en Alsace ou dans le Centre.

Félicité Mandrin

Félicité Mandrin

Félicité Mandrin est un haut-fonctionnaire en activité spécialiste des stratégies territoriales et urbaines, ayant la pratique des administrations déconcentrées et décentralisées, et écrivant sous pseudonyme. 

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40, 50, 60,70, 80, 90… Non ce n’est pas le compteur de vitesse qui monte prestement dans une belle ligne droite ! C’est le nombre de participants attendus, demain, dans chaque région, dans les conférences qui se tiendront dans les territoires. Bien sûr, les mêmes participants se seront déjà vus la veille en « comité de pilotage » de la politique de la ville. Les mêmes ou presque se verront le lendemain à l’Université. Naturellement, ces instances seront « copilotées ». Bien évidemment, on désignera des représentants pour le « comité de suivi » destiné à s’enquérir des actions décidées ou plutôt les « pistes de réflexion mises à l’étude ». En somme, on va se réunir pour se séparer dans les conditions qui permettront de se réunir à nouveau. Mais, concrètement, dans les territoires, qu’est ce qui va changer ? Les décisions se prendront-elles mieux ? Les effets des politiques se feront-ils sentir ?

En fait, cet exemple n’est que le dernier d’une longue série qui illustre l’idée selon laquelle l’organisation territoriale de la France tourne à vide. Trop de structures. Trop de réunions. Trop peu de véritable association du citoyen à la décision publique. Car prenons un rétroviseur et voyons les évolutions en quelques décennies. On est passé d’une organisation pilotée par l’Etat avec deux relais, les départements et les communes, à une organisation où l’Etat édicte certes encore des normes (quant à savoir s’il les fait appliquer, c’est une autre histoire !) avec sur le terrain pas moins de quatre niveaux d’administration : régions, départements, intercommunalités (communautés de communes, communautés d’agglomération, communauté urbaines) et villes. Si bien qu’une réforme – ou supposée telle – chasse l’autre sans que la dernière n’ait été même réellement mise en place. C’est ce qui est en train de se passer avec la réforme territoriale de 2010 qui devait voir siéger les mêmes élus au conseil général et au conseil régional.

Les mêmes instances. Les mêmes conclusions. Les mêmes non-réformes

« Oui, notre système territorial est complexe mais il y va de la richesse démocratique de notre pays », entend-on. L’acception est utilisée jusqu’à plus soif. Où est la démocratie lorsque, dans n’importe quel conseil régional, conseil général, agglomération, les désignations dans les organismes annexes s’élèvent à plusieurs centaines et que l’on voit les représentants courir frénétiquement avec les « éléments de langage » préparés par les services pour annoner la même langue de bois…

« Certes il y a beaucoup de niveaux d’administration mais en comparant avec la moyenne de l’Europe … » Or, c’est justement en ayant substitué la légitimité technocratique à la légitimité des citoyens que l’on en arrive à un système à l’arrêt pour ce qui est des initiatives et au bord de l’apoplexie pour la gouvernance. Un seul indicateur révélateur : le temps moyen de réalisation d’un projet « structurant » a été multiplié par trois en trente ans.

« Oui, l’idée est bonne mais ce n’est pas possible. » Chaque fois qu’une idée de simplification est lancée, les freins se mettent en avant avec, aujourd’hui, la « juridiciarisation » qui semble être à la réforme ce qu’est la dissuasion nucléaire à la guerre : elle paralyse toute vélléité d’action et sert de paravent aux immobilistes de tout poil.

Alors, oui, continuons les « pseudo réformes » ainsi et nous allons nous retrouver avec des « métropoles » qui, à peine mises en place, sont déjà appelées à être remplacées par les « communautés métropolitaines », à vocation européenne naturellement.

Et si l’on changeait enfin de focale ?

Il est un mythe particulièrement tenace en France. C’est celui d’une organisation cartésienne, décalquée de façon identique en tout point du territoire avec à la clé l’égalitarisme des territoires. Mais cette idée est aussi utopique que celle des fondateurs de la III° République qui voulaient que, à la même heure, la même leçon de choses fût prononcée partout de Dunkerque à Tamanrasset…

Prenons le problème autrement, non pas par les instances existantes car chaque corps administratif trouve en lui des ressources insoupçonnées lorsqu’il est question de défendre sa survie. Partons de choses aussi simples que le cadastre (le découpage du sol au plus près des activités), l’état civil (de la naissance à la mort en passant par le suivi des individus fragiles), l’habitation ou l’exercice d’activité économique pour les entreprises. Et l’on se rendra alors compte qu’il est possible de prendre à bras le corps la réforme de l’organisation territoriale autrement que par la défense des prés carrés existants.

Partons donc du principe que en dehors de la commune et de ses activités « de proximité » aucun niveau administratif n’a d’existence « automatique ». Non, le département n’a rien « d’évident » et l’antienne tourne d’ailleurs en boucle tel un vieux disque rayé : « nous sommes légitimes parce que nous accompagnons les individus fragiles ». Certes mais on oublie juste au passage de dire que toutes les compétences obligatoires exercées par les conseils généraux sont des compétences transférées par l’Etat. Non, il n’y a rien d’évident à ce que les régions s’occupent des lycées ou des transports express régionaux (TER). Et puis d’alleurs, pourquoi les intercommunalités ne s’occuperaient elles pas de schémas « prescriptifs » c’est-à-dire obligatoires pluôt que de participer sans fin à des schémas non obligatoires que ni les régions ni les départements n’appliquent …

Affirmons aussi une bonne fois pour toutes que les collectivités locales ne sont pas des entreprises. Combien de fois n’a t on pas entendu les représentants desdites collectivités qu’ils gèrent en « entrepreneurs ». C’est totalement inexact à défaut d’être risible, et ce pour une raison très simple : une collectivité locale, lorsqu’elle a voté son budget, est sûre de toucher les recettes prévues à plus de 95%. Cette certitude ferait palir d’envie le moindre entrepreneur, de la PME de quartier à la multinationale dont le siège est (encore) implanté en France

Supprimons les départements et les régions

Soyons nets : en trente ans, les régions n’ont pas pris leur envol. Il n’y a qu’à regarder quel est le premier mandat « abandonné » (sic) par les élus devant respecter la loi sur le cumul des mandats. Il n’y a qu’à regarder la façon dont les poids lourds nationaux, à de très rares exceptions, ont déserté les conseils régionaux. Elle est loin l’année 1986 où, à l’occasion de la première élection au suffrage direct des conseillers régionaux, tous les télors de droite et de gauche cherchaient à se faire élire, de Jacques Chaban-Delmas à Gaston Defferre, de Raymond Forni à Jean Lecanuet, d’Olivier Guichard à Valéry Giscard d’Estaing. Le découpage régional, fruit de technocrates ayant difficilement franchi le périphérique, n’a jamais été accepté. Enre la peur du pouvoir provincial et celle des barons départementaux, la région n’a pas décollé

Quant aux départements, ils ne doivent leur survie qu’à une raison : leurs représentants sont élus au scrutin direct. Droite comme gauche, un conseiller général est à l’écoute de son territoire et cette vision pragamatique est peut-être brocardée par les cartésiens de tout poil. Il n’empêche qu’ele est plus au cœur des préoccupations que les élus des scrutins de liste qui ne doivent leur élection à leur situation dans tel ou tel parti si ce n’est de refuge des battus aux élecxtions directes (mairies, députation, conseil général)

Cette suppression des départements et des régions donnerait naissance à un découpage à la carte. L’Alsace, qui est en train de mettre en place une collectivité unique ne s’y est pas trompée d’ailleurs. Les départements de la région Centre qui cherchent à mutualiser de leurs actions s’engagent dans cette voie.

Alors bien sûr, on objectera aussitôt en ricanant devant cette outrecuidance : « ce n’est pas possible parce que tout le territoire ne sera pas uniformément couvert ». Disons simplement à nos détracteurs que, justement, l’Etat retrouverait certainement un rôle dans ce traitement de ces « territoires intersticiels » (pour parler comme la DATAR) ou plus concrètement pour traiter des zones désertiques, pour parler le langage du citoyen électeur. L’unité républicaine chère aux discours éculés des candidats aux plus hautes instances trouverait ici à s’appliquer… Et puis, enfin, à ressasser du matin au soir cette unité républicaine et la souveraineté démocratique, on en reviendrait peut-être à la démocratie directe ; j’ai nommé le référendum. Cet instrument ferait-il si peur pour être toujours brandi et jamais utilisé malgé son pseudo élargissement ? Et si on demandait – enfin – l’avis des gens ?

Résumons-nous.

Les communes seront maintenues comme seul acteur concret de la présence publique das les territoires qui ont vu partir ces trente dernières années les administrations d’Etat régaliennes ou non (La Poste, le Trésor, les entreprises publiques…). L’intercommunalité se résumera à un seul nom (au lieu de la presque dizaine de solutions possibles aujourd’hui) et sera responsable des grandes actions, comme le territoire est bientôt couvert en totalité. Départements et régions disparaissent en tant que collectivités locales. Et, dans les territoires où élus et citoyens estiment qu’il faut un levier supplémentaire, une instance spécifique est créée. Cette vision territoriale renouvelée n’est pas incompatible avec celle d’un Etat travaillant sur sa propre organisation. Là où rien ne serait mis en place, l’Etat retrouvera son rôle de garant de l’intérêt national. Surtout, testons au moins ces idées avant de prononcer d’emblée l’oukase de l’impossibilité de toute réforme simple.

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