Dans l'univers macronien, la droite se radicalise moins que la gauche et voici pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Abandonner « Le ni de gauche ni de droite » du FN-RN serait en même temps abandonner une stratégie de dédiabolisaiton qui a pris 20 ans à porter ses fruits avec 88 députés à l’AN pour Marine Le Pen.
Abandonner « Le ni de gauche ni de droite » du FN-RN serait en même temps abandonner une stratégie de dédiabolisaiton qui a pris 20 ans à porter ses fruits avec 88 députés à l’AN pour Marine Le Pen.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Effets différents à droite

Du côté droit de l’échiquier, les effets délétères de la stratégie de triangulation se font aussi sentir.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : Vous nous expliquiez dans la première partie de cet entretien comment la destruction du clivage gauche – droite empêchant l’alternance et donc l’oxygénation de la vie démocratique française avait mené à la situation de la gauche actuelle, entre impasse et montée de la radicalité. Le parallèle à droite est-il exactement le même avec LR le RN et Reconquête ?  

Virginie Martin : Du côté droit de l’échiquier, les effets délétères de la stratégie de triangulation -  dont je parlais - se font aussi sentir, bien entendu. Les effets ne sont pas pour autant exactement parallèles. 

LR est très affaibli électoralement parlant - l’électorat âgé, aisé et plutôt diplômé vote aujourd’hui en priorité pour Emmanuel Macron -  et on imagine combien le score de Valérie Pecresse à la présidentielle se fait encore sentir. 

Mais surtout, certains couteaux importants de la droite sont devenus des leaders ponctuels ou structurels de la Macronie : Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin.

Ces marqueurs brouillent la lecture d’autant plus, que, parmi ceux qui ne sont pas (encore) ministres, nombreux ex LR se retrouvent avec l’étendard Renaissance à l’instar d’un Renaud Muselier Président de la région PACA. 

La porosité - la compatibilité entre la Macronie et LR n’est presque plus à démontrer. On l’a encore vu lors du vote de la motion de défiance à l’assemblée nationale, ou lors des discussions autour de la réforme des retraites. Les leaders LR auraient pu trouver de multiples prétextes pour ne pas voter cette loi : séquence et timing catastrophiques, véhicule législatif contestable, négociations sociales insuffisantes… mais ils ont préféré jouer la carte de la cohérence autour de l’âge… un élément de langage en valant un autre, tout argumentaire révèle un positionnement politique, LR a tranché en faveur d'Élisabeth Borne. 

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Car en effet, sans forcément souscrire aux positions d'Aurélien Pradié, il y avait de quoi se démarquer du gouvernement, s’affirmer et peut être revenir dans la partie. 

Mais le calcul semble être celui de rester dans la roue de Macron et profiter de l’énergie … c’est à mon sens un calcul en forme d’échec. Par conséquent - et c’est une conséquence quasi mécanique encore une fois -  de ce côté-là de l’échiquier, on assiste à une radicalisation pour ceux qui ne veulent pas voir la droite fondre dans la macronie. 

Cette radicalisation est cependant moins linéaire qu’à gauche : en effet le logiciel “social“ de Marine Le Pen perturbe - pour le dire vite - les “insiders” de droite. Les scores de Marine Le Pen sont élevés chez les ouvriers, les peu et très peu diplômés ; ses scores sont en revanche faibles chez les plus âgés. L’électorat de Marine Le Pen ce n’est pas tout à fait une droite radicalisée. Ce sont plutôt des outsiders sensibles aux questions de précarité, d’avenir, de mondialisation et bien sûr d’immigration.

L’électorat de Zemmour - beaucoup moins social mais plus bourgeois - est plus classiquement sur cette ligne droite mais dans toute sa radicalité : identité, racines catholiques du pays et de l’Europe, relativement libéral en matière économique. Une droite extrême et très loin de la macronie. 

Une étude Ifop Opinion pour Paris Première montre le regard des Français sur une alliance électorale entre LR, le RN et Reconquête :  Un rejet majoritaire par les Français (70%) mais un bien meilleur accueil parmi les sympathisants des partis concernés. Faut-il y voir, là aussi, les conséquences délétères des effets du macronisme ?  Ou la réponse à ces derniers ?

Les deux. Mais ce qui est certain, c’est que parmi certains des sympathisants de droite l’envie est forte de se dégager de la macronie et donc pourquoi pas d’aller chercher du côté des « vraies droites ».

De même, certains aussi dans ces électorats sont sensibles aux enjeux « immigration » portés par les composantes extrêmes droitière de cet ensemble putatif. 

Mais aussi, d’un point de vue tactique, des partis comme Reconquête ont éminemment besoin d’être dans un attelage qui l’édulcore et le normalise. Reconquête a donc tout intérêt à continuer à appeler de ses vœux l’union des droites. 

Pour le RN, compte tenu de son positionnement sus évoqué, les intérêts ne sont pas forcément dans ce positionnement droitier, au contraire. D’ailleurs Marine Le Pen a fermement refusé la main tendue par Zemmour en 2022. Reste à voir ce que la signature Bardella va désormais insuffler au RN. 

Vous dites : “Il ne tient qu’aux Républicains de revenir, pour se reconstruire très loin du piège d’un “ni droite ni gauche” ou d’un “en même temps” qui n’a de logiciel que celui de Macron". Comment le peuvent-ils ?

Macron a joué avec le clivage jusqu’à le détruire, mais il n’a pensé aucun logiciel institutionnel permettant de faire sans ce clivage. 

Et pour cause, aujourd’hui Macron et consorts peuvent se maintenir à vie en brandissant le slogan « nous ou le chaos » – le chaos des radicalité bien entendu – enfermant ainsi l’électorat dans un insupportable TINA (There Is No Alternative).

Le distingo gauche - droite est pourtant encore présent dans les esprits et utile/indispensable dans la structure institutionnelle française. 

En effet, sans ce clivage, point d’alternance - sauf à aller chercher du côté des radicalités et de l’extrême droite - et, sans alternance une situation bloquée jusqu’à en être a-démocratique. 

Ce qu’a fait Macron confine à une prison en terres démocratiques. 

Les partis de gouvernement ont donc la responsabilité – mais est-il encore temps ? - de se ressaisir et de refaire vivre ce clivage assurant l’oxygène minimum à notre système. Les LR devraient avoir cela en tête et prendre leurs responsabilités. Au contraire pour quelques postes, ils cèdent encore à la macronie tout en affirmant être dans l’opposition. 

Quel avenir ont les droites, ensemble ou séparément ?

Ces droites largement documentées par feu René Rémond ont pris quelques atours différents. Il me semble qu’elles ont quelque chose de certainement irréconciliable notamment sur la question importante de l’Europe.

Certaines tendances à la Pradié sont incompatibles avec des logiciels à la Zemmour et réciproquement.

Abandonner « Le ni de gauche ni de droite » du FN-RN serait en même temps abandonner une stratégie de dédiabolisaiton qui a pris 20 ans à porter ses fruits avec 88 députés à l’AN pour Marine Le Pen. Cela est impossible pour l’instant.

On le voit, la réponse n’est pas simple sachant que nous ne savons pas quel parti prendrait le leadership d’un tel groupe. Les droites pour l’instant sont en partie irréconciliables même si quelques personnalités sont certainement largement compatibles…

Pour conclure, ce qui est sûr, c’est que la triangulation pensée par Macron aura donné naissance à une tripartition. Cette tripartition ne trouve pas son expression institutionnelle apaisée et ne semble pas permettre d’autres horizons aux électeurs.

Sinon à revoir notre fonctionnement façon Ve république, il n’y aura pas de solutions pérennes dans ce système sans clivage gauche-droite avec partis dits de gouvernement. Sinon à revenir à un système parlementaire. Pour l’heure, l’électeur peut se sentir largement piégé : les abstentions, les votes nuls et blanc le prouvent à chaque échéance.

Les partis de gouvernement doivent prendre leurs responsabilités et mettre en échec cette stratégie trouble voulue par Emmanuel Macron. Car, la macronie n’est qu’une tactique, toujours pas un logiciel politique.

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