Diplomatie du climat
COP 22 à Marrakech : pourquoi l'environnement est désormais la bouée de sauvetage d'une diplomatie française déconsidérée sur les autres fronts
Alors que sur de nombreux dossiers internationaux la diplomatie française est de moins en moins influente, le succès de la COP 21 pourrait permettre à la France de jouer le rôle de leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Henri Landes
Henri Landes est Directeur général de la Fondation GoodPlanet. Il enseigne aussi la politique de l’environnement à SciencesPo Paris depuis 2013 et est le cofondateur de CliMates, un think et do tank sur le changement climatique. Il a également cofondé une start up, Croc, un traiteur bio, local et zéro déchet en Ile-de-France. Franco-américain, il s’intéresse à la comparaison entre la politique américaine et la politique française, notamment sur les questions écologiques. Il est le coauteur avec Thomas Porcher de l'ouvrage sur la COP21, Le déni climatique (novembre 2015) et auteur de Allô Houston, ouvrages respectivement sur la politique climatique internationale et sur la politique américaine. Diplômé de SciencesPo Paris en Affaires internationales et de l’Université de Californie, Davis, Henri Landes a grandi a New York et San Francisco avant de s’installer à Paris en 2009. Il est passionné par la biodiversité marine, et est par ailleurs ancien joueur de tennis de haut niveau.
Atlantico : Au cours des mois qui ont précédé la COP 22 de Marrakech, François Hollande avait manifesté sa volonté d'être un partenaire privilégié du Maroc dans l'organisation de cette nouvelle conférence sur le climat. Dans quelle mesure la France essaie-t-elle de se positionner en leader de la lutte contre le réchauffement climatique ? Au regard de la lenteur du processus de ratification de la COP 21, comment peut-on évaluer l'influence et le poids de la France dans ce domaine ?
Henri Landes : La France est un leader sur le climat d'un point de vue diplomatique. Depuis deux ans, elle a réussi à mobiliser la communauté internationale en faveur de la signature de l'accord de Paris. Elle montre une bonne volonté dans l'arène international et les pays participants à la COP voient la France d'un très bon oeil aujourd'hui. Barack Obama a joué un rôle important également dans l'obtention de l'accord historique, en renversant la position auparavant réticente des Etats-Unis et en créant une alliance climatique avec la Chine.
Cependant, il y a plusieurs autres actions nécessaires pour être leader dans la lutte contre le changement climatique : développer massivement les énergies renouvelables, lancer des grands programmes de rénovation énergétique des infrastructures, privilégier l'agro-écologie et mettre fin à l'agriculture intensive et industrielle, ou encore transformer l'économie en une économie circulaire qui produit de moins en moins et qui valorise les déchets.
La France avance sur ces différents pans de la transition écologique, mais sans être un leader. Dans chaque domaine il y a de fortes résistances au changement dues à la structure très centralisée de l'économie et des pouvoirs publics. Elle ne favorise pas encore l'accélération des initiatives vertueuses, souvent portées par des collectivités, des PME et des entrepreneurs.
Par ailleurs, la France ne montre pas une grande exemplarité sur quelques dossiers internes tels que le projet de Notre-Dame-des-Landes. Si l'aéroport est construit, il contribuera à une forte hausse des émissions de gaz à effet de serre dans l'aviation et détruira la biodiversité et les terres agricoles dans la région. L'avenir consiste beaucoup moins en de nouveaux grands projets d'infrastructures que des petits projets qui marie dès leur conception développement économique local, emplois et préservation du vivant.
Dans quelle mesure une position de premier plan dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique permettrait-elle de redorer le blason de la diplomatie française dans un contexte d'effacement de la France sur de nombreux dossiers internationaux et de difficultés économiques ?
Historiquement, la lutte contre le changement climatique n'est pas le sujet le plus déterminant dans les relations internationales. Les négociations commerciales et sur la sécurité prédominent. Cependant, le climat devient de plus en plus perçu comme un sujet transversal qui doit être pris en compte dans les politiques migratoires, les partenariats économiques et les stratégies militaires.
La lutte contre le changement climatique est aussi une opportunité d'être plus créatif dans la coopération internationale. Il serait intéressant de bâtir des coalitions dédiées précisément à la transition écologique. Nous pouvons imaginer des partenariats avec d'autres pays qui consistent à accélérer le développement de l'agro-écologie, par exemple. Deux pays se mettraient d'accord sur un soutien mutuel et des objectifs communs en matière de production agricole biologique et non industrielle, et de faire un échange de bonnes pratiques.
Ce type de coalitions existe entre les collectivités, tels que le C40 ou Energy Cities. Nous pouvons imaginer cela entre des pays. S'il s'agit de deux pays européens, des coalitions vertes pourraient servir à reconstruire petit à petit l'image et la cohésion de l'Union européenne.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !