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Comment le changement climatique pèse sur les pays en développement
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Ca chauffe

Copenhague, Cancun, Marseille et bientôt Rio, les sommets contre les dérèglements climatiques se multiplient, mais les solutions apportées restent minimes. D'autant que la forte demande économique des pays en développement les rendent autant acteurs que victimes changements.

Emmanuel  Dupuy et Patricia Lalonde

Emmanuel Dupuy et Patricia Lalonde

Emmanuel Dupuy est Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) et Membre du Comité pour une France moderne et plus juste avec Nicolas Sarkozy.

Patricia Lalonde est Déléguée Générale de l’ONG Mobilisation for Elected Women Audience (MEWA). Elle l'auteur avec Anne Marie Lizin «  d’Abdullah Abdullah,l’Afghan qui dit non aux taliban ». Elle est également membre du Comité pour une France moderne et plus juste avec Nicolas Sarkozy.

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Le contexte actuel et l’ampleur que revêt la crise économique et sociale impacte sur les 192 pays acteurs du débat sur le climat, les conséquences du dérèglement climatique et oblige ses derniers à revoir « à la baisse » les ambitieuses solutions à y apporter. C’est pourtant avec persévérance qu’à lieu chaque année le sommet de la Convention cadre Climat de l’ONU pour tenter de trouver un accord entre l’ensemble des pays signataires de Kyoto en 1997. Ce n’est donc pas sans effort qu’un accord a minima fut trouvé à l’issu du sommet de Copenhague du 19 décembre 2009, laissant néanmoins de profonds désaccords quant à l’efficacité de la méthode intergouvernementale à adopter.

Pour y voir plus clair, il convient de revenir sur le contexte dans lequel a été créé cette Convention Climat, de poser les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique et d’énumérer quelques outils ou solutions qui ont été ou qui auraient dû être mis en place lors des derniers sommets de Cancun (fin 2010) et d’Afrique du sud (fin 2011) et qui pourraient constituer des éléments de débats politique en vue du Sommet de Rio, en juin prochain, vingt ans après celui de 1992 qui avait évoqué pour la première fois le nouvel « ordre international écologique ». Il convient, dès lors, de rappeler tout d’abord, le contexte dans lequel se place le débat sur le changement climatique, en prenant en compte symboliquement ces trois réalités d’un monde émergent aux besoins carboniques exponentiels et non maîtrisés :

  • en 2025, les échanges commerciaux indiens auront progressé de 156% ; les chinois de 136% 
  • 36% des 7 milliards d’Habitants sur la planète sont désormais Indiens et Chinois ;
  • L’Afrique est la zone où le bilan carbone est le plus faible, mais où, néanmoins, l’on compte le plus de décès imputables aux aléas climatiques !

Contexte du débat sur le dérèglement climatique

Cela implique d’emblée de faire la constatation pragmatique que, nonobstant l’actuel débat quant aux causes d’origine humaine ou endémique des changements climatiques, ce dernier est en lien avec l’activité humaine croissante et, de fait, en lien avec la croissance démographique mondiale. Et nous ne pouvons lutter contre cela. La suractivité industrielle des pays en développement pose aussi un problème pour contenir ce dérèglement. Du reste, les pays les plus pauvres (en premier lieu desquels ceux situés sur le continent africain) sont ceux soumis aux conséquences les plus extrêmes du dérèglement (sécheresse, avancée du désert, inondations, déforestation...) avec les moyens d’y remédier les plus faibles.

Le sommet Afrique-France du 1er juin 2010 et la présentation des plans d’action de l’Union pour la Méditerranée furent un succès de rassemblement, respectivement pour avoir parlé à « toute l’Afrique », et pour avoir considéré avec réalisme et pragmatisme la spécificité des 500 millions d’habitants du bassin méditerranéen (démographie à peu près équivalente aux 480 millions d’Européens et à mettre en perspective avec le milliard d’Africains d’ici 2015), qui se caractérise, au niveau de la sécurité alimentaire, par exemple à travers la promotion de la diète méditerranéenne comme potentiel mobilisateur transméditerranéen, comme vient le rappeler l’édition Mediterra 2012 du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM).

 Copenhague n’avait hélas pas trouvé d’accord à la hauteur des ambitions de certains pays industrialisés, comme la France, pour qui ce sommet devait être une référence «eco-politique ». Il s’agit désormais de considérer l’ensemble des conséquences majeures tant sur le point géostratégique que géo-économique que ce dérèglement climatique occasionne ou induira dans un proche avenir ; à commencer par l’émergence des réfugiés écologiques, dont le nombre est estimé à près de 50 millions de personnes, dont de nombreuses déplacées demeurent en Afrique.

Conséquences géostratégiques du dérèglement climatique

Il en va ainsi tout d’abord de la fonte des glaces qui peut entraîner l’apparition de nouvelles zones à fort potentielgéo-économique (ou zones d’influence) comme c’est le cas avec la zone arctique, et qui seraient source d’opportunités comme de convoitises. Les publications du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui contribuent généralement à un certain consensus scientifique sur le changement climatique, grâce aux travaux d’une centaine de scientifiques provenant de nombreux pays, avait listé depuis 2007 un certain nombre de conséquences directes du dérèglement climatique. Ainsi, on y retrouve :

  • la hausse régulière de la température (2 à3°C depuis 1990) ;
  • la disparition de 20 à 30% des espèces animales ;
  • une augmentation de la consommation de carbone (2/3 du CO2 provenant des pays en développement qui correspond à une région possédant 80% de la population mondiale) ;
  • la destruction de 80% des récifs corinthiens ;
  • un manque d’eau (sécheresse) pour environ 2 millions de personnes.

Ces conséquences directes se répercutent sur la géopolitique de la région concernée. La sécheresse au Sahel en Afrique par exemple entraîne la famine qui, déstabilisant les pays touchés par des soulèvements de population - caractérisés par l’émergence de mouvements séparatistes et sécessionnistes -peuvent aller jusqu’à exacerber des guerres civiles, pour en conclure par une destruction de la structure démocratiques et constitutionnelle du pays. Ce fut le cas en Ethiopie au début des années 80, comme c’est le cas de manière récurrente au Soudan ou en Somalie. A cela s’ajoute le fait que les pays les plus touchés (en Afrique notamment) n’ont pas les moyens financiers déployés pour y faire face (mauvaise gestion des finances publiques, gabegie, prévarications et faibles PIB de ces pays).

 Enfin, considérant la marée noire causée par l’explosion en avril 2010 de la plate-forme pétrolière de la compagnie anglo-néérlandaise BP au large des côtes de Louisiane, convient-il de prendre en compte que de telles accidents ont été de nature à influer « positivement » sur les Etats-Unis, plus enclins à changer leur position et à tenter de convaincre deux autres non-signataires de Kyoto (traité signé en 1997 par 183 pays et entré en vigueur en 2005), la Chine et l’Arabie Saoudite, pour trouver un accord global en juin prochain. Dans ce contexte, il convient de se rappeler que Kyoto ne demandait que la réduction de 5% de gaz à effet de serre sur 5 ans d’ici à 2012, ce qui fut largement en dessous des ambitions de Copenhague. A ce stade, dressons quelques pistes d’outils et solutions pouvant servir de base de travail pour les prochains sommets, dont le Sommet mondial de l’eau qui se tient actuellement à Marseille. 


Les outils et solutions pour faire face à ces conséquences de dérèglement climatique

Les étapes indispensables pour une réponse efficace à ces conséquences, du moins au niveau européen pourraient se résumer ainsi : 

1)     Anticiper la réponse à la crise, c’est surveiller l’environnement (à travers la mise en œuvre du système GMES - Global Monitoring for Environment and Security) opéré par l’Agence Spatiale Européenne depuis 2008 et à renforcer en terme financier ;

2)   Anticiper la réponse à la crise, c’est prévenir les catastrophes naturelles (à travers le système mondial d’alerte et de coordination en cas de catastrophe - GDACS, Global Disaster Alert and Coordination System ainsi qu’à travers le programme de réponse aux désastres naturels d’ECHO (DIPECHO), ou encore le Mécanisme Communautaire de Protection Civile qui permet de préparer les réponses éventuelles aux désastres, dont le cœur est le Centre de Suivi et d’information (MIC - Monitoring and Information Center) ;

3)   Anticiper la réponse à la crise, c’est préparer une crise de santé publique. Il s’agit pour l’Union européenne d’avoir une vue d’ensemble des phénomènes de pandémies et d’épidémies. C’est le rôle dévolu au Centre opérationnel de gestion des crises sanitaires (HEOF - Health Emergency Operations Facility) ;

4)  Répondre dans l’urgence, c’est alléger la souffrance humaine. L’urgence (aide alimentaire, accès à l’eau, fourniture d’hôpitaux, de tentes pour les réfugiés, mise à disposition de médecins) n’est pas restreinte aux seules catastrophes naturelles, celles-ci pouvant survenir dans un contexte de crise prolongée, notamment quand il s’agit de désastres majeurs ;

5) Reconstruire et stabiliser (ce que d’aucuns ont conceptualisé comme celui de l’approche globale) sur le long terme, c’est consolider et reconstruire les infrastructures vitales. Dans cette perspective, le Mécanisme de Réaction Rapide, créé en2001, a permis de répondre rapidement aux besoins de pays traversant une grande instabilité politique ou souffrant des effets d’un désastre. Ce mécanisme est notamment mis en œuvre lorsque la réponse à la crise comporte un objectif de politique étrangère et que l’Union européenne apporte une réponse dans le cas dela PESD civile (mission de police de l’UE en Bosnie en janvier 2003 ou en Afghanistan depuis 2009). 

Le Traité de Lisbonne confère, du reste, à l’UE une expérience et un avantage qualitatif non négligeable en la matière : c’est ce que certains ont théorisé à travers le concept de « Soft policy » européenne.

Les enjeux politiques du Sommet de la terre de Rio de Janeiro (juin 2012)

Dès lors, le prochain sommet de Rio+20 en Juin prochain devra tenir compte des changements géopolitiques :

  • l’anticipation par certains pays (à l’instar de la Lybie - à l’époque de Khadafi - ou l’Arabie Saoudite) des dérèglements climatiques par l’achat de terres moins soumises à ces aléas, hors de leur territoire (en Ukraine par exemple) ;
  • la nouvelle forme de coopération et de solidarités sud/sud et non plus strictement nord/sud : certains y voient un basculement d’un agenda Nord/Sud aux arrières pensées économiques vers un agenda plus ouvertement Sud/Nord, favorisé par processus démocratiques nés du « Printemps arabe » et de nouvelles exigences commerciales et renégociations politique vis-vis de l’UE ;
  • l’Esprit de Bandung (= contre le colonialisme, contre le racisme, contre la pauvreté et le sous-développement, et prônant une coexistence pacifique qui éloigne nombre de pays de la zone traditionnelle d’influence euro-atlantique et consacre une certaine forme de « désoccidentalisation » des RI) qui accompagne l’arrivée sur la scène internationale des pays émergents (BRICAS).

Le but de Rio+20 sera de stimuler au niveau mondial le développement durable. « Equité et Durabilité » devront en être les principaux moteurs. D’un côté, l’Education et le renforcement du rôle des femmes dans la vie sociale de leur pays (empowering women) devraient en être les composantes principales, avec la promotion de filets de sécurité pour les plus pauvres. De l’autre, la réduction de l’empreinte écologique des pays développés. Toutefois la crise financière risque de rendre les négociations plus difficiles. C’est ainsi que le Forum Mondial de l’Eau à Marseille, au-delà de la seule dimension liée à la gouvernance de l’eau et de sa dimension citoyenne qui le rend accessible, voire même gratuit au plus grand nombre, impliquant ainsi multinationales, ONG et usagers des acteurs aussi importants que les Etats, ne fait que préfigurer un débat éminemment politique, mais pas uniquement entre politiques, qui trouvera son point d’orgue à Rio en juin prochain. 

Il y enverra un message insistant sur l’adoption d’un «  paquet » sur l’eau et l’énergie, c’est-à-dire, l’accès universelle à l’eau et à l’assainissement d’un côté, et à l’énergie de l’autre, la réduction du gaspillage de l’eau et de l’énergie et la nécessité de prendre en compte l’aspect écologique des politiques à mener.

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