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Comment la croissance démographique de la minorité hispanique va transformer le visage des Etats Unis
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Latinos

Selon un résultat d'analyse de la démographie américaine réalisée par le Centre de Recherche PEW, la communauté hispanique représente près de 50% de la croissance de la population américaine en 2017. UN changement qui risque de changer le visage des Etats-Unis.

François Durpaire

François Durpaire

François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise.

Il est président du mouvement pluricitoyen : "Nous sommes la France" et s'occupe du blog Durpaire.com

Il est également l'auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

 


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Atlantico : Selon un résultat d'analyse de la démographie américaine réalisée par le Centre de Recherche PEW, la communauté hispanique représente près de 50% de la croissance de la population américaine en 2017. Bien que cette population hispanique ne représente aujourd'hui que 17% du total, ces tendances auront elles pour effet de changer le visage du pays ou est-ce que l'abaissement du taux de natalité des minorités, au fil des ans, conduira à un tassement de cette tendance ?

François Durpaire : Sur le plan démographique, il y a un caractère inéluctable dans l'évolution à laquelle on est en train d'assister. On estime qu'en 2044, les blancs non hispaniques seront minoritaires aux Etats-Unis. Un tiers de cette population sera latino.  Par exemple, si aujourd'hui, on arrêtait tous les immigrants illégaux dans les 10 prochaines années, cette tendance serait de toute façon inévitable. Est-ce que cela va changer le visage de l'Amérique? On peut dire que la société a déjà changé. Il y a différents indicateurs : la religion catholique gagne du terrain. La langue espagnole aussi. Les plats – Tacos, Burritos – font partie de l'univers culinaire américain, à côté du hamburger. La bière mexicaine est quasiment autant vendue que la bière américaine.

Et puis, au niveau des services, vous pouvez payer votre facture d'électricité en espagnol. Aller au guichet bancaire et faire vos opérations en espagnol. Les services clientèles proposent de choisir l'espagnol. Au niveau des médias, vous pouvez choisir vos chaînes uniquement en espagnol. Au niveau économique, les entreprises latinos représentent plus de 3 milliards de dollars annuels.  Les polices de Los Angeles et de New York sont aujourd'hui à majorité hispanique. Tous ces indicateurs montrent qu'il y a bien une hispanisation de l'Amérique. La croissance de la population hispanique est continue. Il peut y avoir, politiquement, la volonté de freiner, de ralentir cette croissance. C'est un petit peu l'objectif de la victoire de Donald Trump. On a vu ce dernier sous le slogan Make America Great Again. Mais pour beaucoup de ses électeurs, ils ont entendu Make America White Again. Pour l'instant, on a fait peu de sujets dessus, mais la grande affaire de la rentrée sera la loi anti-immigration qui est initiée au Congrès. Ce qui est soutenu par Donald Trump, c'est le plan de division par deux de l'immigration d'ici 10 ans. Aujourd'hui, vous avez un million de cartes vertes qui sont distribuées.

Sur le plan qualitatif, le président des Etats-Unis souhaitent que ce soit une immigration très qualifiée, pour que les immigrés mexicains peu qualifiées ne concurrencent pas les ouvriers blancs qui sont le coeur de son électorat.  C'est la préférence nationale. Mais la moitié des immigrants qui arrivent aux Etats-Unis ont déjà des diplômes universitaires. L'évolution est déjà là.

Faut-il s’attendre, à terme, non pas à une domination d'une communauté, mais une fragmentation de la population en plusieurs minorités? Dans quelle mesure les USA se préparent à ça ?

Il y a trois scénarii possibles. Deux négatifs, et un positif. Le premier scénario est celui d'un éclatement qui produirait une société mosaïque. Les communautés vivent les unes à côté des autres sans se rencontrer, avec un poids de plus en plus grand de la communauté hispanique. Le deuxième scénario, c'est une sorte d'infusion de la culture latine. Les identitaires américains imaginent même une submersion hispanique. Ils sont le pendant de ceux qui en Europe mettent en avant l'idée d'un "grand remplacement". Pour illustrer cela, certaines villes reprennent leur prononciation hispanique, comme Los Angeles ou Miami. Troisième hypothèse, c'est une sorte une acculturation réciproque. Il y a bien une anglo-saxonisation de ces Hispaniques. La langue anglaise ne se perd pas. Les prénoms choisis par les hispaniques sont anglo-saxons (Jennifer Lopez...). Beaucoup d'Hispaniques de troisième génération ne parlent même plus espagnol. C'est le processus qu'ont connu les Etats-Unis au cours de son histoire qui se prolongerait : une interaction culturelle, économique et sociale entre les groupes qui sont déjà présents et les groupes qui arrivent.

La communauté blanche étant celle avec le taux de natalité le plus faible, faut-il voir ces tendances comme une cause des angoisses identitaires d'une partie de la population ?

Il y a une partie du vote Trump est qui est basée sur la peur d'une perte de l'identité anglo-saxonne.  Mais de même qu'il n'y a pas une communauté blanche homogène, sur le plan social et des origines (le livre de Karen Brodkin montre comment les Juifs américains sont "devenus blancs"...), la communauté hispanique est diverse : 20 nationalités, une diversité sociale etc.  La classification de cette communauté par le Census Bureau a d'ailleurs évolué : "non-blanc" en 1930, "blanc" à partir de 1940, l'hispanique américain a le droit de se choisir noir ou blanc depuis 1990...  Ces questions identitaires dépendent surtout du regard de l'autre, car, en eux-mêmes, ces communautés sont des groupes labiles. Ce qui est sûr, c'est si en 1960, 3/4 des migrants venaient de l'Europe. Aujourd'hui, la majorité viennent du continent américain. L'évolution à laquelle on assiste est bien au sens littérale une américanisation des Etats-Unis.

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