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Chine/Inde : une frontière 
au bord de l'explosion
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Choc des titans

L'Inde devrait acheter 126 Rafale à la France. Un contrat qui devrait faire de son armée de l'air l'une des plus performantes de la région. Mais pour faire la guerre à qui ? Si les tensions qui oppose Delhi au Pakistan sont connues, ses relations avec la Chine sont également marquées par des violences presque quotidiennes.

Isabelle Saint-Mézard

Isabelle Saint-Mézard

Isabelle Saint-Mézard est enseignante et chercheuse à l'Université Paris VIII. 

Elle a publié en 2022 un ouvrage intitulé "Géopolitique de l'Indo-Pacifique" aux éditions PUF.

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Au premier abord, la ligne de contrôle qui sépare la Chine et l’Inde sur près de 3500 km, le long de la barrière himalayenne, paraît plutôt calme. Mais cette stabilité n’est qu’apparente. Les zones frontalières sont devenues depuis quelques années le théâtre d’un face-à-face où les deux voisins se testent l’un l’autre, au prix d’un durcissement de leurs revendications territoriales et d’un renforcement de leurs infrastructures civiles et militaires. 

Depuis trente ans que Pékin et New Delhi négocient sur la dispute frontalière, les avancées en vue d’une résolution sont minimales, au point d’ailleurs que l’on peut s’interroger sur la volonté réelle des deux parties de trouver un règlement. Pour la Chine, qui a normalisé la plupart de ses frontières continentales, l’Inde reste à ce jour le seul voisin avec lequel un conflit territorial terrestre perdure. Pour les Indiens, la question frontalière évoque le souvenir douloureux de leur débâcle militaire face à l’offensive éclair chinoise en 1962. Les superficies en conflit sont, par ailleurs, importantes et se répartissent en deux secteurs. Dans le secteur Est, l’Inde contrôle 90 000 km² (Arunachal Pradesh), revendiqués par la Chine ; dans le secteur Ouest, c’est la Chine qui détient 38 000 km² dans la région de l’Aksai Chin, que l’Inde revendique.

La question frontalière sino-indienne est d’autant plus complexe qu’elle s’imbrique avec deux autres conflits, l’un sur le Tibet, l’autre sur le Cachemire. Pékin revendique en effet l’Arunachal Pradesh au nom de l’unité historique du Tibet. En ce sens, la dispute frontalière est intimement liée au problème de souveraineté de la Chine au Tibet. La réactivation des revendications sur l’Arunachal Pradesh s’inscrit d’ailleurs dans un contexte de troubles persistants dans les régions tibétaines sous contrôle chinois depuis 2008.

Dans le secteur ouest, l’Aksai Chin est revendiqué par l’Inde comme faisant partie du Cachemire. New Delhi estime que, dans la mesure où le souverain du Cachemire a choisi en 1947, au moment de l’Indépendance, de rejoindre l’union indienne, l’Aksai Chin devrait être sous sa souveraineté. La dispute frontalière rejoint ici la question de la souveraineté indienne sur le Cachemire, laquelle est violemment contestée par le Pakistan. La dispute frontalière sino-indienne sur l’Aksai Chin se trouve donc indirectement liée au conflit historique qui oppose l’Inde au Pakistan sur le Cachemire.

Guerre des nerfs

La réactivation des tensions sur les zones frontalières sino-indiennes passe par unjeu de provocations contrôlées et une guerre des nerfs. Depuis 2006, les deux voisins s’accusent régulièrement de transgresser la ligne de contrôle lors de patrouilles opérées par leurs troupes respectives. Les récriminations sont particulièrement vives côté indien, où l’on estime que les troupes chinoises tentent délibérément d’étendre leur zone de contrôle. Le problème est devenu suffisamment sérieux pour que les deux Etats établissent en ce début d’année 2012 un mécanisme spécifique de consultations sur la question des transgressions.

Les Chinois se sont par ailleurs lancés dans une série de gesticulations diplomatiques qui visent à rappeler leurs revendications territoriales : au refus de délivrance de visa pour les résidents de l’Arunachal Pradesh, ils combinent une politique de protestations officielles lorsque de hautes autorités indiennes se rendent dans l’Etat disputé. Enfin et surtout, ils procèdent à un renforcement général des infrastructures de transport au Tibet,  notamment aux abords de la ligne de contrôle. La ligne de chemin de fer Golmud – Lhasa, qui a été mise en fonction en 2006, devrait à terme s’étendre vers les villes de Shigatse et de Nyingchi, non long de la ligne de contrôle. De même le réseau routier chinois s’étend-il vers l’Arunachal Pradesh. Quant à l’opacité du renforcement de la présence militaire chinoise au Tibet, elle n’a rien pour rassurer côté indien.

En réaction, l’Inde développe ses propres infrastructures le long de la ligne de contrôle et travaille, depuis 2008, à la construction de 3800 km de routes dites « stratégiques ». Mais, New Delhi a surtout pris le parti d’accroître ses capacités de défense. Aux abords de l’Arunachal Pradesh, l’Inde a posté deux divisions supplémentaires d’infanterie de montagne (soit 36 000 hommes) et déployé deux escadres d’avions de combat Sukhoi sur la base de Tezpur. Dans l’ensemble des zones frontalières, elle lève des troupes spéciales, en recrutant parmi les populations locales, et modernise ses terrains d’aviations. C’est désormais du côté chinois que l’on note et condamne l’activisme indien, au grès d’articles virulents publiés dans la presse officielle.

La Chine prend l'avantage

Les Chinois n’en gardent pas moins l’ascendant sur leur voisin indien. Postés sur le plateau tibétain, à plus de 4000 mètres d’altitude, les forces chinoises surplombent avantageusement les armées indiennes qui sont déployées sur les contreforts himalayens. Pour ajouter aux difficultés de l’Inde, la Chine est aussi très présente chez son vieil ami pakistanais, notamment dans la région du Cachemire (sous contrôle pakistanais), où elle conduit plusieurs grands travaux d’infrastructures. Les Indiens sont  convaincus que ce sont les corps d’ingénierie de l’armée de libération du peuple qui sont déployés dans cette région qu’ils disputent aux Pakistanais.

L’enchevêtrement croissant des conflits sino-indien et indo-pakistanais ne laisse rien augurer de bon pour l’avenir. Les postures de l’Inde vont d’ailleurs se durcissant et ses états-majors envisageraient à nouveau un scénario de conflits armés sur « deux fronts » simultanés, face au Pakistan et à la Chine, et planifieraient la structure de leur force en conséquence.

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