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C'est quoi un bon prof ? De l'enthousiasme communicatif et beaucoup de persévérance...
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L'instit'

Un bon prof, c'est beaucoup de persévérance. Il n'y arrive pas toujours, mais ne pas y croire serait renoncer à sa mission avant même d'avoir essayé. Deuxième épisode de notre série.

Nicolas  Mascret

Nicolas Mascret

Nicolas Mascret est Maître de Conférences à l’IUFM Aix-Marseille et Membre du CEDREPS (Collectif d’Etude Disciplinaire pour la Rénovation de l’EPS).

Il est l'auteur de N'oublions pas les bons profs (Anne Carriere, 2012)

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A (re)lire aussi sur ce sujet : Rentrée scolaire : Qu'est-ce qu'un bon prof ?

L’immense majorité des publications sur l’école sont d’un pessimisme radical, et présentent l’école et les enseignants dans leurs travers et leurs côtés les plus noirs, voire parfois les plus malsains et les plus sordides. Il s’agit d’être réaliste : la situation dans les établissements scolaires est souvent très difficile, parfois catastrophique, jusqu’à être dans certains cas dramatique. Pour autant, dans ce contexte quelque peu maussade, il existe de nombreux professeurs inoubliables, qui marquent à jamais leurs élèves. Ils sont pourtant confrontés aux mêmes problèmes, aux mêmes élèves, à la même école, à la même société.

Si quelqu’un vous demande d’évoquer le souvenir d’un bon prof que vous avez eu dans votre propre scolarité, il y a de fortes chances pour qu’un nom, un visage ou une situation vous reviennent très rapidement en mémoire. Par contre, répondre de façon plus globale à la question « Qu’est-ce qu’un bon prof ? » est bien plus complexe, car chacun a un avis sur la question, et identifie ce que peut être un bon prof à la lumière de ce qu’il a lui-même vécu dans sa propre scolarité.

Dans le cadre de l’ouvrage, les personnes interrogées ont donné tellement de caractéristiques différentes du bon prof qu’il semble impossible d’en dresser un portrait-robot. Certaines personnes appréciaient l’autorité d’un prof, alors que d’autres trouvaient qu’il les oppressait. Un élève mettait en avant l’humour toujours fin d’un enseignant, alors que son camarade affirmait qu’un prof n’était pas là pour faire rire les élèves. Parmi cette diversité de réactions et de ressentis forcément subjectifs, un fil rouge est progressivement apparu. La relation qui se noue entre élèves et professeurs est souvent une relation qui associe deux aspects complémentaires : une relation humaine et une relation basée sur les savoirs. Boris Cyrulnik, interviewé dans le cadre de l’ouvrage, affirme que les profs « ne peuvent devenir instructeurs que si auparavant, par ailleurs ou en même temps, il y a eu une relation avec l’élève. Un prof qui déclenche des émotions relationnelles chez l’enfant le motive et peut à ce moment-là transmettre des connaissances ».

Les souvenirs de bons professeurs sont souvent associés à leur exigence du point de vue du travail, de l’attitude, de l’apprentissage. En étant exigeants envers leurs élèves, même ceux qui étaient en difficulté, ces professeurs les ont marqués en leur permettant finalement de réaliser ce dont ils ne se sentaient peut-être pas capables au départ. Axel Kahn se souvient de l’un de ses professeurs de Sciences Naturelles « ayant cette exigence de l’élitisme républicain amenant à la promotion de l’effort chez ses élèves ». La passion de l’enseignant pour sa discipline et sa passion de transmettre participent pleinement à ce processus. Par son engagement, sa motivation, les élèves peuvent se laisser happer, se laisser emmener sur les chemins de l’apprentissage. Il ne s’agit pas ici uniquement de la personnalité enjouée de l’enseignant ou d’une quelconque représentation théâtrale, mais bien de l’enthousiasme et de l’engouement qui accompagnent la transmission des savoirs, tellement communicatifs qu’ils incitent l’élève à s’engager dans les apprentissages, parfois sans même sans apercevoir. C’est alors que le fameux « déjà ! » de fin de leçon peut facilement retentir dans la bouche des élèves !

Le bon prof semble donc instaurer avec ses élèves une relation humaine qui ne brade pas ses exigences sur les savoirs. Il est fréquent d’entendre chez les élèves ou les anciens élèves qu’avec cet enseignant ils n’avaient jamais autant aimé les mathématiques, ou qu’avec tel autre ils avaient atteint un très haut niveau en français. Marcel Rufo évoque bien ce double aspect : « Je crois que le prof, et c’est peut-être toute la difficulté de la neutralité pédagogique, apporte une trace de vie, une trace pour la vie, aux élèves qu’il rencontre ». Une trace humaine et une trace liée à l’apprentissage.

Puisqu’il faut se risquer à donner une définition personnelle, je serai tenté de dire qu’un bon prof est un prof que l’on aimerait ou que l’on aurait aimé retrouver l’année suivante. Plus précisément, un bon prof est pour moi à la fois un enseignant brillant et un enseignant qui a les yeux qui brillent. Il est brillant, car il maîtrise vraiment sa matière, il se pose des questions pour faire évoluer son enseignement, il réactualise sans cesse ses connaissances et il est capable de les organiser pour les mettre à portée de ses élèves sans jamais en rabattre sur ses exigences. Mais cette qualité ne serait rien sans l’enthousiasme communicatif qu’il dégage en cours, qui témoigne de son intérêt pour sa discipline, pour son métier, pour ses élèves, mais également de son envie d’être là. Enfin, ma définition personnelle du bon prof ne peut pas s’envisager sans évoquer sa profonde conviction que tout élève, quel qu’il soit, est une personne capable d’être instruite, éduquée et formée comme les autres élèves, tout en respectant sa singularité. Le bon prof n’y arrive pas toujours, mais ne pas y croire serait renoncer à sa mission avant même d’avoir essayé.

Chaque bon prof est donc un bon prof à sa manière. Il existe des profs fantastiques sans aucun humour, des profs inoubliables qui ne font pas de projets et de sorties, ou encore des profs géniaux qui ne prennent pas de risques. Toutefois, on ne naît pas bon prof, on le devient. Enseigner est un métier qui s’apprend. C’est par la formation initiale et continue, bien mise à mal ces dernières années, que l’on peut travailler tous les jours à devenir un bon prof, que l’on soit un enseignant débutant ou plus expérimenté. Et peut-être un jour avoir la chance de recevoir une lettre, comme celle qu’Albert Camus écrivit en 1957 à son ancien instituteur Monsieur Germain, peu de temps après avoir obtenu le Prix Nobel de littérature : « Je ne me fais pas un monde de cette sorte d'honneur. Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l'âge, n'a pas cessé d'être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces ».

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