Bilbo Le Hobbit vous fera-t-il aller en Nouvelle-Zélande ? Hollywood, le nouveau tour operator<!-- --> | Atlantico.fr
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L'anneau maléfique de la trilogie du "Seigneur des anneaux" et de "Bilbo Le Hobbit" qui ont donné envie aux spectateurs de visiter la Nouvelle-Zélande.
L'anneau maléfique de la trilogie du "Seigneur des anneaux" et de "Bilbo Le Hobbit" qui ont donné envie aux spectateurs de visiter la Nouvelle-Zélande.
©Reuters

Voyage voyage

D'après le Tourism Competitive Intelligence, 40 millions de touristes auraient choisi en 2012 leur lieu de vacances après avoir visionné un film dont le tournage s'était déroulé sur place.

Pierre  Chazaud

Pierre Chazaud

Pierre Chazaud est professeur des Universités à Lyon I. Il a notamment écrit Management du tourisme et des sports de pleine nature aux  Editions PUS – Voiron 2004). Son dernier ouvrage est bilingue français / anglais Itinéraire spirituel aux Editions Mandala Toulaud (2013).

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Atlantico : Entre 2000 et 2006, le nombre de touristes en Nouvelle-Zélande est passé de 1,5 million à 2,4 millions grâce au succès de la trilogie du Seigneur des Anneaux tournée dans ce pays d'Océanie. Le nombre de visiteurs s'est ensuite stabilisé à 2,5 millions. Avec The Hobbit, dont le deuxième volet sort mercredi 11 décembre, la Nouvelle-Zélande espère relancer le tourisme. Le cinéma est-il devenu la meilleure agence de voyage du monde ?

Pierre Chazaud : Dans l’exemple que vous citez, il existe deux types de retombées économiques : les recettes liées au tournage du film lui-même et celles liées à l’augmentation de la fréquentation touristique. Par exemple, le tournage d’un film  comme le Seigneur des Anneaux a mobilisé plusieurs centaines de personnes pour aménager les décors, accueillir les équipes techniques d’électriciens ou de garagistes, héberger les acteurs et les figurants…

Chaque fois, l’annonce du tournage d’un film attire aussi une importante clientèle de spectateurs. Quant aux retombées médiatiques du film, elles sont internationales, puisque le site touristique où le film est tourné doit gérer chaque jour les demandes des télévisions, des journalistes de la presse écrite, des radios, des agences de presse. Ensuite quand le film est fini, ce sont des milliers de personnes qui viennent pour visiter les anciens lieux de production qui rentrent dans le cycle des produits touristiques devant être vus. Le film devient alors un prescripteur d’une nouvelle destination touristique. 

L'impact du cinéma sur le tourisme est-il un phénomène est récent ?

Le cinéma et l’audiovisuel en général (TV, internet…) s’affirment de plus en plus comme le genre artistique le plus médiatique. Et bien évidemment, certaines destinations touristiques l’utilisent comme facteur d’images. Mais ce lien entre cinéma et tourisme n’est pas nouveau. Il existe depuis plus de quarante ans en France. En effet, c’est en 1973 qu’est lancé à Avoriaz, le festival du film fantastique à l’initiative du groupe "Pierre et vacances" promoteur de la station. L’objectif était de donner l’image la plus forte possible. Le cinéma semblait le plus apte à créer un phénomène médiatique d’envergure. Cette station était alors en pleine expansion immobilière. Il devenait nécessaire de la remplir en basse saison. Dès les premières années, ce festival rencontra un grand succès à cause du thème du fantastique.

Ce genre qui était en train de naître devint rapidement grand public grâce au festival d’Avoriaz qui lui donna ses lettres de noblesse. L’un des premiers films a être primé fut "Duel"  de Steven  Spielberg, alors quasi inconnu. Ce succès s’expliquait  aussi à l’époque par l’adéquation du fantastique avec l’architecture futuriste de la station d’Avoriaz. Le cinéma à travers de superbes évènementiels est devenu par la suite une plateforme pour promouvoir non seulement une destination touristique, mais aussi divers types de produits. Le festival de Cannes en est sans doute le meilleur exemple puisque c’est un bel outil de promotion touristique de la Côte d’Azur grâce eux nouvelles techniques du marketing associé au cinéma.

Hormis la Nouvelle-Zélande qui a bénéficié du succès du Seigneur des Anneaux, d'autres destinations ont-elles également vu leur nombre de touristes augmenter après la sortie d'un film ? Pouvez-vous donner des exemples ?

La station française de Peyragudes dans la vallée de Louron en acceptant le tournage de plusieurs scènes d’un film de James Bond en 1996 a connu un afflux de touristes supplémentaires mais a dû aussi s’organiser de multiples façons. La société Kanzaman domiciliée à Monaco avait, à l’époque, en effet besoin d’un altiport dans un site de montagne permettant des plans assez larges tout en évitant de présenter l’urbanisation d’une station de ski, car il s’agissait de figurer une base secrète russe installée en Afghanistan, plaque tournante d’un important trafic d’armes. L’altiport de Peyresourde qui est implanté  à 800 mètres des pistes en surplomb de la vallée de Louron est apparu alors comme le site idéal pour tourner une partie du film. Mais la piste d’atterrissage de l’altiport a dû être rénovée. Il a fallu enterrer les fils électriques, construire un hangar métallique  utilisé comme salle de restauration pendant le tournage puis ultérieurement comme un abri pour des avions de tourisme. Les abords de l’altiport ont dû être aménagés pour recevoir une vingtaine de semi-remorques pendant le tournage. Toutefois, ce film grâce à l’effet James Bond a augmenté de manière importante la fréquentation de la station.

Cet impact du cinéma est-il l'illustration d'une forme différente de tourisme ? Il semble qu'avec le cinéma, notre rapport aux destinations soit modifié, comme si on ne se rendait dans un pays non plus pour découvrir mais pour vérifier. Qu'est-ce que cela vous inspire dans l'approche qu'ont les gens des voyages ? 

Le cinéma est non seulement un outil de communication mais aussi un outil de développement du territoire voire de mise en récit, de mise en histoire d’une destination touristique, ce qui explique la modification des comportements autant de la part des décideurs que des touristes. Plusieurs régions françaises, telles que la Franche-Comté, Rhône-Alpes ou le Bordelais apportent un soutien logistique et financier aux productions de film.

Cette politique contribue à la diffusion auprès de millions de spectateurs d’images montrant la diversité d’un patrimoine le plus souvent très typé puisque représentant des paysages et des monuments originaux qui rentrent alors en symbiose avec des héros de films. En effet, un bon film tourné dans ces régions peut aussi jouer un autre rôle auprès de l’imaginaire des touristes. Après avoir vu le film, le spectateur veut en savoir plus, surtout s’il s’est identifié aux héros ou à l’un des personnages du film. Il a envie d’aller sur place non pas seulement dans une optique voyeuriste ou comme un huissier de justice qui vient contrôler ou vérifier la matérialité d’un décor. Il vient sur place pour continuer l’histoire du film, s’y inclure en quelque sorte en revivant les scènes les plus fortes.

Le meilleur exemple est sans doute celui du film « le Grand  Bleu » tourné dans une île grecque de la mer Égée. De nombreux  touristes viennent désormais chaque année à Amorgos, sur les traces de plongeurs épris d’absolu. Et le café du coin projette chaque soir ce film aux touristes. Grâce au cinéma qui développe de multiples connexions avec l’art et la littérature, le simple spectateur se transforme d’abord en touriste, puis en une sorte de pèlerin qui souhaite retrouver non seulement des traces des lieux de production, mais aussi des émotions qu’il a vécues. Dés lors, le site où a été tourné le film se magnifie, se « sanctuarise » pour ainsi dire, puis s’inscrit dans un imaginaire, dans une sorte de mythe. Aujourd’hui, certains territoires grâce aux apports du story-telling et de la thématisation continuent pour ainsi dire l’histoire du film de manière symbolique. Dans cette logique, le cinéma est alors utilisé comme un outil d’un marketing touristique alternatif ou expérienciel très subtil.

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