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Bernadette Chirac :
« La Corrézienne, c'est moi »
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La reine mère

Mme Chirac brigue de nouveau ce dimanche son 6e mandat de conseillère générale du canton de Corrèze. Dans "La reine Mère", Pascale Tournier raconte l'emprise de l'ancienne première dame sur son canton. Extraits (2/2).

Pascale Tournier

Pascale Tournier

Pascale Tournier est journaliste politique à France Soir. Elle a publié récemment Dans les cuisines de la République.

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Jacques Chirac et la Corrèze ? Ce n’est plus son affaire depuis son deuxième mandat à l’Élysée. Sur les instances de son conseiller en communication, Jacques Pilhan, Jacques Chirac avait pris ses distances avec les Corréziens, pour endosser les habits de président de tous les Français. Depuis 2007, il n’a pas cherché vraiment à reprendre contact avec cette terre qui lui a porté chance. La mort, en 2003, de son ami le docteur Henri Belcour, qui lui avait donné les clés du département en 1976, marque la fin d’une époque. Autrefois, il veillait sur le RPR local. Au moindre soubresaut, à chaque secousse en interne, il accourait. Aujourd’hui, les bisbilles de la fédération UMP l’ennuient. Quand il vient en vacances, le plus célèbre des retraités, toujours suivi d’un médecin, reste planté devant sa télé ou déjeune au restaurant du musée de Sarran. La formule « Le Corrézien, c’est moi », qu’il serinait sans cesse à sa femme, n’a plus de sens. Aujourd’hui, c’est elle « la Corrézienne ». C’est elle qui a pris le relais de son mari et qui, depuis vingt-deux ans, est fidèle à chaque rendez- vous électoral. Depuis sa première élection en 1979, elle arpente, avec son brushing impeccable, chaque kilomètre de son canton. Malgré son âge avancé, elle compte encore faire entendre sa voix dans ce département rural qui a tant compté dans l’ascension des Chirac. Pour les élections cantonales des 20 et 27 mars 2011, Bernadette Chirac n’a pas remisé au placard ses bottes crottées aux talons usés. Au contraire. Elle a même sorti du garage sa fidèle Peugeot 205 rouge immatriculée « 75 ». Celle au volant de laquelle elle sillonne, depuis 1984, toutes les routes sinueuses de son microfief corrézien. Celle qui lui a valu de gagner à chaque scrutin son siège de conseillère générale de Corrèze.

Le 10 novembre 2010, elle annonce sa candidature dans les médias. Seule. Elle n’envisage pas de se joindre à la conférence de presse des autres candidats UMP du département, le 26 novembre 2010, jour de la Sainte-Barbe. Elle leur a signifié qu’elle n’était de toute façon pas disponible ce jour-là. Pour cette sixième élection, Bernadette Chirac entend montrer qu’elle reste un électron libre en Corrèze, qu’elle bénéficie d’un statut à part et trône au-dessus de la mêlée.

L’ancienne Première dame a hésité à se présenter. « J’ai beaucoup de choses à faire. Je m’occupe de deux grosses fondations, dont celle de Claude Pompidou. J’ai également une famille et il faut un peu s’en occuper[1]», a-t-elle confié. Son entourage a même essayéde la dissuader. Cette élection comporte des risques. C’est peut-être celle de trop. Bernadette Chirac a déjà soufflé ses soixante-dix-sept bougies. Et les temps changent. Depuis l’élection deFrançois Hollande à la présidence du conseil général de Corrèze,l’étoile chiraquienne pâlit. Tout un symbole : à Saint-Dézery, LesGravades, le célèbre restaurant de Raymond Fraysse, où JacquesChirac s’arrêtait toujours pour déguster une tête de veau, vient defermer pour faillite. Pis, durant l’hiver 2010, François Hollande aosé pénétrer dans le saint des saints de la Chiraquie. Dans le bourgde Corrèze, il a organisé une réunion à l’hôtel Mercure LaSeniorie, la base de repli du couple Chirac pour l’hiver. Et puis,l’électorat rajeunit. «Beaucoup, parmi les soutiens des Chirac, sont décédés, confirme son ami, le maire UMP de Chamberet, DanielChasseing. Les jeunes se rendront-ils compte de tout le travail qui a été fait[2]? » Même au cœur de son canton chéri de Corrèze,Mme Chirac est menacée de perdre, ou tout au moins de figureren ballottage, comme à ses débuts, le 18 mars 1979, lors de sapremière élection à l’assemblée départementale. Son concurrentde gauche François Barbazange, également maire de Corrèze,est très apprécié sur ce canton, qui a, par ailleurs, voté à 60 %à gauche lors des dernières élections régionales. L’homme à lamoustache blanche et à la petite voix n’est pas un foudrede guerre. Mais il est plus présent au quotidien sur le terrainque la conseillère générale.

Celle-ci repousse finalement ces arguments d’un revers de la main. Pas question pour la « Corrézienne de cœur » de lâcher en cours de route les projets qu’elle a lancés. Pas question non plus pour elle de prendre sa retraite. Et, si elle est élue, ce n’est que pour trois ans. Son mari décline, Bernadette Chirac se sent encore vaillante. « Elle n’a pas changé physiquement et mentalement depuisvingt ans[3]», admire Daniel Chasseing. Après plus de trente ans de règne en Corrèze, difficile de tourner la page, de renoncer à son royaume posé sur le plateau de Millevaches. Même si son influence décroît, même si les moyens de l’État ne sont plus à sa disposition, comme ce 18 décembre 2009 : Bernadette Chirac, Catherine Besançon, sa conseillère sur les affaires corréziennes, et son garde du corps originaire du coin tentent de regagner Paris, sous la neige, alors que les routes sont impraticables ; le Corail Téoz qui part de Limoges est immobilisé à la gare. Après près de douze heures de trajet en voiture, le trio est obligé de frapper à la porte du préfet de Limoges pour demander l’hospitalité pour la nuit. « Du temps de l’Élysée, un hélicoptère ou un avion du Glamserait venu les chercher », ricane un Corrézien. Le lendemain, après trois heures de sommeil, Bernadette Chirac, lunettes noires sur le nez pour cacher la fatigue, reprend sa route. Malgré des éléments déchaînés.

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Extraits de La reine mère, Éditions du Moment (22 septembre 2011)



[1]La Montagne, 21 février 2011.

[2] Entretien avec l’auteure, le 16 février 2011.

[3]Ibid.

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