Avoir des horaires de travail irréguliers lorsqu’on est jeune impacte négativement la santé une fois âgé<!-- --> | Atlantico.fr
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Des salariés dans le quartier de La Défense.
Des salariés dans le quartier de La Défense.
©MIGUEL MEDINA / AFP

"Le travail c'est la santé"

Des chercheurs de l'Université de New York ont étudié les conséquences au long cours sur la santé d'un emploi du temps haché au travail.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Un professeur de l’Université de New York et ses collègues ont analysé les données d'une étude à long terme qui a suivi la santé de plus de 7 000 personnes aux États-Unis pendant plus de trente ans. Leurs travaux révèlent qu'un emploi du temps haché à l'âge adulte, entre 20 et 40 ans, peut affecter la santé de la personne lorsqu’elle est vieille. Comment interpréter ces résultats ? Dans quelle mesure cela nuit-il au bien-être de la personne ?

Christophe de Jaeger : Cette étude du professeur Wen Jui Han de l’Université de New York met clairement en évidence l’importance de la qualité de notre vie professionnelle et en particulier de ses rythmes sur notre santé. Notre Capital Santé commence à être altéré dès la fin de notre adolescence et va aller progressivement en se dégradant tout au long de notre vie. Plus cette altération commence tôt, plus vites et plus graves seront nos problèmes de santé. Cette réalité bien connue des physiologistes est en train de pénétrer l’esprit du grand public et surtout, je l’espère, des entreprises. 

Ce n’est pas parce que l’on a 20 ou 30 ans que l’on peut tout supporter. Ou plutôt, ce n’est pas parce que nous avons l’impression que nous pouvons tout supporter, que notre corps ne présentera pas la facture quelques décennies plus tard. Il s’agit d’un vrai problème de santé publique qui passe totalement inaperçu volontairement ou involontairement. En effet, à 25 ou 30 ans, dans l’action et son stress, tout paraît supportable. Certains pensent tous pouvoir encaisser. 

Cette étude américaine montre clairement que les distorsions dans les plannings des plus jeunes conduisent à une augmentation des troubles du sommeil et des dépressions après 50 ans. Pour arriver à cette conclusion, l’équipe du professeur Wen Jui Han a étudié 7000 personnes vivant aux Etats-Unis durant 30 ans. Cette étude montre qu’environ les 3 quarts des personnes suivies n’ont pas eu d’emploi du temps régulier de 20 à 40 ans. Les conséquences en sont un mauvais sommeil, une fatigue physique et un épuisement émotionnel. L’ensemble contribuant à altérer leur Capital Santé. 

Les personnes ayant des emplois du temps avec un certain degré de variation dans les horaires vont avoir un temps de sommeil réduit, un sommeil de qualité plus médiocre, une baisse de leurs performances physiques et intellectuelles et décriront une santé de plus mauvaise qualité associée à des éléments dépressifs dès 50 ans.

Je pense que c’est à l’entreprise de mettre en place les stratégies d’évaluation et de correction des « stresseurs » polluant la vie des employés dans l’entreprise.  

Que doit faire une personne jeune pour ne pas avoir à souffrir une fois âgé ?

L’élément important que nous apporte cette étude est l’importance de la régularité de nos rythmes de travail. On ne parle pas ici de charge de travail, mais de régularité des rythmes. Notre organisme peut supporter d’importantes charges de travail, mais il doit savoir quand il peut se reposer. Allonger les journées de travail et / ou les rendre irrégulières, va priver notre organisme des zones de repos indispensables à sa réparation. Il est donc important que toute personne, a fortiori jeune, sache qu’il faut organiser son temps de travail, ses loisirs et son temps de repos qui permet à l’organisme de se réparer. A noter qu’un temps de loisir n’est pas forcément un temps de repos permettant au corps de se régénérer. 

Le travail de nuit ou tôt le matin est particulièrement délétère. Dans ces cas particuliers, le professeur Zhou propose quelques conseils utiles pour vous assurer de dormir plus profondément et avoir un sommeil plus réparateur. 

a/ Chronométrez votre exposition à une lumière vive et faible. Les travailleurs postés dans les cimetières dont l'horaire de travail s'étend de minuit à 8 heures du matin, par exemple, devraient réduire autant que possible leur exposition à la lumière après avoir quitté le travail s'ils ont l'intention de s'endormir une fois de retour chez eux. "Ces mesures pourraient prendre la forme du port de lunettes bloquant la lumière bleue ou de l'utilisation de lunettes occultantes dans votre chambre".

b/ Prévoyez suffisamment de temps pour dormir les jours de congé. "C'est souvent plus difficile qu'il n'y paraît, car vous aurez envie de voir votre famille et vos amis en dehors des heures de travail". "Vous devez vraiment protéger votre opportunité de dormir." 

c/ Maintenir un horaire de travail posté cohérent. "Essayez également de minimiser le nombre de jours consécutifs que vous passez à travailler des quarts de travail difficiles". 

d/ Parlez à votre employeur. Peut-être que votre patron peut vous programmer moins de quarts de nuit. "Vous pouvez également demander à votre médecin de justifier que vous soyez retiré de ces quarts de travail ou que vous bénéficiiez de plus de flexibilité". 

Il faut rechercher des solutions pratiques qui vous permettent d’avoir un sommeil plus réparateur. "Les personnes travaillant par quarts ont généralement des responsabilités à l'égard de leur travail ainsi que des membres de leur famille, qui travaillent souvent selon un horaire plus typique de 9h à 17h", note-t-il. "L'objectif est de préserver un rythme circadien aussi fort que possible dans le cadre des horaires anormaux qu'exige le travail posté." 

Quels sont les facteurs les plus déterminants pour expliquer une mauvaise santé de la personne âgée ? 

Quand on parle dans cette étude de personne âgée, il s’agit de personnes de 50 ans et non de 75 ans. Bien évidemment le « mal vieillir » à 50 ans, ne peut qu’accentuer le » très mal vieillir à 75 ans ». Notre vie est un continuum et chaque élément traumatisant va impacter notre futur Capital Santé. Nos rythmes de travail même jeune vont avoir leur importance sur notre Capital santé à 30 ans. Il faut donc investir aujourd’hui dans notre santé future. Nous passons un quart de notre vie en entreprise. Voyez vos responsables pour essayer d’organiser au mieux vos rythmes de travail dans une perspective à long terme. Ce que vous perdez aujourd’hui, vous aurez du mal à le regagner demain.

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