Agriculture/Environnement : le match perdant-perdant de l’écologie politique<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écologie politique vise-t-elle à détruire l'économie européenne ?
L'écologie politique vise-t-elle à détruire l'économie européenne ?
©Bertrand GUAY / AFP

Les Verts montrés du doigt

L'écologie politique est en train de fragiliser bon nombre de secteurs, à commencer par celui de l'agriculture.

Samuel Furfari

Samuel Furfari

Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.

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Alexandre Baumann

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann est auteur de sciences sociales et sur de nombreux autres sujets (Antéconcept, Agribashing, Danger des agrégats, Cancer militant).

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Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : N’assiste-t-on pas avec la crise de l’agriculture et au regard des arguments des militants écologistes à l’impasse de l’écologisme politique ?

Samuel Furfari : Le plan vert à l’échelle de l’Europe a été une erreur, une grave erreur. Je regrette que les médias fassent croire que la crise des agriculteurs est liée à quelques centimes d’euros en plus sur le prix du lait ou sur la taxation du diesel. La réalité est que tout cela arrive à cause du pacte vert pour l’Europe.

L’écologie punitive que nous avions prédite est là pour de bon. Si nous voulons sauver l’Union européenne, nous devons d’urgence abandonner l’écologisme et revenir à la protection de l’environnement, qui sont deux choses différentes. L’écologisme ce n’est pas la protection de l’environnement, c’est le contrôle de la vie au travers des émissions de CO2.

Quelles ont été les politiques et réglementations prises en France comme en Europe sous l’influence des écologistes et les principaux problèmes que cela a généré ?

Samuel Furfari : Le pacte vert pour l’Europe a en réalité été influencé par l’idéologie de Greenpeace. Au sein de la Commission européenne, le chef de cabinet de Frans Timmermans, l’ancien Commissaire européen à l’Action pour le climat, est un membre de Greenpeace. L’écologie politique est donc au cœur du plan vert européen. Ce pacte vert commence à détruire tout ce qui amenait de la prospérité au sein de l’Europe : la prospérité alimentaire, la prospérité économique (via l’automobile, l’industrie chimique) et la prospérité énergétique. Sans ces prospérités il n’y a tout simplement plus de prospérité sociétale.

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Pour mettre en œuvre le Pacte vert, il faut légiférer, imposer des normes. 14 réglementations pour planter et tailler des haies. Les députés européens aiment les normes, car cela leur donne du travail. Tout, absolument tout, est contrôlé. Ils imposent aux agriculteurs les dates des semis ! Ils ont créé l’Union soviétique de Bruxelles-Strasbourg.

Alexandre Baumann :Le grand échec de l'écologie politique a été le sabordage du nucléaire, non seulement en France, mais surtout en Allemagne, en Belgique et aussi en Autriche. Cela a entraîné des conséquences dramatiques. Le recul du nucléaire en Europe est le drame principal qui a fait le plus de morts car avec moins de nucléaire, cela entraîne un recours plus grand au charbon. Il y a vraiment une forte équivalence à ce niveau-là. 

Parmi les erreurs de l’écologie politique figure aussi le rejet des OGM. Plusieurs études ont mis en évidence le fait que les OGM ont un intérêt important pour la production de nourriture. De nombreuses études montrent que les agriculteurs, même de pays comme l'Inde, gagnent plus d'argent, produisent plus en utilisant moins de pesticides en utilisant des OGM BT [qui produisent un insecticide naturel]. On peut aussi penser au riz doré, qui sauverait la vie de milliers d'enfants chaque année. Le refus des OGM est aussi un échec sanitaire et environnemental terrible.

Fabien Bouglé : J'ai pu constater, au travers de la politique énergétique, que l'ensemble des actions réalisées par les écologistes avaient pour objectif la destruction de l'économie européenne et de son agriculture. Ils revendiquent l’application de la décroissance en Europe et en France. La politique énergétique est la face émergée de l'iceberg. Ces opérations visent à détruire la compétitivité européenne, son industrie, son agriculture au profit de l'économie américaine. De nombreux mouvements écologistes intervenant en Europe vont au final servir l'économie américaine en détruisant la compétitivité agricole, industrielle et énergétique de l'Europe.

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L’écologie politique n’est-elle pas responsable des monstrueuses émissions de CO₂, de l’effondrement de l’industrie après une transition ratée, du recul du nucléaire et d’une part importante de la responsabilité du prix de l’électricité ou de la folie normative environnementale ?

Samuel Furfari : L’Allemagne et la multitude d’ONG écologistes dont Greenpeace ont influencé l’Union européenne. L’objectif d’origine était d’abattre le nucléaire. François Hollande a dansé comme l’Allemagne sifflait et a promis de réduire le nucléaire sous le poids des écologistes au gouvernement. Emmanuel Macron, lui aussi converti à l’écologisme, n’a pas eu le courage de s’opposer à ce projet à l’époque et a décidé de fermer Fessenheim pour faire plaisir aux Allemands. Emmanuel Macron s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une erreur et a décidé de relancer le programme nucléaire. Cette erreur a été commise à la suite de l’influence allemande, de Greenpeace et d’autres écologistes à Bruxelles et Strasbourg. Il faudrait que le président français ait le courage de faire ce qu’il a fait pour le nucléaire avec le pacte vert : le mettre à la poubelle.

Le Pacte vert a conduit à des augmentations du prix de l’énergie. L’augmentation du prix de l’électricité en Europe a commencé en 2008. La production d’électricité la plus chère, les énergies renouvelables, a été imposée. Depuis que la production d’énergie renouvelable a été imposée, le prix de l’électricité a augmenté en Europe. Cela n’a rien à voir avec l’Ukraine et avec le gaz russe. Tous les chiffres d’Eurostat montrent bien que c’est en 2008 que le prix de l’électricité a commencé à monter lorsque l’obligation de la production d’énergie renouvelable a débuté, à la demande d’Angela Merkel. En 2006, la chancelière allemande avait demandé à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne de l’époque, d’établir une feuille de route pour favoriser la production d’énergie renouvelable pour faire plaisir à ses partenaires de gouvernement. Depuis cette période, les pays de l’UE subissent ce diktat allemand qui pénalise tout le monde sauf ceux dans les pays d’Europe centrale et orientale qui ne souhaitent pas se plier aux normes et au passage aux énergies renouvelables.

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Je rappelle la couleuvre qu’ont dû avaler l’UE et les écologistes lors de la dernière COP, car à Dubaï il a été décidé que les énergies fossiles ont un bel avenir et que l’UE va rester seule à vouloir réduire les émissions mondiales de CO2, commentant ainsi un suicide économique. L’avenir de l’énergie, ce ne sont pas les énergies renouvelables, mais celle conventionnelles : fossiles, nucléaire et hydroélectricité. Le contraire du Pacte vert !

Fabien Bouglé :Incontestablement, l'imprégnation politique des prétendus écologistes et leur alliance avec des mouvements de gauche depuis ces 20 dernières années ont eu des effets absolument délétères sur les systèmes énergétiques européens sous prétexte de lutte pour le climat. Cette stratégie était à l’œuvre en France via l’affaiblissement du système énergétique français avec la fermeture de Superphénix puis de Fessenheim. Cela a conduit à une déstabilisation de notre système électrique et à une explosion du coût de l'électricité due à l'émergence des énergies intermittentes. En Allemagne, l'action des Grünen avec le SPD a conduit à l’Energiewende, à la transition énergétique qui a été un fiasco complet et la Cour fédérale des finances en Allemagne avait alerté sur le risque majeur d'une explosion du prix de l'électricité et des coupures d'électricité. C'est exactement ce qui s'est passé. Cette alliance rouge - vert a conduit à une explosion des émissions de gaz à effet de serre, puisque l'Allemagne est aujourd'hui obligée d'utiliser du charbon pour compenser l'intermittence des énergies renouvelables. Ce que nous vivons dans le domaine énergétique est identique à ce qui se déroule dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine industriel et dans le domaine économique. Nous sommes en train d'assister, avec cette crise majeure de l'agriculture, aux conséquences de la logique décroissante. Le vrai visage de la décroissance apparaît au grand jour. Les écologistes sont, par leur action politique en lien avec certains partis politiques dits progressistes, responsables de la destruction de notre système économique.

La mobilisation des agriculteurs va-t-elle permettre de réduire l’influence de l’écologie politique et de ses dérives ?

Samuel Furfari : Il faut le souhaiter. Mais pour que cela advienne, la parole doit se libérer et la vérité doit triompher. Les médias et les « écolos de tous les partis » ont tenté de nous faire croire que les tracteurs allemands ont envahi Berlin à cause du prix du diesel agricole, puis que le prix du lait est trop bas de quelques centimes, et maintenant ce serait pour s’opposer aux négociations avec le Mercosur. Tout cela est vrai, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Lorsque le parti BBB a vu le jour l’année dernière aux Pays-Bas, c’est parce que les agriculteurs devaient abattre un tiers de leur bétail pour « sauver la planète ». De même, en Irlande, le gouvernement a exigé l’abattage des moutons pour se conformer au Pacte vert. Il faut oser dire et reconnaître que la mobilisation des agriculteurs est le pacte vert.

Ce plan vert européen massacre tout sur son passage législatif. Les conséquences sont visibles en Allemagne. Le pays est maintenant en récession après être allé trop loin avec l’application du pacte vert. Les agriculteurs subissent d’énormes contraintes pour faire du bio alors que le reste du monde ne s’y intéresse pas. Obliger de consommer du bio dans les cantines de l’école ne va qu’augmenter le désastre.

Les écologistes de tous les partis ont cru que, grâce aux efforts menés dans le domaine de l’environnement, le monde entier allait suivre notre modèle. Or, cela n’a pas été le cas. L’Europe reste isolée avec ce modèle prétendument vert par rapport au reste de la planète. Les mesures normatives excédentaires ne changent rien à la planète, mais elles nous pénalisent et vont détruire notre souveraineté alimentaire. Nous devons remercier les agriculteurs de nous révéler l’avenir noir du plan vert. Ce ne sont pas les terres qu’ils faut mettre en jachère, mais la législation européenne.

Les illusions, les contradictions et les impasses de l’écologie politique ne provoquent-elles pas une explosion d’exaspération et une prise de conscience ? La grande prise de conscience commence-t-elle enfin face aux ravages de l’écologie politique ?

Samuel Furfari : Si les agriculteurs ont un capital de sympathie énorme dans cette situation que nous vivons, c’est parce que la population a compris le danger du pacte vert européen. Les premiers à l’avoir compris, ce sont les Néerlandais et les Allemands. Maintenant, c’est au tour des Français et des Belges. Le vert est destructeur et coûte cher. Lorsque ce Pacte vert a été présenté, j’avais écrit ― dans les médias qui voulaient bien me permettre de le dire comme Atlantico ― à quel point ce surplus de législation créait une écologie punitive qui mécontenterait le grand public, mais aussi les agriculteurs. J’avais écrit que l’on passerait des gilets verts aux salopettes vertes. Malgré le fait que nous étions nombreux dans chaque État membre à alerter, aucun politicien ne nous a prêté attention, ils étaient tous devenus verts.

Face à l’évidence de la crise, les politiciens se rejettent la faute. Ce sont « les écologistes de tous les partis » qui sont coupables. Ils ont tous succombé au rêve vert, car la Commission européenne infiltrée par les ONG vertes et dirigée par l’Allemagne verte a fait miroiter les aspects positifs en cachant la réalité de la catastrophe annoncée. Les naïfs de Strasbourg ont suivi comme un seul homme. Ce serait bien qu’Atlantico diffuse les noms des députés européens qui ont voté le pacte vert et l’on verrait que ce sont les « écolos de tous les partis » qui ont imposé une écologie outrancière. J’insiste pour dire que cela n’a plus rien à voir avec la protection légitime et souhaitable de l’environnement.

Contrôler le carbone impose des normes et des méthodes qui sont contraignantes et qui finissent par contrôler la vie des gens, en particulier des agriculteurs. Les Français se rendent compte qu’ils vont tout payer plus cher, y compris le chauffage, soi-disant pour sauver la planète. La population réagit parce qu’elle a compris que les agriculteurs ont raison.

D’ici aux élections européennes du 9 juin, toute la population doit comprendre qu’elle a été dupée par l’écologie politique et par le pacte vert européen. Depuis que l’UE dit qu’il faut sauver la planète, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 62 %.

Par ailleurs, le poids insupportable de la bureaucratie et des contrôles chez les agriculteurs est la conséquence des subventions. Dans tous les domaines, il y a des fraudeurs de sorte que plus il y a de subventions, plus il faut contrôler. C’est un cercle infernal. Il me semble que j’ai entendu la Coordination rurale oser dire qu’il faut diminuer les aides, cela permettra d’avoir des produits qui ne sont plus ou moins subventionnés. Les Européens pourraient alors choisir entre des produits européens de qualité ou de mauvais produits qui viennent d’ailleurs. On entrerait dans un cercle vertueux. Ceux qui ont compris que la qualité dépend du prix mangeraient européen. Mais si l’on met fin à l’écologie punitive, cela ne durerait qu’un temps, car si la prospérité revient dans l’UE comme par le passé, tout le monde finira par manger européen.

En effet, la réalité au sein de l’Union européenne était bien différente par le passé. Elle avait pour vocation d’apporter de la croissance et de la prospérité avec un minimum de règles. Mais le traité de Maastricht a créé une inflation législative qui a permis — notamment — d’imposer l’écologisme comme contrôleur de la vie des gens. Pour s’en sortir, il faut mettre un frein à l’écologie politique et à l’influence des écologistes de Strasbourg qui ambitionne de contrôler le monde. Le monde veut la prospérité, les écologistes de tous les partis veulent le contrôle de la vie. Je termine en rappelant la phrase de Richard Lindzen, éminent climatologue du MIT : « Si vous contrôlez le carbone [c’est-à-dire les émissions de CO₂ comme veulent le faire les écolos de tous les partis], vous contrôlez la vie ».

Fabien Bouglé :Il y a déjà eu un aperçu de cette grande crise identitaire européenne à travers l’écologie punitive. Mais cela a pris une autre dimension avec l’effondrement de notre système énergétique et la démocratisation des véhicules électriques. Il s’agit d’une vaste hypocrisie écologique car ce sont les mêmes qui, sous prétexte de politique écologique, développent des politiques qui amènent une pollution encore pire. La fermeture de Fessenheim a incité l'Allemagne a déployé plus de centrales à charbon alors que Fessenheim était décarbonée et que les trois réacteurs nucléaires qui ont été arrêtés en avril 2023 étaient décarbonés. L’arrêt des centrales nucléaires décarbonées a été programmé et des centrales à charbon extrêmement polluantes ont été relancées.

Nous assistons à l'extrême contradiction de l'écologie politique qui vise à détruire l'économie européenne. Sous couvert de protection de l'environnement, l'écologie politique est en fait parmi les plus grandes sources de pollution de la planète tout en étant destructrice d’activité.

Alexandre Baumann : La révolte agricole actuelle traduit l’exaspération et l’absence de perspectives des agriculteurs. Ils ont le sentiment de se faire grignoter leurs marges et leurs revenus sans raison. Sur ce point, voir la vidéo de David Forge. Elle est pédagogique, claire, vraiment très bien faite.

Je ne sais pas s'il y a une vraie prise de conscience. Le vrai problème de l'écologie politique est que les citoyens ne comprennent pas que l'écologie politique est avant tout un marché, une niche entrepreneuriale. Il est important de voir ce phénomène à travers le prisme du marketing. Cela n'est pas un phénomène isolé. Cela doit amener les Français à s’interroger sur ce qu’ils sont prêts à sacrifier pour penser avoir une opinion politique légitime. 

Le vrai problème que met en évidence la crise agricole aujourd'hui est un problème moral, un problème lié à un individualisme consumériste débridé qui n'hésite pas à sacrifier un pan de la population pour croire les discours pseudo-écologistes. Une myriade de rétributions morales et souvent sociales viennent avec cette croyance dans la pseudo écologie, cette croyance qui est pour moi complice.

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