Agence de notation : la dégradation de la France est inévitable mais sans doute salutaire... et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Une agence de notation évalue la capacité d'un emprunteur, une entreprise, un État, une collectivité, à rembourser sa dette.
Une agence de notation évalue la capacité d'un emprunteur, une entreprise, un État, une collectivité, à rembourser sa dette.
©Miguel MEDINA / AFP

Atlantico Business

Deux agences de notation (Fitch et Moody’s) vont rendre public leur évaluation de la solidité financière de la France ce vendredi. Le résultat attendu risque de faire tanguer la classe politique plus que les milieux financiers. Encore faut-il savoir à quoi sert une agence de notation.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La dégradation d’une note par une agence de notation n’est évidemment pas anodine, c’est un marqueur d’affaiblissement, mais cela n’est pas forcément catastrophique. C’est comme une analyse de sang qui révèle un taux de cholestérol excessif, cela peut être inquiétant mais normalement cela se soigne, du moins si le médecin est sérieux et si le malade est consentant. Tout est dit, l'économie c’est comme la médecine. L’agence mesure la température mais ne soigne pas.

Une agence de notation évalue la capacité d'un emprunteur, une entreprise, un État, une collectivité, à rembourser sa dette. En bref, l’agence analyse la solidité et la solvabilité financière, ce qui peut être une indication très importante pour les milieux bancaires et financiers, et plus généralement pour tous les partenaires de l'entreprise ou de l’État.

Il existe trois grandes agences qui contrôlent plus de 90% du marché mondial : Moody's Investor Service (Moody's), Fitch Ratings (Fitch) et Standard & Poor's.

Normalement, Fitch et Moody’s vont publier ce vendredi leur décision de note sur la solidité financière de la France. Et pour la première fois depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, il est très probable que ces notes qui étaient très bonnes, AA+, soient abaissées. La meilleure note possible étant le triple A, la France pourrait descendre en 3 ou 4 positions. AA ou moins.

Malgré les crises multiples qui ont entraîné des coûts financiers considérables, qui ont hypothéqué certaines perspectives : les gilets jaunes, les émeutes de banlieue, le COVID, la guerre en Ukraine, le choc inflationniste, le ministre des finances a su gérer les conséquences financières de tous ces événements en donnant les explications et les perspectives capables de ramener les finances de la France dans les clous.

Pendant 7 années, la France a certes beaucoup emprunté d’argent mais elle a emprunté à bas coût grâce aux facilités de la banque centrale, grâce aux perspectives de redressement du modèle économique, grâce aux garanties données par les contribuables d’accepter la pression fiscale, grâce également à l’épargne très abondante stockée dans les caisses d’épargne et les banques.

Dans ces conditions, la France a toujours trouvé de quoi financer son endettement sans avoir à payer une prime de risque exorbitante. Pendant toute cette période, les agences de notation n’ont pas bougé un cil.

Seulement voilà, depuis plus d’un an, la France qui s’était engagée à redresser l’équilibre de ses finances publiques a une fois de plus dérapé, obligée de reconnaître que ses engagements de réduction des déficits budgétaires et d’endettement ne seront pas respectés. Pourquoi ? Parce que la croissance économique est tombée en panne comme partout dans le monde, donc les recettes fiscales ont reflué. D’autre part, l'exécutif n'a pas pu ou pas voulu organiser une baisse des dépenses publiques et sociales. Le malade souffre d’obésité mais c’est pas pour cela qu’ il acceptera de maigrir.

Normalement, les agences de notation doivent sanctionner par une dégradation ces défaillances. Alors la question est de savoir ce que cette décision peut changer.

En théorie, la note d’agence mesure le risque que présente l'état emprunteur et comme le risque a un prix, la dégradation entraîne une augmentation du prix de la dette. Alors c’est la théorie. Dans la pratique tout dépend du coût global de la dette et la dette française a été négociée avec une maturité très longue (plus de 12 ans) à un taux très faible. Donc le risque d’un renchérissement est faible. Mais tout dépend aussi de la soutenabilité de la dette, c’est-à-dire de son financement. La France comme beaucoup de pays occidentaux n'a pas de difficultés à trouver des capitaux sur le marché international.

Cela dit, une dégradation de la note française va forcément relancer le débat politique interne. D’abord parce que pour l'opposition, la note est la preuve que la France est mal gérée et qu’elle est incapable de mettre en place une politique budgétaire cohérente. C’est un débat sans fin parce que l'opposition n’a pas de solution miracle et immédiate pour relancer la croissance, ni de recettes pour baisser les dépenses publiques et sociales. On va donc assister à un jeu de rôle traditionnel que nous offre la classe politique périodiquement. Ni à droite, ni à gauche, on a présenté de moyens alternatifs.

Plus important, cette dégradation risque d’accroître le désaccord latent entre le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Économie et des Finances. Bruno Le Maire qui tient les comptes depuis le début est évidemment dans le collimateur. Il a d’ailleurs il y a deux mois publié un diagnostic de la situation française, pour justifier ce qui a été fait pendant « le quoi qu’il en coûte... » (politique qu’ a l’époque, personne n’a regrettée) mais pour indiquer aussi la nécessité de sortir du quoi qu’il en coûte et d’engager des réformes structurelles capables de diminuer durablement les dépenses sociales et d’augmenter la productivité des services publics. Au sein de l'exécutif français du côté de Matignon comme de l’Élysée, le livre de Bruno Le Maire a été fraîchement accueilli.

Et pourtant il faudra bien, le moment venu, traiter ces problèmes. La publication de ces notes de la France va apporter du carburant à ce débat.

Le verdict tombera donc vendredi matin, puisqu’avant Standard and Poor’s le mois prochain, Fitch et Moody’s donneront le ton. Le gouvernement s’y attend ; c’est bien pourquoi Bruno Le Maire avait le premier parlé de « la fin nécessaire du quoi qu’il en coûte », assez mal reçu par Emmanuel Macron.

Cela étant, la décision des agences ne surprendra personne, les marchés financiers ont déjà intégré des résultats médiocres. Le président de la République aussi puisqu'il a repoussé l'idée de présenter une loi de finances rectificative. En d’autres termes, pas question d’ajouter une crise politique aux difficultés budgétaires. Le sujet n’est donc pas d’actualité. L’actualité sera plus impactée par les élections présidentielles que par les incertitudes sur la capacité de la France à trouver des financements.

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