Nous devons à Emmanuel Carrère, qu&rsquo;il fait bon suivre hors de son dernier exercice d&rsquo;étouffe-chrétien, d&rsquo;avoir découvert Limonov. Son récit biographique, publié en 2011, était à déguster sans modération, à descendre, à dévaler. Plein assuré, le tout sans autre raison qu&rsquo;une rencontre avec un invraisemblable personnage, il s&rsquo;agissait de savoir si l&rsquo;on attendrait de se dégriser ou si l&rsquo;on en reprendrait. La dépendance guettait, elle vient de frapper. Il a suffi de la goutte d&rsquo;ironie contenue dans un titre, &ldquo;Le livre de l&rsquo;eau&rdquo;, pour, désolé, replonger. Goût de pomme ou pas, c&rsquo;est du brutal. Mais pas seulement, il y a du sentiment coulé dedans. D&rsquo;accord, l&rsquo;iconographie de bonne compagnie se passera de lui. Limonov est moins recommandable qu&rsquo;Hemingway, Edouard le Terrible ne sera jamais Tonton Ernest. Né en 1943 avec le chaos, il passera sa vie à le chercher, à le provoquer. Et, de Manhattan à Sarajevo, de Paris à Moscou, dandy ou voyou, clochard ou maître d&rsquo;hôtel, toujours canaille, il restera dans la quête permanente de la transgression, de la provocation. Pour cet Ukrainien embastillé par Poutine et qui soutient, à présent, la Russie, il en va du sexe comme de l&rsquo;idéologie, tous les coups sont permis, qui déteste me suit. À l&rsquo;arrivée, mais rien n&rsquo;est fini, d&rsquo;une foi et d&rsquo;une loi à l&rsquo;autre, les siennes et sans vergogne, quel écrivain les amis&thinsp;! Si vous en doutez, offrez-vous &ldquo;Le livre de l&rsquo;eau&rdquo; comme une grosse pinte d&rsquo;un alcool rare. Et, désolé pour les voisins, inscrivez au fronton de votre pavillon le conseil de l&rsquo;auteur haïssable&nbsp;: &laquo;&nbsp;Choyez votre mégalomanie, cultivez ce qui vous distingue des autres, évitez la contagion de l&rsquo;ennui&nbsp;&raquo;. Lisez-le surtout, il vous en restera un certain goût car le bonhomme écrit comme personne.Né en prison après ses romans inclassables comme &ldquo;Le poète russe préfère les grands nègres&rdquo;, &ldquo;Le Petit Salaud&rdquo;, &ldquo;Autoportrait d&rsquo;un bandit dans son adolescence&rdquo;, sans oublier &ldquo;Journal d&rsquo;un raté&rdquo;, &ldquo;Le livre de l&rsquo;eau&rdquo; est la remontée aux sources d&rsquo;un néo-punk nationaliste, allumé de première, illuminé de toutes les causes. Tour à tour rocambolesque et odieux, ce pirate de notre temps est un époustouflant créateur d&rsquo;images. Au fil de toutes les eaux, lacs, fleuves, fontaines, mers, ruisseaux, il flotte d&rsquo;une aventure à l&rsquo;autre, poète sanglant, chien écorché, chat battu, instinct roi, repoussant et fascinant. N&rsquo;en jetez plus, cet affreux, sale et méchant à plus d&rsquo;un titre dérive et nous emporte. Toute comparaison avec les maîtres russes serait superflue. L&rsquo;amoral de l&rsquo;histoire c&rsquo;est lui, Limonov, ce pseudonyme qu&rsquo;il s&rsquo;est choisi, en référence au citron qui pique et à la grenade qui dégoupille. Une fois ouvert le livre de cet infréquentable, on ne le lâche pas. Garçon, remettez-nous ça&thinsp;!<a class="Colorbox" href="http://www.amazon.fr/Le-livre-leau-Edward-Limonov/dp/2841005704" target="_blank">Le livre de l&rsquo;eau, d&rsquo;Edouard Limonov</a>, Bartillat. 292 p., 20 euros.Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. Le mensuel de l'activité romanesque" height="77" src="http://www.servicelitteraire.fr/wp-content/uploads/2013/01/logo-header1.jpg" width="275" />&nbsp;&nbsp;

Le roman du mois : Edouard le terrible

Atlantico Lettres

On a toujours besoin d&rsquo;un petit rebelle chez soi. Dans ces temps perclus de conformisme, la dernière roublardise des intellos à courbettes est de se saper en frondeurs, révoltés, dissidents, insoumis, réfractaires, rebelles&hellip; Le costard idéal pour décrocher subventions, médailles et honneurs. Dans l&rsquo;affolante parade des faux-culs, pas facile de reconnaître les siens, les vrais mutins et valeureuses têtes de bois de la littérature. Le mors aux dents, Bruno de Cessole s&rsquo;y était attelé avec un superbe &ldquo;Défilé des réfractaires&rdquo; où il avait désigné à l&rsquo;admiration publique une cinquantaine d&rsquo;hexagonaux fulgurants, de Chateaubriand à Céline, de Barbey d&rsquo;Aurevilly à Guitry, de Stendhal aux quatre hussards. Il remet &ndash; cette fois, hors frontières &ndash; un couvert en or massif avec &ldquo;L&rsquo;Internationale des francs-tireurs&rdquo;, et son bataillon disciplinaire d&rsquo;indisciplinés dont les gros galonnés se nomment Jünger, Borges, Hemingway, Conrad, Kipling, Zweig ou Wilde, et les 1res classes Burgess, Durell, Lampedusa ou V.S. Naipaul. Révoltés flamboyants, aventuriers de haut vol, bannis de la société ou dissidents sur la pointe des pieds, ils n&rsquo;ont rien en commun, sauf une chose&nbsp;: de ne pas se ressembler. Et pourtant, qu&rsquo;ils répondent au nom de Samuel Johnson, Arthur Miller ou Virgina Woolf, il y a là comme un air de famille. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs là tout le charme de ce parcage hétéroclite qui nous fait tendre l&rsquo;oreille pour saisir le dialogue imaginaire &ndash; qui reste à écrire &ndash; d&rsquo;un Giacomo Casanova et d&rsquo;un Franz Kafka&thinsp;; d&rsquo;un Gabriele d&rsquo;Annunzio, le condottiere &ndash; dandy aux trente-neuf chiens et cinq cents cravates, fondateur malheureux en 1919 du mirobolant &ldquo;État libre de Fiume&rdquo;, et d&rsquo;un Ernst von Salomon, le lansquenet prussien, qui en 1953, devenu un pépère à béret basque, assis dans le salon d&rsquo;une pension de famille de la rue de Passy, sifflait des verres de vin blanc en me racontant l&rsquo;assassinat, en 1922, du ministre Rathenau, du gouvernement de Weimar, auquel il avait participé comme chauffeur et, plus glorieuse, sa campagne de jeune volontaire à l&rsquo;odyssée des Corps-francs contre les Rouges de la Baltique, soutenus par l&rsquo;Armée soviétique&thinsp;; ou bien encore d&rsquo;un Jack London, ce loup de la forêt égaré chez les homes, et d&rsquo;un Jim Harrison, ce turgescent Gargantua du Michigan, comparant leurs expériences de la vie sauvage et leurs records de flacons vides.On regrettera l&rsquo;absence d&rsquo;Aldous Huxley dont on aurait aimé confronter &ldquo;Le Meilleur des mondes&rdquo; (1932) avec le &ldquo;1984&rdquo; de George Orwell dont Cessole dégage une nouvelle lecture à la lumière d&rsquo;un totalitarisme contemporain qui a succédé au nazisme et au stalinisme. Le Big Brother d&rsquo;Orwell qui, avec le secours de sa Police de la Pensée, finissait par se faire aimer des plus irréductibles, retrouve tout son éclat maléfique dans une société livrée à Internet, à l&rsquo;espionnage électronique et à l&rsquo;Empire du Bien. Mais quelque trente années plus tôt, Huxley (Cessole lui consacra un brillant article dans &ldquo;Valeurs Actuelles&rdquo; au printemps dernier) était allé plus loin dans l&rsquo;anticipation. Alors que dans &ldquo;1984&rdquo;, ce sont la force, le lavage de cerveau et la torture qui broient les victimes de Big Brother, &ldquo;Le Meilleur des mondes&rdquo; offre une vision angélique d&rsquo;un monde qui adhére volontairement à sa propre servitude. Cela ne vous rappelle pas quelque chose&thinsp;?&nbsp;&nbsp;&nbsp;<a class="Colorbox" href="http://www.amazon.fr/Internationale-Francs-Tireurs-Cessole-Bruno/dp/2362010821" target="_blank">L&rsquo;Internationale des francs-tireurs</a>, de Bruno de Cessole, L&rsquo;Éditeur, 604 p., 22.Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. Le mensuel de l'activité romanesque" height="77" src="http://www.servicelitteraire.fr/wp-content/uploads/2013/01/logo-header1.jpg" width="275" />

blaise

Les vrais rebelles de la littérature

Les combats intellectuels sont dérisoires par rapport aux seuls vrais, ceux où on risque sa peau et de perdre sa vie. Où on se trouve véritablement en danger et non pas, comme certains artistes se plaisent à le dire de manière grotesque, parce qu&rsquo;ils ont accepté de jouer un rôle sulfureux dans une pièce ou un film troubles&thinsp;! Il n&rsquo;empêche. Aussi insignifiantes que soient, par comparaison, les luttes de l&rsquo;esprit, elles valent d&rsquo;être menées et, pour ma part, elles n&rsquo;ont de sens que mises au service des autres, qu&rsquo;en soutien de pensées libres, courageuses et donc vilipendées. Modestement j&rsquo;ai pris ce parti et puis-je dire que je n&rsquo;y ai eu aucun mérite tant on éprouve de la volupté à sortir de soi, non pas pour se regarder de l&rsquo;extérieur avec ravissement mais pour se livrer à des joutes altruistes.Quand je défends Eric Zemmour et sa liberté, ce n&rsquo;est pas qu&rsquo;il ait besoin de moi mais les charges contre lui sont tellement injustes et violentes qu&rsquo;on n&rsquo;est jamais trop de deux pour y répliquer. Cette démarche qui vise peu à sa propre sauvegarde &ndash; il est normal de payer le prix, pour soi, de l&rsquo;audace toute relative qu&rsquo;on s&rsquo;octroie et de recevoir de plein fouet des réactions imbéciles ou stimulantes, c&rsquo;est selon &ndash; offre également le grand mérite de vous blinder, de vous prémunir contre une excessive susceptibilité quand il s&rsquo;agit d&rsquo;idées et de concepts. J&rsquo;ai bien conscience qu&rsquo;être un adepte régulier, voire frénétique, certains jours, des réseaux sociaux &ndash; comme par exemple Twitter &ndash; ne révèle sans doute pas qu&rsquo;un désir éperdu de communication mais aussi une image de soi qui n&rsquo;est pas toute d&rsquo;humilité. Il faut croire, durant quelques instants, que ce qu&rsquo;on va écrire et diffuser, même seulement en 139 signes, est suffisamment important pour qu&rsquo;on s&rsquo;aventure ainsi vers autrui. Derrière le fond du tweet, il y a l&rsquo;insistance de l&rsquo;être. Mais, après tout, cette vanité honorable n&rsquo;est-elle pas perceptible dans toutes les œuvres de l&rsquo;esprit, des plus dérisoires aux plus graves&thinsp;? Avoir pris l&rsquo;habitude de m&rsquo;engager comme un justicier blanc spontané et non sollicité en faveur de causes superbement minoritaires n&rsquo;a pas cessé de me donner, dans le domaine de la contradiction et du débat, une sorte d&rsquo;immunité, de tranquillité, alors que par ailleurs je ne brille pas par la patience, tout simplement parce que je ne connais pas d&rsquo;autre définition pour l&rsquo;idée que ce qui peut, doit être contredit. Donc une liberté d&rsquo;expression qui s&rsquo;offusquerait de la riposte me semblerait contradictoire dans les termes. Cela ne signifie pas que tout est aisé à absorber, à assumer.Pour reprendre l&rsquo;exemple de Twitter, je suis confronté à deux types d&rsquo;obstacle, l&rsquo;un profond et dévastateur, l&rsquo;autre superficiel mais indécent. Le premier a trait à la médiocrité, voire à la nullité des échanges quand vos contradicteurs ne connaissent que Twitter et ne s&rsquo;informent qu&rsquo;à partir de ce réseau social. C&rsquo;est une catastrophe car souvent une arrogance ignorante et par conséquent impérieuse inscrit dans l&rsquo;instant du tweet une histoire, une problématique qui durent depuis des années. On évoque Nicolas Sarkozy comme s&rsquo;il venait de naître à la politique avec une pureté touchante. On accable François Hollande en l&rsquo;extrayant de tout ce qui pourrait rendre son appréhension nuancée et complexe. Twitter n&rsquo;est un formidable outil que pour ceux qui, dans l&rsquo;information et l&rsquo;expression, en ont beaucoup d&rsquo;autres à leur disposition. Le second se rapporte à des indélicatesses, à une méchanceté nue qui vous laissent saisi avant de réagir et de dénoncer l&rsquo;ignominie ou la bêtise, qui sont souvent jumelles. Je me souviens d&rsquo;un tweet où je m&rsquo;amusais de Brice Hortefeux capable d&rsquo;approuver Sarkozy même si ce dernier en venait à déclarer qu&rsquo;en pleine nuit il fait jour.Un intervenant, spécialiste dans les ventes aux enchères internationales, que j&rsquo;aurais pu présumer courtois, s&rsquo;est contenté de me répliquer : &quot;Votre cancer se voit maintenant sur le visage&quot;. Sans aucun lien avec mon propos ni, je l&rsquo;espère, avec mon visage. J&rsquo;ai riposté, répliqué, pourfendu. Je me suis fait du bien en dénigrant le mal. Je me contente de ces combats intellectuels en admirant les authentiques héros de la guerre ou du quotidien. Tant pis. Je ne suis un intrépide qu&rsquo;en chambre.<a class="Colorbox" href="http://www.amazon.fr/Le-Suicide-fran%C3%A7ais-Eric-Zemmour/dp/2226254757" target="_blank">Le suicide français</a>, d&rsquo;Eric Zemmour, Albin Michel, 544 p., 22,90.Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. 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camus lettre 

Petit éloge du tweet

Courage, fonçons ! Pourquoi il faut tweeter

Culture

L&rsquo;homme est né à crédit. Une façon d&rsquo;adresser un clin d&rsquo;œil à Céline, le voisin de Courbevoie. Lui, Albert, c&rsquo;était la Chapelle. Son dernier livre s&rsquo;intitulera d&rsquo;ailleurs &ldquo;Confession d&rsquo;un enfant de la Chapelle&rdquo;, et pas dans le style rousseauiste. Simonin (1902-1980), à ne pas confondre avec Simenon, même si le roman policier crée parfois des complicités, avait un père fabricant de fleurs artificielles et une mère souffreteuse. Les misères veillaient déjà. Le style, il va l&rsquo;apprendre avec son père qui, hormis les fleurs, a le vice des courses. Il devient apprenti en électricité, en boucherie, en marquage de bretelles, en maroquinerie, en courtage de perles, en journalisme&hellip; Douze métiers, treize misères. Si on lui avait demandé son avis, Simonin, vite orphelin (son père et sa mère meurent quand il a 15 ans), aurait préféré être à Louis-le-Grand, faire Sciences-Po, l&rsquo;éna, devenir commissaire européen à 20000 par mois, à l&rsquo;image de Mosco. Au lieu de ça, Albert glande. Il dérive au jour le jour, sort la nuit, apprend ses sortilèges, son argot, ses alcools, sa poésie, ceux de la tierce et du mitan. C&rsquo;est la dèche. Taxi, Albert chauffe, transporte, traîne sa viande dans les rades les plus blèches de la Quincampe, de la Mouffe, du Sébasto, de Ménilmuche, de la Popinque. La langue, les expressions, les mots qu&rsquo;il butine sur les traces d&rsquo;Eugène Sue, c&rsquo;est là qu&rsquo;il va les enregistrer. En 1953, sous le soleil de Villon, il nous les restitue tel un cador de la syntaxe, dans la droite ligne de Rabelais, Jehan Rictus, Forton, Trignol et Bruant. A la sortie de &ldquo;Touchez pas au grisbi&rdquo;, c&rsquo;est un triomphe. Les critiques parlent d&rsquo;un Chateaubriand de la langue verte, d&rsquo;un Céline du polar qui fait des miracles avec les vingt-six lettres de l&rsquo;alphabet. Simonin n&rsquo;est pas qu&rsquo;un conteur, c&rsquo;est un styliste. Voilà ce qu&rsquo;écrit Mac Orlan&nbsp;: &quot;Simonin est un précurseur dans l&rsquo;art du roman policier qui, cette fois, s&rsquo;adresse à ceux qui parlent la langue de la pègre&quot;. C&rsquo;est savoureux. Exemple (Et l&rsquo;on vous prie de ne pas confondre avec Monsieur Rinaldi)&nbsp;: &quot;J&rsquo;avais jamais eu d&rsquo;estime pour Angelo&thinsp;; j&rsquo;aime pas les harengs, mais quand ils traînent des vices de gonzesse, je crois que je leur préfère encore les lopes&quot;.Description d&rsquo;une dame qui a du chien&nbsp;: &quot;Côté plastique, faut avouer que Lucette était armée&nbsp;: nénés ogives indéformables, cuisses fuseau grand sport, noix rondouillardes et une cambrure de hanche dégradé moelleux tout ce qu&rsquo;il y a de plus confortable&hellip;&quot;. Bref, un mélange savant d&rsquo;argot et d&rsquo;adjectifs dosés, de décalages et de précisions, de lyrisme et de sécheresse, de mots savantissimes et de dialogues au P.38. Dard, Audiard et Boudard auront de qui tenir. Pour les aficionados, Simonin (mort en 1980) travaillera pour le cinéma avec Audiard, et ils feront ensemble &ldquo;Les tontons flingueurs&rdquo;, qui est une adaptation de &ldquo;Grisbi or not grisbi&rdquo;. Si vous voulez voir les anges de la langue verte, y aller de votre voyage dans un pays cher à Pechon de Ruby, Jésus la couille et Paulo la déglingue, foncez vers le grisbi avec Max le Menteur (Jean Gabin au cinéma), Pierrot et le Gravosse, vous n&rsquo;aurez pas une chaise percée dans le burlingue&thinsp;!&nbsp;&nbsp;&nbsp;<div><a class="Colorbox" href="http://www.amazon.com/Touchez-Pas-Grisbi-Criterion-Collection/dp/B0006HC0I2" target="_blank">Touchez pas au grisbi&thinsp;!</a> d&rsquo;Albert Simonin, Folio policier, 286&nbsp;p., 7,90&nbsp;&euro;.Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. Le mensuel de l'activité romanesque" height="77" src="http://www.servicelitteraire.fr/wp-content/uploads/2013/01/logo-header1.jpg" width="275" /></div>&nbsp;

Le Chateaubriand de l’argot

ce n&rsquo;est pas d&rsquo;aujourd&rsquo;hui que le phénomène Houellebecq bouleverse le champ ordinaire de la littérature.Ceux qui dès le début le lirent au premier degré ne perçurent pas sa critique née du désastre de mai 68&thinsp;; certains crurent même qu&rsquo;il en faisait l&rsquo;éloge. Pourtant, que voudrait dire cette phrase de &ldquo;L&rsquo;Extension du domaine de la lutte&rdquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue&nbsp;&raquo;&thinsp;?&nbsp;Bernard Maris, économiste dérangeant, sait lire. Je dis dérangeant parce que Houellebecq économiste lui a valu un sermon d&rsquo;un certain Mathieu Laine dans une feuille néo-libérale (Le Point)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Non, Houellebecq n&rsquo;est pas marxiste&thinsp;!&nbsp;&raquo; Bien sûr, à aucune ligne Bernard Maris ne range Houellebecq dans la catégorie marxiste mais, pour les piliers ordinaires de la réaction, qui n&rsquo;est pas néo-libéral est nécessairement marxiste. Passons. &laquo;&nbsp;Si la souffrance des héros de Dostoïevski est liée à la mort de Dieu, celle des héros de Houellebecq naît de la violence du marché&nbsp;&raquo;, écrit Bernard Maris qui ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;Houellebecq déteste le libéralisme, l&rsquo;idéologie des individus libres luttant tous contre tous. (&hellip;) Les personnages de Houellebecq vivent cette intériorisation de la peur (&hellip;). Aucun romancier n&rsquo;avait jusqu&rsquo;à lui aussi bien perçu l&rsquo;essence du capitalisme, fondé sur l&rsquo;incertitude et l&rsquo;angoisse.&nbsp;&raquo; Bernard Maris va au-delà de l&rsquo;analyse purement économique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comme Baudelaire et Mallarmé ont su tirer de l&rsquo;Ennui une poésie magnifique, Houellebecq utilise la cendre du marché pour nous entraîner dans des romans éblouissants. Poète portant au pinacle Baudelaire, lui aussi transforme l&rsquo;ennui en or, l&rsquo;ennui de cette science &laquo; effroyablement ennuyeuse&nbsp;&raquo;, comme dit le héros de Plateforme.&nbsp;&raquo; Pour Bernard Maris, Houellebecq est à notre bourgeoisie décadente ce que Balzac fut à la bourgeoisie conquérante du capitalisme triomphant. &nbsp;<a class="Colorbox" href="http://www.amazon.fr/Houellebecq-Economiste-Maris-Bernard/dp/2081296071" target="_blank">Houellebecq économiste</a>, de Bernard Maris, Flammarion, 160 p., 14 &euro;.&nbsp;Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. Le mensuel de l'activité romanesque" height="77" src="http://www.servicelitteraire.fr/wp-content/uploads/2013/01/logo-header1.jpg" width="275" />&nbsp;

Houellebecq serait-il Balzac ?

Houellebecq serait-il le Balzac de la bourgeoisie décadente du 21e siècle ? 

Pour la plupart, Buzzati, c&rsquo;est &ldquo;Le Désert des Tartares&rdquo;. Il lui apporta la célébrité dès sa publication, en 1940. Adapté au cinéma en 1976 par Valerio Zurlini, il fournit à Jacques Perrin l&rsquo;un de ses meilleurs rôles. La réputation du roman s&rsquo;en trouva encore accrue, dans le monde entier. Moins nombreux ceux qui connaissent &ldquo;Le K&rdquo;, recueil de nouvelles attachantes où le fantastique joue un rôle éminent. Auteur de fictions, donc. Mais aussi, même si on le sait moins, journaliste que l&rsquo;effondrement du fascisme laissa un temps désemparé, comme bien d&rsquo;autres de sa génération. D&rsquo;où, peut-être, l&rsquo;obscurité où fut longtemps tenue cette part de son activité. Inédites chez nous, ces Chroniques révèlent donc le correspondant de guerre qui, de 1940 à 1943, envoya au Corriere della Sera des articles réguliers. Ils relatent les batailles navales entre les flottes italienne et britannique, le long des côtes siciliennes, dans le golfe de Syrie et jusqu&rsquo;à la mer Égée. Des affrontements qu&rsquo;il vit &laquo; de l&rsquo;intérieur &raquo;, depuis les croiseurs Fiume et Trieste, puis à bord du Gorizia. Qu&rsquo;il observe et relate avec force détails. Un vrai talent de reporter. Attentif aux faits, aux événements, mais aussi aux hommes qui les vivent. A leurs angoisses, à leur courage. Capable de recréer une atmosphère, de la rendre tangible. Un réalisme vétilleux. Une guerre qui, cette fois, n&rsquo;est plus fantasmée, mais recèle son lot d&rsquo;horreurs et d&rsquo;actes héroïques. Un théâtre d&rsquo;opérations bien réel, lui aussi. Fait remarquable, ces notations débouchent souvent sur une sorte de merveilleux. Tel est le miracle de la littérature. Elles en acquièrent un intérêt accru. Difficile d&rsquo;y demeurer insensible. J.A.<a class="Colorbox" href="http://www.amazon.fr/Chroniques-Guerre-Sur-Dino-Buzzati/dp/2251310096/ref=sr_1_1?s=books&amp;ie=UTF8&amp;qid=1408528645&amp;sr=1-1&amp;keywords=%22Chroniques+de+la+guerre+sur+mer%22%2C+de+Dino+Buzzati%2C&amp;tag=a0660-21" target="_blank">&quot;Chroniques de la guerre sur mer&quot;,</a> de Dino Buzzati, traduction de l&rsquo;italien, préface et notes de Stéphanie Laporte, <a class="Colorbox" href="http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100668630" target="_blank">Les Belles Lettres</a>, 354 p., 23,90 &euro;.&nbsp;Source&nbsp;:&nbsp;<a href="http://www.servicelitteraire.fr/" style="font-size: 12px;" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l&#39;actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner,&nbsp;<a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" style="font-size: 12px;" target="_blank">cliquez sur ce lien</a>.<img alt="Service Littéraire. Le mensuel de l'activité romanesque" height="77" src="http://www.servicelitteraire.fr/wp-content/uploads/2013/01/logo-header1.jpg" style="font-size: 12px;" width="275" />

Il faut lire le soldat Buzzati !

Ce Cupidon marseillais, ce Rastignac besogneux, cette vivante machine à écrire, ce prix Goncourt 1908 tombé dans un oubli complet, c’est Francis de Miomandre, que ressuscite magnifiquement Rémi Rousselot dans la biographie qu’il lui consacre. Miomandre a toujours écrit et ne s’est jamais arrêté d’écrire. Il s’est essayé à tous les genres, les poèmes, les romans, les essais, les articles. A cinq ans, il avait déjà composé un roman. Il en écrira 80 !Francis de Miomandre naît le 22 mai 1880 à Tours. Il est le fils d’un négociant chimérique, Gilbert Durand et d’une jeune aristocrate, Marie-Thérèse de Miomandre. En 1888, la famille Durand quitte Tours pour Marseille. Pour cet enfant de huit ans, la découverte de Marseille et de la Provence constitue un éblouissement qui durera toujours. Elève des Jésuites, il collectionne les prix d’excellence. Sa mère meurt, son père disparaît. Il acquiert ainsi une liberté dont il profite pour flâner, lire, écrire, vivre au jour le jour le roman d’un jeune homme pauvre, mais riche de multiples espérances.Il a 20 ans en 1900. Comment peut-on avoir vingt ans en l900 sans être à Paris ? Paris est alors le centre du monde, le miroir où les alouettes de tous les pays viennent se prendre. Francis de Miomandre s’y installe, fréquente les bouges et les salons. «&nbsp;Jeune, charmant, traînant tous les cœurs après soi&nbsp;», cet Hippolyte n’a rien de farouche et ne repousserait pas les avances de Phèdre. Il sait mettre sa séduction au service des riches veuves et on pourrait voir en ce Francis de 20 ans l’ancêtre de l’«&nbsp;escort boy&nbsp;».En 1908, Francis de Miomandre reçoit le prix Goncourt pour son roman, Ecrit sur l’eau. Le Goncourt n’a pas alors le retentissement qu’il a aujourd’hui. «&nbsp;Mon Goncourt ne fut un événement pour personne, même pas pour moi&nbsp;», avouera plus tard Miomandre. Comme un bonheur ne vient jamais seul, en 1909, il épouse une veuve, une riche Belge de dix ans son aîné, Anne Dewitte, dite Mijette. Ce qui ne l’empêche pas de s’éprendre passionnément, à l’exemple de son maître, Remy de Gourmont, de Natalie Barney.Francis de Miomandre réussit à se tenir à l’écart de la guerre de 14 et découvre en 1916 un pays qu’il va adorer, l’Espagne, et une littérature qu’il va servir en multipliant les traductions. Il devient «&nbsp;le&nbsp;» traducteur des meilleurs écrivains espagnols, parmi lesquels Miguel de Unamuno. Francis de Miomandre participe au lancement d’un hebdomadaire : Les Nouvelles Littéraires. Il y publiera plus de 2 000 articles. Ce noceur est un bosseur qui vit intensément les années folles dont il mesure pourtant la vanité.La cinquantaine venue, il décide de changer de vie et se réfugie dans l’île de Majorque en 1935. Il en est chassé l’année suivante par la guerre civile espagnole et revient à Paris qui a l’oubli facile et qui l’a oublié. Il s’aperçoit qu’il est démodé et lui que l’on sollicitait de toutes parts devient solliciteur. En 1940, pendant la débâcle, Mijette meurt brusquement. Miomandre est veuf. Un veuf vite consolé par sa secrète compagne, Marcelle Castellier, une Bovary qu’il rencontrait discrètement quand elle venait à Paris. Après la débâcle, Francis de Miomandre se réfugie en Corrèze, avec Marcelle et ses trois filles. Atmosphère familiale, Francis dessine, brode, écrit, s’ennuie. Il passe sa seconde guerre comme il avait passé la première, dans une indifférence absolue aux choses politiques, ignorant la collaboration comme il ignore la Résistance.La guerre finie, il regagne Paris. Nous sommes en 1945. Le monde et la littérature ont changé de face. Miomandre ne reconnaît pas ce nouveau visage et dénonce «&nbsp;les mœurs de sauvage cupidité qui sont devenues celles de la foire littéraire&nbsp;». Hélas, dans cette foire, il se rend compte qu’il n’a plus de rôle à jouer. Ou plutôt, qu’il n’a plus que de seconds rôles, après avoir tenu le devant de la scène. Son unique consolation est le café au lait du matin qu’il savoure quotidiennement pour oublier le passé, le présent, l’avenir. Fini les beuveries de la Belle Epoque et des Années Folles.Hospitalisé pour une crise d’urémie, il meurt le 2 août 1959. Peu de monde à son enterrement. Francis de Miomandre était inexorablement tombé dans l’oubli qui frappe ceux qui ne savent pas, ou ne veulent plus se maintenir sur l’estrade. Sa mort est signalée par quelques rares articles nécrologiques. Aucun ne signale que nous avons perdu notre dernier petit maître. Tout le monde ne peut pas être Marcel Proust !A lire :<a href="http://www.amazon.fr/Francis-Miomandre-goncourt-oubli%C3%A9-Rousselot/dp/2729120475" target="_blank">&nbsp;Francis de Miomandre, un Goncourt oublié</a>, de Rémi Rousselot (éditions de La Différence), 256 p. 20 €. <a href="http://www.amazon.fr/francis-de-miomandre-%C3%A9crit-leau/s?ie=UTF8&amp;page=1&amp;rh=i%3Aaps%2Ck%3AFrancis%20de%20Miomandre\c%20%C3%89crit%20sur%20l%27eau" target="_blank">Ecrit sur l’eau</a>, de Francis de Miomandre.Source : <a href="http://www.servicelitteraire.fr/" target="_blank">Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains</a>. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l'actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Eric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc. Pour vous abonner, <a href="http://www.servicelitteraire.fr/boutique/" target="_blank">cliquez sur ce lien.</a><img style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://static.v3.atlantico.fr/sites/default/files/staging/import/ufile/sites/default/files/logo-service.jpg" alt="" height="85" width="335">

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Francis de Miomandre, machine à écrire vivante : du prix Goncourt à l'oubli