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La société française fracturée au sujet du mariage homosexuel
L'observation des manifestations et des prises de paroles autour du projet de "mariage pour tous" défendu par le gouvernement permet de disposer de quelques indices quant au profil de ses soutiens et de ses opposants. Des lignes de fracture se dessinent aujourd’hui à ce sujet au sein de la population.
Les représentations associées à l'homosexualité évoluent. Le débat autour du projet de "mariage pour tous", inscrit dès le printemps 2012 dans le programme de François Hollande, intervient à l’issue d’une libéralisation des moeurs et des représentations associées à l’homosexualité au sein de la société française. La proportion de Français exprimant leur bienveillance à l’égard de l’homosexualité atteint désormais des niveaux très élevés, ceux associant cette orientation sexuelle à une perversion ou une maladie étant aujourd’hui nettement minoritaires. Toutefois, cette évolution mesurée par les sondages ne saurait être assimilée à son acceptation pure et simple. Les récents dérapages observés sur les réseaux sociaux attestent de la persistance d’une forme d’homophobie ordinaire dont il n’est d’ailleurs pas certain que leurs auteurs, souvent jeunes, aient pleinement conscience.
Cette opposition majoritaire à droite masque toutefois une évolution assez nette de l’intensité des réponses négatives recueillies dans nos sondages en près de dix ans. A titre d’exemple, près d’un sympathisant de droite sur deux (49%) se disait "tout à fait opposé" au mariage pour les couples homosexuels en 2004 contre environ un tiers aujourd’hui. De même pour l’adoption : la proportion de personnes répondant "tout à fait opposé" est passée de 62% en 2004 à 47% en début d’année 2013. Il s’agit en fait d’une tendance générale, observable aussi chez les sympathisants de gauche. Parmi ces derniers, l’opposition à l’adoption (majoritaire en 2004 : 55%) a elle aussi perdu en intensité, la proportion d’individus se disant "tout à fait opposé" chutant de 29% à 15%, ceux y étant "tout à fait favorable" passant dans le même temps de 10% à 30%.
Au fait politique évoqué ci-dessus, il faut ajouter le genre, l’âge et la croyance religieuse. C’est une constante au sein des enquêtes sur ce sujet : les femmes s’avèrent systématiquement plus disposées que les hommes à soutenir le droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels (Graphe 2). A propos du mariage et de ses implications en termes de filiation, elles font ainsi preuve d’un niveau d’adhésion au projet présenté par le gouvernement significativement plus élevé que les hommes.
L’effet d’âge apparaît aussi déterminant (Graphe 3) : plus les individus sont jeunes et plus l’adhésion au projet gouvernemental d’accorder aux couples homosexuels le droit de se marier et d’adopter des enfants apparaît élevée. Le différentiel entre soutiens et opposants au sein d’une classe d’âge est à son maximum chez les personnes âgées de 25 à 34 ans : 61% se prononcent en faveur du droit au mariage et à l’adoption contre seulement 18% répondant par la négative.
Le fait religieux ne doit pas, enfin, être négligé (Graphe 4), comme les déclarations et les prises de position des plus hauts représentants des principales confessions le laissaient présager. Les données d’enquêtes CSA attestent ainsi de l’existence d’une opposition très nette sur le sujet entre croyants et non croyants.
Signalons toutefois que la fréquence de pratique religieuse chez les catholiques correspond à des prises de position allant d’une opposition massive chez les pratiquants réguliers ou occasionnels à un rapport de force plus équilibré chez ceux n’assistant jamais aux offices religieux.
Au-delà des clivages observés, croyants et non croyants s’accordent toutefois pour rejeter majoritairement l’idée d’une organisation de débats dans les écoles sur le "mariage pour tous" (2), comme ont pu le proposer certains opposants au projet.
Ces divisions ne doivent cependant pas masquer un autre enseignement clé des enquêtes d’opinion publiées ces derniers mois : la bonne résistance des soutiens dans l’opinion au projet face aux succès de mobilisation enregistrés par les opposants au projet. Si un reflux a pu être enregistré dans certains sondages, celui-ci n’est pas général et s’avère tout compte fait assez limité. Il s’agit ici d’un élément important : l’érosion limitée des soutiens dans les enquêtes d’opinion atteste de la solidité de l’évolution des représentations et des attitudes à l’égard de l’homosexualité. Elle pourrait d’ailleurs laisser présager une atténuation des oppositions au projet, une fois la loi votée et entrée en application, sur le modèle de ce qui avait été observé pour le PACS après 1998.
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